"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Les temps changent mais la comédie humaine demeure. Déclinaison contemporaine des Illusions perdues de Balzac, cette comédie enjouée et désenchantée dresse une satire féroce du monde de l’édition et de la presse.
A la mort de son ami Paul Beuvron, Henri d’Estissac, journaliste d’un magazine branché, se retrouve le légataire de ses documents personnels. Ramené à ses souvenirs de leur rencontre en classe préparatoire littéraire, alors qu’ils débordaient encore d’ambitions quand à leur avenir, il se met à retracer leurs parcours respectifs, lui d’abord pigiste puis précaire plumitif pour une revue culturelle provocatrice et décalée – le double aisément reconnaissable de Technikart où collabore l’auteur –, Paul, écrivain génial d’un roman monumental resté confidentiel, bientôt réduit à produire à la chaîne les best-sellers signés par d’autres et à servir de prête-plume à un ministre dépravé.
N’en déplaise à leurs nobles idéaux littéraires, Paul et Henri se heurtent bien vite à une réalité : « Le monde des lettres ne jure plus que par les chiffres. » Industrie soumise comme une autre aux diktats de la rentabilité commerciale, l’univers feutré de l’édition gère la littérature en marchandise et les auteurs comme des marques. Tant pis pour le génie littéraire trop souvent invendable, ce qu’il faut, ce sont des « moyens de palper », de « l’artillerie lourde », « des blockbusters littéraires » capables de « bombarder les librairies » en fin d’année et de « bousiller la concurrence en mode bulldozer ». Pour ces grandes manœuvres, bien des coups sont permis et, avec le piquant sans méchanceté d’une lucidité pleine d’humour, la satire s’en donne à coeur joie, décrivant savoureusement cuisines et arrière-cuisines, de l’édition mais aussi de la presse, des prix et de la critique littéraires.
En familier de ces milieux, l’auteur ne se dépare jamais du plus parfait réalisme et, captivé autant qu’amusé par le sens de la formule qui égaye chaque page de la succulence et de la justesse de ses trouvailles, l’on se régale de ce roman drôle et cruel qui pousse la facétie jusqu’à paraître en pleine rentrée littéraire. Entamé sur cet exergue emprunté à Balzac : « tu pourras être un grand écrivain, mais tu ne seras jamais qu’un petit farceur », cette tragi-comédie est aussi un requiem pour les illusions perdues d’un écrivain maudit. « Les maudits ne mènent pas la grande vie. On ne peut pas avoir le spleen et l'argent du spleen. »
Deuxième roman reçu dans le cadre de ma participation au Jury "Coup de cœur des lectrices" de Version Femina : "Les petits farceurs" de Louis-Henri de la Rochefoucauld est à nouveau une bonne pioche. Je l’ai lu le sourire aux lèvres et l’esprit en éveil car ce roman est particulièrement foisonnant et érudit. C’est un vrai plaisir.
Il raconte la vie de deux jeunes hommes qui se rencontrent, il y a une vingtaine d’années, en prépa littéraire à Rueil-Malmaison. Extrêmement différents l’un de l’autre, ils vivent pourtant une grande amitié. Henri est Parisien, fils de grande famille et se rêve grand reporter. Paul, lui, "monté à Paris" de sa province, modeste et grand rêveur, s’imagine romancier à succès et pourquoi pas Prix Goncourt. Mais tout ne tourne pas aussi simplement et si Henri nous fait découvrir la presse et l’édition, ou tout au moins leurs coulisses, Paul… je vous laisse découvrir la suite.
Le ton de ce roman est donné dès les premières phrases lorsque la femme de ménage de Paul le découvre mort au milieu du salon et croit à une farce dont il est coutumier. Car, si l’écriture est plutôt vinaigrée, l’acidité y est souvent neutralisée par quelques gouttes de miel et le sourire ne m’a guère quittée au long de ma lecture. Mais il n’y a pas que ça. Véritable comédie de mœurs, cet ouvrage nous entraîne dans les coins sombres des grandes maisons d’édition, les tractations, les crocs-en-jambe. L’auteur ne craint visiblement pas les représailles que pourrait lui réserver ce monde-là et nous invite, mine de rien, à nous poser des questions sur ce que l’on nous donne réellement à lire.
J’ai beaucoup aimé la richesse des références littéraires, la liste des auteurs, éditeurs, journaux passés en revue et gentiment moqués, voire critiqués, le ton désinvolte souvent adopté. Il est vrai que Louis-Henri de la Rochefoucauld apprécie visiblement Beaumarchais et cite cette phrase fameuse "Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur." Dont ’acte !
"Les petits farceurs", une lecture à la fois distrayante et enrichissante.
Merci aux Editions Robert Laffont et à Version Femina pour cette lecture.
https://memo-emoi.fr
« Tu pourras être un grand écrivain, mais tu ne seras jamais qu’un petit farceur »… En reprenant en exergue et dans son titre cette phrase de Balzac tirée d’« llusions perdues », Louis-Henri de La Rochefoucaud suggère tout à la fois le sujet de son livre et le modèle qui l’a inspiré. En effet, dans « Les Petits Farceurs », il dépeint, avec une touche d’humour teintée de tristesse, le récit intemporel d’un jeune provincial trop idéaliste cherchant à séduire la capitale. Un Rastignac des temps modernes !
Né et élevé en banlieue de Grenoble, Paul Beuvron, une fois le baccalauréat en poche, se lance à la conquête de Paris. Après un passage en classe préparatoire, il enchaîne avec Normal Sup, puis publie un premier livre ambitieux sur un haut-couturier, « le Roman national », avec lequel il compte bien imposer son génie et obtenir le prix Goncourt.
C’est un échec critique, doublé d’un bide commercial : 200 exemplaires vendus. Après cet échec, Paul, qui se rêvait Stenhdal, se résigne finalement à devenir le porte-plume de Patrick Rossi, un écrivain à succès en mal d’inspiration. C’est dans l’ombre des livres qu’il écrit pour d’autres que Paul connaitra finalement le succès.
Être embarqué dans cette mécanique pourtant profitable ne le contente pas. Le voici marionnettiste humilié et invisible d’une aventure commerciale qui, au contraire, le désespère… Il confie alors sa détresse à l’alcool et à son vieux copain d’hypokhâgne, Henri d’Estissac, aristo branché, Parisien de Passy, critique littéraire au magazine « Avant-Garde » (un hebdomadaire branché mais confidentiel façon « Technikart »).
C’est d’ailleurs à ce dernier que Paul, qui vient de mettre fin à ses jours, charge par testament de faire le récit de sa vie à l’aide de son journal intime.
Une occasion providentielle pour le journaliste de réhabiliter son ami et de faire la peau aux écrivains et au secteur de l’édition. Un monde où le business, le marketing, les magouilles tiennent les cordons de la bourse et de la notoriété. « Le monde des lettres ne jure plus que par les chiffres ». Bon nombre s’y reconnaîtront.
Louis-Henri de la Rochefoucauld entend mettre en lumière les vices qui inondent le secteur de l’édition. C’est particulièrement réjouissant pour le lecteur qui découvre les coulisses de ses lectures, et comment se fabriquent certains best-sellers écrits dans l'ombre par les petites-mains des maisons d'édition. L’auteur y dénonce également les ingérences dans l'attribution des prix littéraires et pointe du doigt les logiques mercantiles au service de la littérature.
Contrairement à ce qu’on pour fait penser « Les Petits farceurs » n'est pas la simple histoire de deux jeunes littéraires que le destin a entraîné sur des chemins de traverse. C'est advantage un roman de société écrit avec un mélange d'humour et de cynisme qui va en surprendre plus d'un et fera certainement grincer quelques dents dans les chaumières des hautes-sphères de l'intelligentsia française.
À travers les mésaventures et rencontres des dignes descendants de Rastignac et Rubembré (les références aux « Illusions Perdues » de Balzac inondent le récit), Louis-Henri de La Rochefoucauld réussit une satire impitoyable des mondes de la presse et de l’édition.
On peut regretter tout de même l'auteur ne s'attarde pas davantage sur la naissance de l'amitié entre Henri et Paul en classe préparatoire, et globalement les ressentis des personnages auraient pu être plus creusés et développés.
Un roman satirique qui vise juste sur le secteur de l’édition et de la presse. Piquant et réjouissant dans ce portrait au vitriol du petit monde littéraire, le récit perd en intensité quant à ses personnages - pourtant caractéristiques de l’entre soi parisien - et à son noeud narratif autour d’une amitié qui aurait gagné à être approfondie.
Paul le grenoblois et Henri le parisien rêvent d’un avenir littéraire lorsqu’ils se rencontrent en classe d’Hypokhâgne dans une très sélecte école privée de Rueil-Malmaison.
Ces deux intellectuels vont suivre des chemins différents qui ne seront pas vraiment ce qu’ils avaient imaginé durant leur jeunesse dorée et idéaliste.
Paul, normalien devenu professeur, se rêve romancier reconnu, alors qu’Henri plus marginal se verrait bien grand reporter.
Mais l’écrivain devient prête-plume d’auteurs à succès en manque d’inspiration ou de personnalités politiques et de vedettes du show-biz désireuses de dévoiler leur vie à leur public. Et le journaliste intègre une revue d’avant-garde qui le laisse en marge de la face visible de la presse écrite.
Plus de Goncourt, ni de Pulitzer en vue, pour ces deux hommes qui tutoient pourtant la réussite des autres, sans en partager la satisfaction. Plus facile pour l’un que pour l’autre, les déceptions étant à la hauteur des ambitions premières.
Avec cette plongée dans le monde de l’édition littéraire, Louis-Henri de la Rochefoucauld nous fait découvrir comment se fabriquent certains best-sellers écrits dans l’ombre par les petites-mains des maisons d’édition. Il dénonce aussi les diverses ingérences dans l’attribution des prix littéraires et pointe du doigt les logiques mercantiles au service de la littérature.
Sous des airs de roman intimiste, Les Petits farceurs n’est pas la simple histoire de deux jeunes littéraires que le destin a entraînés sur des chemins de traverse. C’est un roman de société écrit avec un mélange d’humour et de cynisme qui va en surprendre plus d’un et fera certainement grincer quelques dents dans les chaumières des hautes-sphères de l’intelligentsia française.
Une belle découverte et de brûlantes révélations.
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