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Un classique sur la Grande Dépression que je souhaitais lire depuis longtemps. La sortie dans la collection Titres de chez Christian Bourgois m'en a donné l'occasion ; il s'agit sans doute du livre le plus noir et le plus brutal que j'ai lu sur le sujet.
« Les vagabonds de la faim » (le titre original est « Waiting for Nothing »…) a été publié pour la première fois en 1935. C'est un récit autobiographique dans lequel l'auteur raconte sa vie d'errance durant les années 30. A travers toute l'Amérique, Tom dort dans des parcs et des abris débordant de poux, mange dans les poubelles et roule dans des trains de marchandises. Il décrit ses voyages, ses rencontres avec de petits escrocs, des prostituées, des homosexuels, sa recherche sans fin de nourriture et d'un endroit chaud pour dormir. Tout au long du livre, Kromer raconte avec résignation le dénuement perpétuel et le sort d'une vaste armée de chômeurs, livrés à eux-mêmes dans une société largement indifférente.
Car si la situation est dure, ce qui semble le plus insupportable c'est la façon dont les gens le traitent, comme si la pauvreté était sa faute, comme si ne pas trouver de travail quand il n'y en a pas, est un acte de paresse. Tom est agressé, emprisonné et écrasé, encore et encore, par d'autres êtres humains. le récit de sa survie, traduit en mots la misère sociale de ces années de crise nord-américaine. Dans le sillage d'une économie effondrée par la spéculation de Wall Street, ce sont des milliers d'hommes et de femmes qui se retrouvent privés de droits et l'on ressent brutalement l'oppression féroce que la société exerce sur les marginalisés.
Tom Kromer a fait un passage éclair dans la littérature américaine. Mis à part deux ou trois nouvelles et une demi-douzaine de critiques de livres, Kromer n'a rien écrit de plus. Il a développé un cas grave de tuberculose peu de temps après la publication de ce roman et est devenu invalide. Son état de santé est une explication plausible pour que ce travail soit son seul livre. D'autres ont noté que « Les vagabonds de la faim » était peut-être sa déclaration définitive sur le sujet et qu'une fois fait, l'écrivain sentit qu'il n'y avait plus rien à dire.
Un reportage sec sans aucun ornement qui résiste à l'épreuve du temps et est, après le chef-d'oeuvre de Steinbeck, « Les raisins de la colère », le récit le plus saisissant et le plus troublant de cette période cruelle de l'histoire américaine. Si le sujet vous intéresse, vous ne pouvez pas faire l'impasse sur cette lecture.
Traduit par Raoul de Roussy de Sales
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