Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
Quelle lecture passionnante.
Le sujet de la controverse, de la "dispute" est : doit-on considérer les indiens comme des êtres inférieurs, des presque animaux ou comme des hommes libres et égaux ?
Nous sommes en 1550.
Pour cela vont s'opposer, devant le représentant du pape, deux religieux.
Le choix de l'affrontement par la parole, par le discours, par des mises en scène parfois absurdes pour convaincre l'assistance du bien-fondé de sa position donne au récit un sens dramatique intense, un vrai suspense.
Oui, il est question d'intolérance, de rejet ou d'incompréhension des différences, de domination, de barbarie mais j'ai été surtout transportée par la subtilité du texte, par le choix des arguments et par la dramaturgie des situations.
Jusqu'au bout, on ne sait pas de quel côté va pencher le prélat.
Et la chute, quel rebondissement insensé.
Un livre à lire.
J'avais déjà consulté LE DICTIONNAIRE AMOUREUX DU MEXIQUE, celui de l'Inde,j'avais lu,(entre autres) LA CONTOVERSE DE VALLADOLID, écouté plusieurs interviews de Jean-Claude Carrière, vu son nom au générique de nombreux films (et pas des moindres ! ), assisté à une conférence donnée en tant que directeur de la FEMIS et voilà qu'à présent je découvre son ABECEDAIRE INTIME !
Il me permet de pénétrer plus en avant la vie publique et personnelle de cet homme d'écriture et de parole, cet esprit libre qui marqué de son empreinte 60 années de la vie culturelle et artistique, qui s'est essayé avec autant de succès à la forme du roman, de l'oeuvre théâtrale, du scénario de films qu'a celle de l'essai philosophique ou de l'entretien avec des hommes de science et qui de 1957 à 2021 a publié environ 70 ouvrages en collaboration, souvent avec d'éminents spécialistes.
On devine que l'abécédaire d'une telle « carrière » est riche !
Sa forme alphabétique permet au lecteur de picorer à sa guise dans l'ouvrage, au hasard de ses intérêts. C'est ainsi que j'ai d'abord procédé, mais rapidement, comme pour ne rien rater, j'ai adopté la lecture page après page.
Lecture cependant morcelée, éclatée, bien sûr, grâce à laquelle se dessine progressivement le portrait d'un homme éclectique, doté d'« une incessante curiosité », « d'un appétit de toute chose » et qui avoue : « je n'ai jamais eu de chemin tout tracé devant moi. Je suis là, dans un jardin avec des fruits. Je les savoure. Si j'en trouve d'amers, je les recrache. Et je passe à l'arbre suivant » .
Je dois avouer que si j'ai savouré chacune des 87 entrées de l'abécédaire, ce n'est pas tant pour la notoriété des nombreux « maîtres » ou compagnons de route de JC Carrière que par la chaleur, la tendresse et l'émotion avec laquelle il évoque ce compagnonnage.
Des anecdotes, des tranches de vie relatées avec élégance ,sobriété et pudeur surtout lorsqu'il fait allusion à son enfance et à sa famille.
C'est toujours en parlant des autres que l'auteur nous parle le mieux de lui, avec modestie, sans volonté de se mettre en avant. Et quand il fait preuve d'érudition, comme dans l'entrée consacrée aux différentes formes de Bouddhisme, c'est sobrement, sans pédantisme.
Il apparaît comme celui qui a eu la chance de collaborer avec de grands noms des arts et lettres et qui, tel un conteur ( n'oublions pas sa grande expérience de scénariste et de dialoguiste) se délecte de nous faire partager le bonheur de ses rencontres et de ses expériences.
La couverture du livre offre la photographie d'un homme au regard espiègle qui sourit malicieusement. Il avoue son goût du rire,« ce besoin, ma sagesse », présenté comme une source de bien-être et qui l'a amené à s'associer aux films de Jacques Tati et de Pierre Etaix.
Cet abécédaire, écrit à la fin de sa vie, c'est aussi une réflexion sur la vieillesse, non pas celle d'un vieillard qui délivre une leçon de sagesse, mais juste celle d'un homme, qui en toute sérénité, avant le grand départ ouvre la porte de son royaume intérieur et commente pour nous l'album de photos de toute une vie : celle d'un passeur de culture .
Un grand merci à Masse Critique Babelio et aux éditions André Versaille pour ce précieux livre.
A l’évocation de ce nom Jean-Claude Carrière, je vois immédiatement ce visage qui sourit avec les yeux, un vrai sourire pas celui d’un compassé, celui du curieux.
Car la curiosité l’a guidé toute sa vie. Cet abécédaire est un jeu pour lui et cela se ressent :
« J’aime mieux vivre ma vie que la raconter. Sans parler des tâtonnements de notre mémoire, qui nous accompagnent de notre mémoire, qui nous accompagnent fidèlement, comme le mensonge. »
Ce regard sur le monde lui a permis une vie professionnelle protéiforme sa biographie est des plus riches. Ils ne sont pas si nombreux à avoir cet éclectisme et à savoir transmettre.
C’est un conteur, qu’il vous parle de l’univers sur un plateau aux côtés d’Hubert Reeves ou culture avec Umberto Eco, le spectateur est tout ouïe.
Cet abécédaire je l’ai lu comme un roman, et je sais que sa richesse le fera y revenir en picorant sur les sujets qui m’importent, c’est une démonstration formidable que culture, érudition n’est pas seulement livresque, tous les supports sont de bons supports pour transmettre et partager, mais ici l’essentiel est dans l’art de la rencontre au sens large qui fait le miel de Jean-Claude Carrière. Cette attention à l’autre, cette bienveillance n’est qu’ouverture d’esprit et enrichissement, chaque lettre de cet abécédaire nous le crie.
J’y retrouve l’homme sans masque.
Celui qui se souvient de ses origines, cette maison où il est né et qu’il a conservé, un ancrage bienfaiteur.
« Toute ma vie, tandis que pour mon travail je courrais sans arrêt le monde, l’un de mes pieds restait enfoncé dans le sol de ce village-là. »
Les portraits de ceux qui ont jalonné sa vie sont à la fois forts et drôles de ces anecdotes qui font sourire avec tendresse.
Fascinée par ses réflexions sur Balzac, Hugo, Kundera etc. En quelques mots le lecteur voit cet étonnement permanent qui est le sien, ce qui le nourrit.
Une ligne et le lecteur a envie de relire « L’insoutenable légèreté de l’être ».
Comme lui je suis sûre que les livres bavardent entre eux, la nuit. Ah si le matin venu ils pouvaient me dire… C’est pourquoi j’aime relire, mais combien de livres contemporains supporteront une relecture ?
« Une bibliothèque est comme une cave. C’est avant tout un endroit de plaisir. Il est possible, de temps en temps, de s’y réfugier jalousement, presque en cachette, de choisir un volume au passage, comme on saisit une ancienne bouteille, et de se dire : « Tiens, voyons ce que devient cet auteur-là. » Il en est des écrivains comme des vins ; certains vieillissent mieux que d’autres, certains s’éventent, ou s’aigrissent en quelques années, d’autres se révèlent sur le tard et se fortifient. »
Un livre dans lequel j’ai fait de belles découvertes sur cet homme et en même temps un sentiment de familiarité si je puis utiliser ce terme pour cet homme magnifique.
Rares sont les vrais passeurs de culture, ils ne sont surtout pas pontifiant et leur ego n’est pas boursoufflé.
Tout un art que possédait Jean-Claude Carrière.
Il savait mettre en pratique ceci :
« Un des secrets de l’enseignement est de ne dire à ceux à qui l’on s’adresse que ce qu’ils sont capables, et qu’ils ont envie, de recevoir. »
C’est transmettre un savoir avec en plus l’envie pour celui qui reçoit d’aller plus loin avec ses propres moyens.
Un livre qui se savoure comme un plat partagé dans une même communion d’esprit.
Merci Monsieur d’être cet homme-là.
©Chantal Lafon
Aux alentours de 1550, soit plus de 50 ans après le choc de civilisation que représente la découverte des Amériques par Colomb, l’Empereur espagnol Charles Quint convoque, dans un monastère de Valladolid, une controverse qui devra trancher un sujet devenu essentiel. Présidé par un représentant du Pape, cette controverse devra décider une fois pour toutes : les Indiens sont-ils des hommes libres ou bien des esclaves ? Bartolomé de Las Casas défendra la cause des indigènes, Juan Guines de Sepulveda défendra lui son livre, qui assène que les indiens sont des sous-hommes, des créatures à asservir. De l’issue de ce débat contradictoire dépend l’avenir des colonies espagnoles et le sort de toute une civilisation. Ce tout petit livre de Jean-Claude Carrière s’appuie sur une véritable controverse historique. Mais comme on ignore beaucoup de ce qui fut dit ou tu lors de cette joute, sous quelle que forme qu’elle ait eu lieu, le romancier s’autorise à l’imaginer. Et avec quel talent ! Et avec quelle acuité ! On est assez époustouflé devant la densité et la hauteur de vue de « La controverse de Valladolid ». A la fois roman historique, réflexion philosophique, essai théologique et œuvre de fiction, ce petit roman n’en demeure pas moins accessible au plus grand nombre. Bien sur, cela ne se lit pas comme un polar, il ne faut pas exagérer, le style est assez élégant mais parfois un peu exigeant aussi, c’est normal. Mais malgré tout on comprend tout des enjeux qui se jouent entre les deux orateurs. Bartolomé de la Casas connaît les indiens, il les côtoie, il assiste impuissant et révolté aux massacres, il admire aussi leur civilisation en train de disparaître et c’est sur cette violence insoutenable qu’il va appuyer son argumentation. Il s’est bien préparé, il a tous les arguments qu’il faut pour assurer le légat du pape que les indiens ont une âme, une intelligence, qu’ils sont les descendants d’Adam et Eve et doivent être respecté comme tels. En face, Sepulveda contre tout, avec des arguments parfois spécieux, des raccourcis, des facilités mais aussi parfois avec une vraie éloquence, une malice et une répartie qui force l’admiration, à défaut (bien-sur) de remporter notre adhésion de lecteur. Lui, comme les autres ne sont jamais allés là-bas, leurs arguments sont théoriques et théologiques, hors sols pour tout dire. Trois indiens sont là, à titre d’ « échantillon », et des expériences sont tentées : sont-ils capables de rire ? Sont-ils capables de violence ? Tout cela met assez mal à l’aise le lecteur et c’est probablement volontaire. Alors que la fin de la controverse s’annonce, arrive enfin le dilemme de fond, celui qui était sous-jacent depuis le début mais jamais évoqué clairement : comment faire fortune aux Amériques si les Indiens ne peuvent plus être réduits en esclavage ? La réponse est à la fois simple, cynique, terrible et parfaitement prévisible, elle clôture « La Controverse de Valladolid » comme un coup de poing, et nous laisse l’impression que cette controverse, finalement, tout le monde l’a perdu. A peine refermé, on se dit qu’il faudra qu’on le relise un jour, qu’il devrait être enseigné au lycée (mais il l’est sûrement), que l’on vient de lire un très bon livre, et que ça n’arrive pas souvent !
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