Cette semaine, Rémi a choisi Nathalie pour partager sa lecture et son avis sur le livre Bingo's run de James A. Levine (éd. Piranha), pour le Club des Explorateurs de lecteurs.com
SUJET DIFFICILE
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Dérangeant rien que par le sujet évoqué, la prostitution des enfants, le livre est écrit avec des mots relativement crus, l’auteur ne tourne pas autour du pot.
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Une histoire prenante, qui prend aux tripes et qui fait mal. Ici, nous sommes dans une fiction, qui pourtant se rapproche sans doute énormément de ce que certains enfants vivent. Rien que d’y penser, ça me rend malade… J’ai dû mal à comprendre comment on peut sacrifier ses enfants comme ça.
Bingo, garçon d’une quinzaine d’années (mais qui en paraît dix!) vit à Nairobi, au Kenya. Il est coureur, mais pas pour la ca course à pieds : il travaille au service d’un dealer pour faire les livraisons de drogue. ll vit dans un monde violent, corrompu. Apparaissent dans sa vie plusieurs personnages, notamment Mrs Steele venue d’Amérique pour l’adopter. Mais est-ce seulement une démarche d’adoption ? D’autres projets ne seraient-ils pas cachés derrière cela ?
On pourrait s’attendre à un récit misérabiliste. Et pourtant, non. Bingo m’a fait penser à une sorte de Tom Sawyer un peu « trash » qui, pour survivre, s’adapte au monde des adultes auquel il est confronté. Mais il garde néanmoins une humanité qui apparaît au travers de ses relations avec son ami Slo-Georges ou avec Charity. Même les mots crus peuvent être empreints de douceur. Cette douceur et cette humanité apparaissent aussi à travers les rêves de Bingo ou des légendes africaines qui sont racontés à quelques reprises au cours du roman. J’avoue que parfois j’ai eu du mal à me concentrer sur certaines de ces légendes mais il est vrai que ce contraste entre la violence et la douceur donne du caractère, de la personnalité à ce livre. Cela rend Bingo d’autant plus attachant. Et quand le lecteur s’attache à un personnage de roman, héros fait d’encre et de papier, c’est que l’écrivain a réussi son travail.
L’auteur James A. Levine a su aussi donner du corps à l’histoire et aux personnages grâce à deux éléments : l’humour, tout d’abord, qui est présent tout au long du roman et qui donne de la lumière à l’histoire. Le deuxième élément est le style, qui, avec des phrases courtes, donne du rythme et donne vie au caractère finalement bien trempé du héros.
Enfin il y a l’histoire en elle-même. Je pourrais dire l’intrigue même si ce n’est pas la finalité de ce livre. Je ne vais pas tout dévoiler mais il est clair que l’écrivain sait semer le doute, tant dans l’esprit du héros que du lecteur. il joue sur les apparences dont il faut parfois se méfier
ou pas. Le monde de Bingo, qui est finalement le nôtre, n’est pas binaire et le mal n’est pas toujours aussi noir.
Au final j’ai beaucoup aimé ce livre pour tout ce qu’il dégage de violent, d’imaginaire, de force et de douceur. Une belle découverte tant pour le livre que pour l’auteur que je ne connaissais pas auparavant.
Bingo court vite, tellement vite qu’il pense être le meilleur coureur de Nairobi, peut-être même du Kenya et même d’Afrique pourquoi pas ?
Comme il ne sait faire que ça, Bingo en fait son métier. Il court pour livrer la drogue dont le marché est détenu par Boss Jonni, un dangereux trafiquant.
Il ne se pose pas de question, à quoi bon dans ce monde sans pitié ou il faut se battre pour survivre.
Survivre, il y arrive tant bien que mal avec son fidèle ami, Slo George obèse et à moitié idiot.
Ensemble lorsqu’ils en ont le loisir, ils aiment trainer au pied du tas d’ordure où vit Krazi Hari, un autre paumé qui passe ses journées à lire tout ce qu’il trouve, une étiquette de boîte de conserve ou un morceau de journal. Il a appris à faire avec les moyens du bord.
Dans ce roman drôle et émouvant James A Levine dresse un tableau de la misère humaine ou les enfants sont trop souvent exploités pour le confort d’adultes prêts à toutes les bassesses pour leur enrichissement personnel.
Bingo m’a amusée parfois, émue souvent. J'ai profondément aimé ce jeune garçon, je l'ai suivi dans ses errances, ses interrogations, ses blessures, ses espoirs.
J'ai choisi ce livre sur trois critères : l'éditeur que j'aime bien, l'auteur qui m'avait déjà plu avec son formidable Le cahier bleu et la couverture que je trouve très réussie. Très bonne pioche ! Ce roman m'a emballé de bout en bout. Premier point, Bingo est un gamin attachant, débrouillard, une sorte de Gavroche kenyan du XXI° siècle. Il est de ces personnages de roman qu'on suit avec grand plaisir et pour qui on souhaite ardemment une fin heureuse -mais ça, je ne vous dirai pas... Il est roublard, filou, pas toujours très respectueux des filles ou des femmes qu'il rencontre, il peut même être cupide -dans sa situation d'enfant pauvre, qui ne le serait pas ?- mais chez lui, ça ne sonne pas comme des défauts majeurs, ce sont au pire des péchés de jeunesse, voire des qualités en ce qui concerne la roublardise ou la filouterie. On sent en lui d'énormes qualités humaines qui ne demandent qu'à s'exprimer.
Toutes les personnes qu'il rencontre, ses amis, ses clients, le prêtre, les filles sont importantes pour lui et de chacune il apprend quelque chose qui lui servira, les seconds rôle du roman sont donc importants, bien décrits et très présents, notamment Slo-George l'ami de Bingo, à la placidité réconfortante -il me fait un peu penser au George du roman Des souris et des hommes de J. Steinbeck.
Le cahier bleu de James A. Levine parle de la prostitution enfantine, c'est un roman fort et dur. Bingo's run parle toujours des enfants pauvres dont certains profitent pour leur bénéfice, les dealers, les trafiquants divers. Bingo's run en mettant en scène un gamin des rues débrouillard est moins dur, plus enlevé, pas mal d'humour émaillent les pages, comme par exemple l'histoire de la multiplication des pains par Jésus racontée par le père Matthew, escroc et profiteur, version hilarante dont je vous livre la fin : "La parabole des cinq pains nous enseigne comment le Christ, en investissant l'amour de Dieu, a augmenté le capital et la richesse. Voilà comment Jésus a utilisé les cinq pains pour nourrir cinq mille personnes, grâce à un portefeuille d'investissements avisés. Vois-tu, Bingo, la volonté de Dieu était que la richesse croisse dans son temple et que Jésus, son élu, devienne son unique marchand ; car tel est l'amour d'un père pour son fils." (p. 73). Il reste néanmoins un roman assez dur sur les conditions de vie des enfants des rues dans certains pays d'Afrique qui n'ont pas la chance d'avoir le caractère optimiste et pragmatique de Bingo.
Un très beau roman, fort bien traduit dans une langue simple, accessible qui parlera à tout public. James A. Levine est un médecin-professeur émérite dans une clinique états-unienne. "C'est en parcourant le monde et plus particulièrement les pays émergents pour rédiger des rapports sur le travail des enfants dont les Nations Unies l'ont chargés que lui sont venus l'idée et même le besoin de témoigner, sous forme de fictions populaires, des conditions extrêmement violentes dans lesquelles grandissent et évoluent ses héros." (dossier de presse). Contrat réussi haut la main, comme lui je suis persuadé que les messages passent beaucoup mieux sous des formes pas trop formelles, le roman particulièrement. Bingo est un jeune homme que le lecteur gardera en tête comme la jeune Batuk du Cahier bleu, malheureux symbole de la prostitution enfantine.
Ne passez pas à côté.
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