"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
J'avais découvert Grazia Verasani il y a une bonne dizaine d'années, avec la lecture de "Vite et nulle part", déniché chez Ombres Blanches et qui m'avait laissé un très bon souvenir ...
Alors quand j'ai aperçu "A tous et à personne" sur les rayonnages de la bibliothèque Italie de la ville de PAris, je n'ai pas hésité une seconde ...
Et j'ai eu raison !
On y retrouve Giorgia Cantini, la détective privée de Bologne, chargée cette fois de retrouver Barbara, une jeune fille, bonne élève, qui se met à sécher les cours et dont la mère s'inquiète.
En même temps, un personnage emblématique de sa jeunesse, Franca Palmieri, autrefois surnommée la fille aux crapauds, devenue cartomancienne est retrouvée assassinée dans un square bordé d'immeubles.
Les deux enquêtes ne seront mêlées que parce que la seconde rappelle sa jeunesse à Giorgia qui ne peut s'empêcher de comparer ce qu'elle a vécu à la jeunesse de Barbara, moins rude en apparence, mais tout aussi difficile pour les filles.
Un roman aux relents féministes ... un roman nostalgique, nimbé d'une certaine mélancolie accentuée par les pluies hivernales qui balaient la cité de Bologne ...
Un auteur que j'ai eu plaisir à retrouver et dont je vais rechercher d'autres titres (l'n d'eux est d'ailleurs peut être encore en attente sur mes Billy !)
A suivre ...
A presque 40 ans, Giorgia traîne son embonpoint et son mal-être dans les rues de Bologne, à l'affût d'un mari infidèle ou d'une épouse volage. Détective dans l'agence créée par son père, elle fume et boit trop, mange n'importe quoi, couche de temps en temps avec un vieux copain, fait tout pour oublier que sa mère a jeté sa voiture contre le portail de la maison et que sa sœur s'est pendue. Le suicide de sa sœur ne cesse de la hanter. Ada était partie à Rome pour faire l'actrice mais le succès tardait...En découvrant les lettres que sa sœur envoyait à un ami commun, Giorgia replonge dans ce passé si douloureux et se lance dans sa propre enquête avec un ''A'' pour seul indice, l'initiale d'un homme qu'Ada fréquentait en cachette de son fiancé.
Un roman noir atypique. D'abord son héroïne : grosse, mal sapée, souvent bourrée, toujours la clope au bec. Dure en apparence, Giorgia cache ses failles derrière son cynisme mais au fond c'est un cœur tendre qui a surtout peur de s'attacher. A ses côtés, un père qui noie son chagrin dans l'alcool, un jeune assistant fumeur de joints et un informaticien qui loue un bureau dans l'agence et lui sert aussi de confident. La blessure de Giorgia, c'est Ada dont elle n'a jamais accepté le suicide. Quand elle se décide enfin à creuser cette affaire, elle prend le risque de s'effondrer mais elle ne peut guérir sa douleur sans savoir...Ensuite le lieu : Bologne. La belle ville italienne est rarement mise à l'honneur dans la littérature. Grazia Verasini la décrit avec la nostalgie d'un passé glorieux et toute l'amertume de celle qui voit sa ville sombrer. Bologne souffre de la mondialisation. Les disquaires, les épiceries, les vieux bistrots se voient remplacés par des boutiques de souvenirs et de restaurants chinois.
Une ville et une héroïne mélancoliques pour un roman qui se lit avec plaisir, avec en fond sonore le rock des années 80. Car Grazia Verasini ne se contente pas d'écrire, elle est aussi une rockeuse reconnue en Italie. Cela se sent dans son écriture, mélange de blues, de désenchantement et d'humour. Premier volume d'une série, ce Quo vadis, baby ? mérite d'être découvert et on retrouvera avec plaisir Giorgia et Bologne dans la suite de leurs mésaventures.
«L'époque où on jouait des cigarettes au poker et où on connaissait par coeur des morceaux de L'envers du paradis et de Mort dans l'après-midi, l'époque du référendum sur l'avortement et de la défaite du Mouvement pour la vie...» L'époque où Giorgia toisait l'avenir du haut de son muret pendant que ses copains allaient coucher avec Franca Palmieri, cette même Fille aux Crapauds que l'on vient de retrouver poignardée. Une enquête sur les traces d'un passé que la détective ne cesse d'interroger et que l'auteur met en perspective à travers une deuxième affaire conduisant son héroïne à pister les faits et gestes d'une étudiante habile à dissimuler ses secrets.
Si Bologne «la savante» nous est devenue familière à la lecture des romans de Carlo Lucarelli et surtout de ceux écrits par Loriano Macchiavelli, Grazia Verasani nous la présente sous la pluie, clope au bec, en révélant une émouvante mosaïque de gens ordinaires.
«A tous et à personne» signe ainsi le retour d'une enquêtrice parfois cynique, souvent ironique et toujours prête à saborder ses amours, à noyer ses errances dans un verre de whisky. Geste compulsif évoquant une invitation à relire Svevo, la cigarette accompagne Giorgia au même titre que ses obsessions envers le passé, la mort de sa soeur, l'évolution de Bologne qui se métamorphose et dont elle ne cesse de se demander ce qu'elle est devenue. Dans cette ville en pleine crise d'identité, Giorgia Cantini incarne le regard élégiaque d'une femme jouant au Solitaire.
Tandis que la bande-son défile de Joy Division aux Smiths, Giorgia se remémore les refrains d'hier, la drogue et les rêves d'ailleurs. Dans le temps et l'espace, ses investigations tous azimuts viennent finalement nous rappeler que «La forme d'une ville change plus vite, hélas ! Que le coeur d'un mortel...»
Une ville de l'Italie, où s'affrontent identité et pseudo-modernité, un crime brutal et une détective privée qui n'est pas sans rappeler d'autres grandes dames du policier contemporain... bref un roman réussi qui nous emmène "derrière le miroir".C'est le deuxième roman de Grazia Verasani traduit en français (un grand merci aux éditions Métailié et à sa traductrice Anaïs Bokobza pour leur superbe travail) et les suivants sont, maintenant, attendus avec impatience.
Extrait : "Dans le noir, je vois ma mère pieds nus le long de la digue, qui ramasse des coquillages. Je vois Ada qui joue Mademoiselle Julie, de Strinberg, dans un théâtre sur Mars. Et puis Van qui s'offre comme un fond de verre, comme le sens ultime des choses (...)" [p188]
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