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La Fin de Mame Baby est le premier roman de Gaël Octavia, écrivain martiniquaise, jusqu’ici connue pour son œuvre dramatique. Ce livre est paru dans la collection « Continents noirs » des éditions Gallimard.
* * *
Ce livre raconte le destin croisé de plusieurs femmes, à travers la voix d'Aline, une jeune femme noire qui revient vivre dans la banlieue de son enfance, sept ans après l'avoir fuie. Aline est infirmière : chaque jour, elle enfile sa blouse blanche pour s'occuper de Mariette, une vieille femme alcoolique et acariâtre – vivant recluse dans son appartement et qui passe le plus clair de son temps dans son rocking-chair à faire et défaire les histoires de sa vie.
Ainsi, Mariette va raconter la vie du quartier, par à-coups, revenant toujours sur les mêmes événements, les mêmes figures, masculines : son frère Léopold, passé de caïd à évangéliste convaincu, ses maris, son fils Pierre, qui a fait trembler tout un quartier et que la violence lui a finalement arraché.
Peu à peu, on comprend que les destins des autres femmes du quartier sont liés aux mêmes hommes et aux mêmes violences. Et que c'est aussi face à cette violence qu'est apparue Mame Baby, figure emblématique du quartier pour les femmes, partie trop tôt et dont la mort et est auréolée de mystère... et pourtant intimement liée à Mariette.
Le récit est construit à la manière d'une enquête, dévoilant peu à peu les liens secrets qui unissent les femmes du livre, en complexifiant chaque portrait. Le livre démarre doucement mais on est happé par le récit jusqu'à la fin.
C'est un roman qui explore les relations entre les femmes, qui oscillent entre solidarité et rivalité (en tant que mères, épouses, ou amies). C'est aussi un roman qui expose une certaine violence qu'elles peuvent recevoir de la part des hommes dans ce quartier et sur ce que font les femmes de cette violence (réception, transmission), comme Mariette, qui va jusqu'à se perdre ou Suzanne, qui accepte la soumission la plus totale par amour, comme beaucoup d'autres.
Et pour ces femmes déchirées par des hommes et qui ne vivent que pour eux (mari, père, fils), Mame Baby incarne l'espoir en prônant l'émancipation, en leur intimant de vivre pour elles-mêmes.
Elles habitent « Le Quartier » qui est en fait « une toute petite ville ».
« Ainsi le Quartier est-il laid. Les murs de ses immeubles ne sont ni vraiment marron ni vraiment gris. La grande esplanade à l’est, n’est même pas un peu verte. L’église ultramoderne a une forme biscornue qui n’appelle pas du tout le recueillement ».
Mal conçu, le Quartier a vu déserter les petits commerçants, chassés par le centre commercial « dont les chantiers sans fin attestent qu’il grossit de jour en jour ». La violence règne
« Quand on interroge les habitants du Quartier sur la violence, ils l’évoquent comme un fait du Quartier et non d’eux-mêmes, les habitants ».
Gaël Octavia déroule la vie de quatre femmes, trois noires et une blanche qui vivent et fréquentent le quartier.
Mame Baby, la surdouée, qui sut lire, écrire, compter avant d’aller à l’école, trop tôt disparue que je pensais être un mythe, tant elle est décrite comme « La perle du quartier ».
« Elle sut à cet instant qu’elle n’était plus une enfant parce qu’elle se sentit responsable de ces enfants, ces lycéens plus vieux qu’elle, de leurs frères, de leurs sœurs, de leurs parents, de tout le Quartier. Elle comprit que c’était cela, être Mame Baby pleine et entière, qu’il en serait ainsi désormais, et que cela était lourd et terrible. » Oui Mame Baby devient le trait d’union entre toutes les familles
Mariette et elle était amies depuis l’école primaire, mais personne d’autre n’en parle ou ne s’en souvient.
Mariette la divorcée qui ne s’est jamais remise du départ du second mari, à moins que ce ne soit du départ du premier mari, le garçon étranger, tant aimé, « avec le garçon étranger, on a commis le pire des crimes. Le pire des crimes, c’était l’exogamie, hier comme aujourd’hui, les Roméo et Juliette du Quartier et des villes alentour peuvent en témoigner. », qui vit seule dans son appartement, je devrais dire dans son rocking-chair et pleure la mort de son fils
Mariette, si fatiguée par la vie, « C’est tellement fatiguant de porter un cadavre. » Elle a vraiment porté le cadavre de son fils sur plus de cent mètres
« Le désordre vous semblera effrayant. Il y aura des verres bides partout. Vous les ramasserez jusque dans les recoins les plus improbables. Les mégots sur le sol auront l’air de pousser comme des plantes grasses. Il y aura aussi des amas de vêtements à terre » C’est l’état de l’appartement de Mariette, mais c’est aussi l’état de son âme. Mariette n’est qu’amertume qu’elle noie dans le vin.
Suzanne, l’infirmière blanche qui pleure son amant mort. Toutes deux évoquent le disparu sans que Mariette n’ait l’air de comprendre qu’il s’agit de la même personne, son fils
Aline remplace Suzanne auprès de Mariette qui la trouve « Noire comme hier soir » ou, voulant se rattraper, « Noire comme Mame Baby ». Elle est aussi issue du Quartier « Moi qui avais appréhendé ces retrouvailles avec la ville qui m’avait vue grandir, j’ai goûté l’expérience d’y être une étrangère. Il m’a semblé que c’était la meilleure manière d’être de retour. »
L’Assemblée des femmes tient un rôle important dans le Quartier. Mémoire de Mame Baby dont les récits se passent de mère en fille ou fils, pour l’exemple. Mariette n’y a jamais eu sa place « Bien que ce fut contraire au style de l’Assemblée, des mots ont fusé contre la mère du monstre… Une de ces femmes qui ne se remettent jamais d’un divorce. »
Aline est la conteuse qui fait le lien entre tous. je m’aperçois très vite que tout tourne autour de LUI, Pierre, l’absent, le mort, l’amant, le fils, le fœtus, et… Aline raconte leurs vies, leurs histoires chaotiques, petit-à-petit se raconte, se dévoile.
Pierre est un, beau garçon qui attire les filles et les maltraitent. Il a la violence dans la peau depuis tout petit « Mariette avait chéri, caressé, nourri l’éclatement de beauté qui, quotidiennement, avait fait rage sous ses yeux. Et puis à force de semer la violence aux quatre vents, à force de la distribuer sans compter, Pierre avait fini par être anéanti par la violence, dans la superbe de la jeunesse, un mois avant son vingt et unième anniversaire. »
Le destin de ces quatre femmes s’entrechoque dans un premier roman très abouti
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