2018 commence abruptement avec la mort des éditeurs Bernard de Fallois et Paul Otchakovsky-Laurens et celle du grand écrivain israélien Aharon Appelfeld.
2018 commence abruptement avec la mort des éditeurs Bernard de Fallois et Paul Otchakovsky-Laurens et celle du grand écrivain israélien Aharon Appelfeld.
Chaque année révèle ses surprises et bien heureusement les pépites foisonnent !Un bon cru que celle-ci où les auteurs confirmés nous ont surpris, d'autres ont acquis leur notoriété en recevant de nombreux prix, certains sont carrément époustouflants par leur talent ou leur œuvre colossale. Prenez le temps de les lire, vous ne serez pas déçus !
V13 chronique judiciaire d’Emmanuel Carrère
V13, c’est l’ensemble des chroniques judiciaires écrites par Emmanuel Carrère pour l’Obs durant le procès des attentats du 13 novembre.
J’adore les chroniques judiciaires et tout ce qui se rapporte au monde judiciaire. Ici c’est un procès d’une ampleur bien vaste du point de vue humain, des émotions, des victimes, des accusés et de tous les métiers du monde judiciaire que l’auteur réussit à retracer, organiser dans une œuvre en trois parties : Les victimes, les accusés et la cour.
C’est une lecture difficile humainement car on sait tous où on était le 13 novembre, on a tous beaucoup d’images en tête
Et si ce sont des chroniques il y a beaucoup d’humanité dans la manière dont il donne la parole aux victimes, dévoile son admiration parfois pour les avocats ou pour les juges. Il nous fait aussi vivre au sein de ce microcosme qui réunit beaucoup de monde durant une année autour des événements, le rythme du procès, les habitudes qui se prennent.
Le livre a une dimension incroyable qui évoque les différents aspects du procès, reconstitue les faits, donne une voix aux victimes.
C’est terrifiant et passionnant. Il réussit même à donner un rythme à tout cela, à le varier en fonction des temps du procès, des témoignages.
C’est un travail par lequel on ne peut qu’être impressionné.
Quelle réussite que ce livre! Il fait sans conteste partie de mes dix livres préférés, et c’est pour moi, de loin, le meilleur d’Emmanuel Carrère.
Il a été publié en 2009 après « Un Roman Russe », qui traitait des affres de la vie conjugale d’Emmanuel Carrère avec luxe de détails, dont certains que j’avais trouvés gênants et à la limite du glauque, et qui flirtait dangereusement avec le déballage malgré le talent incontesté d’Emmanuel Carrère. Le titre « D’autres vies que la mienne » indique qu’une page est tournée, et c’est tant mieux, même si la vie de l’auteur n’est jamais très loin de celles qu’il évoque.
Noël 2004, Emmanuel Caractère se trouve au Sri Lanka avec sa compagne Hélène, au bord de la rupture. La vague qui emporte une petite Juliette sera aussi celle qui soudera le couple. Juliette est la fille de Delphine et Jérôme, la petite-fille de Philippe, à l’origine de ce livre. De retour à Paris, Hélène apprend la rechute d’une autre Juliette, sa sœur, à nouveau atteinte d’un cancer. Elle est mariée à Patrice, mère d’Amélie, Clara et Diane. Elle est aussi juge spécialisée dans le surendettement. Emmanuel Carrère dépeint avec une finesse et une retenue remarquable la fin de sa vie, le deuil, l’après, mais aussi l’amitié de Juliette avec Etienne, lui aussi juge, rescapé d’un cancer et boiteux, avec qui elle partage l’espoir d’une vie plus juste pour ceux qui sont étranglés par les dettes.
Il y a très peu de livres qui évoquent le surendettement, et Emmanuel Carrère le fait très bien. C’est un sujet que je connais bien, car j’avais effectué dans le cadre de mes études un stage au service surendettement de la Banque de France, et ce fut même le thème de mon mémoire de mastère. Cet aspect du récit m’a donc particulièrement parlé. Mais « D’autres vie que la mienne” est surtout un livre aux phrases simples, justes, émouvantes, sincères, celles d’un homme apaisé, qui se détourne de son nombril pour s’ouvrir avec écoute et empathie à l’histoire des autres, à leur douleur, à leur cheminement et à leur résilience.
Il est écrit sur la quatrième de couverture de l’édition P.OL. :
“Il est question dans ce livre de vie et de mort, de maladie, d’extrême pauvreté, de justice et surtout d’amour. Tout y est vrai.”
Tout est dit.
Cela faisait un certain temps que j’avais Yoga dans ma PAL mais les thèmes mis en avant – yoga, forcément, et maladie mentale – ne me donnaient pas vraiment envie de le lire. C’est la lecture de V13 qui m’a décidée à ouvrir le livre… et j’ai bien fait !
Il faut dire que j’aime beaucoup Emmanuel Carrère (ah, D’autres vies que la mienne!), et qu’il peut me parler d’un peu tout ce qu’il veut, ça m’intéresse. Il a même réussi à me faire lire (et aimer) ses chroniques sur le procès sur les attentats de 2015. Il n’est jamais aussi bon que quand il s’ouvre aux autres et pourtant je lis toujours avec plaisir ce qu’il peut raconter sur lui (surtout quand il n’y mêle pas d’autres personnes) même si parfois j’ai un petit sourire ironique (quoi, Emmanuel, tu as un passé d’éjaculateur précoce ?! « Mes amours, je regrette de le dire, ne m’ont jamais conduit bien loin de ma propre classe sociale » … ben oui, vu comment tu taclais ton ex qui faisait partie de cette France qui prend le RER avec un Navigo!)
Et pourtant, il sait me surprendre: je pensais lire un livre sur le yoga, il m’emmène finalement chez Hélène, la compagne de Bernard Maris – comme un prélude à V13 – puis après un détour psychiatrique, sur l’île de Léros en compagnie de jeunes migrants, avant d’évoquer le décès de Paul Otchakovsky-Laurens (P.O.L), son éditeur.
Il y a des choses tristes, douloureuses, terribles dans ce récit cependant Emmanuel Carrère arrive à mettre de la lumière, de l’espoir, de la chaleur, dans ce qui se rompt, se brise. Encore un très beau texte, qui a su me surprendre.
« V13 » d’Emmanuel Carrère et l’un de mes coups de cœurs de l’année. Quel livre! Incroyable! Chronique judiciaire des attentats du 13 novembre ce récit nous plonge dans l’intimité d’un procès historique aux dimensions pharaoniques et d’une durée inégalée (plus de neuf mois). Il n’y a ni pathos ni froideur journalistique dans cette chronique. C’est bouleversant, concis et même drôle par instant. Mais par dessus tout c’est humain. Emmanuel Carrère a un don particulier pour décrire les très nombreuses personnes qui assistent à ce procès: que ce soient les victimes, les avocats, les accusés ou les journalistes tous sont devenus réels aux yeux du lecteur et surtout au lieu d’être divisés en bons et en méchants ils ont tous en commun de n’être au final que des êtres humains.
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