"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Nous faisons tous face, à un moment donné, à un choc, un traumatisme. Volontaire ou non, cela meurtri les cœurs, c’est ainsi que la vie est faite.
Dans chaque nouvelle, les personnages puisent au fond d’eux pour extraire cette sensation, celle qui leur fait aborder la vie différemment, leur donnant un autre regard sur ce qui les entoure.
Cathie Barreau creuse les sentiments, les impressions d’un quotidien qui déborde et qui finalement trouve une place à qui voudra bien lui laisser le droit de renaître.
Les nouvelles stimulent les sens et les lire à voix haute leur donnent une dimension bien réelle. Pour ma part, c’est assez perturbant. N’ayant pas l’habitude de lire sous ce format, je me prends du concentré en pleine face et pouf je cogite tout ça. Je relirais ce recueil, c’est certain, mon impression en sera différente car ma vie aura bien sûr vécu d’autres choses depuis.
« Et ce temps incertain, ce bord de précipice, il ne tenait qu’à lui d’y marcher avec précaution, de braver les démons, et de retrouver ces instants de paix illuminée où il fut assis sur une petite plage dans les musiques des bateaux et des voix du vent, l’attention des enfants à leurs jeux dans les trous d’eau à la chasse aux étoiles de mer. »
http://www.mesecritsdunjour.com/archives/2023/02/07/39805577.html
Décidément, je suis à fond dans les livres avec des titres qui commencent par "Comment ?". Trois quasiment à la suite. Le hasard total. Mais là, je change d'éditeur et de genre. Deux grandes parties et une conclusion pour ce très beau roman. La première, vue par les yeux de Donatienne, entrecoupée par des extraits de son roman mettant en scène une histoire d'amour entre Kamila et Charbel, à Beyrouth ; une histoire compliquée entre une musulmane et un maronite qui fait écho à la vie de Donatienne et de Jad. La seconde partie est vue par Jad, parti en reportage, entrecoupée par les lettres qu'il envoie à Donatienne.
Très belle écriture, toute en finesse, en délicatesse qui sans dire frontalement les horreurs de la guerre les laisse transparaître entre les lignes. Une écriture par petites touches qui peut gêner parfois la bonne compréhension des relations entre les personnages, qui peut faire perdre un peu le fil au lecteur, mais qui est douce et qui se lit très agréablement. De très belles descriptions de Nantes, des rues, de l'Erdre, de la lumière d'hiver (c'est André Breton qui disait qu'il y avait une lumière particulière à Nantes), de l'ambiance de calme et de sérénité qui règne dans la ville et des habitants toujours prompts à bouger dès lors que la proposition est là : "Le ciel gris est lumineux vers la Loire, l'air fait sautiller les feuilles sur l'avenue et les passants accrochent une main au col de leur veste pour se protéger de la bourrasque. Donatienne avance dans les rues, s'arrête place du Commerce et attend le bus pour l'aéroport. La foule de fin d'après-midi envahit les trottoirs, et il suffit qu'une éclaircie éblouisse juste avant la nuit pour que les visages se lèvent et s'apaisent." (p.16) Beyrouth qui porte en elle les stigmates et les destructions dues à la guerre est moins décrite, c'est alors plus une question d'atmosphère et de rencontres.
Un roman assez court (147 pages) qui se lit en prenant le temps, qui mérite une certaine attention pour ne pas se perdre au détour d'une rue de Nantes ou de Beyrouth, qui raconte bien comment la vie de l'écrivain peut nourrir son œuvre et l'œuvre influer sur la vie de l'écrivain. Qui parle d'amour difficile à vivre, plein de contraintes, dans lequel comme souvent, la femme attend pendant que l'homme se bat : "Charbel faisait semblant d'avoir choisi sa guerre et son devoir. C'est pour nos enfants, disait-il. Kamila n'en croyait pas un mot et elle ne savait plus si elle tremblait de peur des avions ou de peur de savoir que rien de bon n'adviendrait de cet amour. La guerre ne serait jamais finie. Attendrait-elle son homme ainsi toute sa vie ? [...] Kamila ne pouvait pas se garder de croire de temps à autre qu'ils seraient ensemble toujours. Ils souffraient tous deux d'une incapacité à l'irréalisme." (p.33)
Cathie Barreau est la directrice de la Maison Julien Gracq à Saint-Florent-le-Vieil, l'ancienne maison de l'écrivain léguée par lui à la région pour en faire un lieu de repos et de travail pour les écrivains.
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