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Déception…
J’apprécie infiniment cette maison d’éditions qui produit des livres passionnants. Je pense notamment à « Bombay » de Marie Saglio et « Je suis né laid » d’Isabelle Minière.
L’histoire :
Le narrateur est également le héros principal, Dalibor, un jeune serbe de 24 ans. Il rejoint Istanbul pour l’amour de Merve, qui, hélas, ne partage pas du tout son amour.
Par fierté, il reste à Istanbul où il survit grâce à un job d’enseignant.
Il tombe amoureux d’Evelyn, qui doit avoir l'âge de sa mère, et l’essentiel du roman sera consacré à cet amour.
Il est pressant, « collant », envers elle, comme un adolescent qui découvre l’amour et se pose mille questions à propos de « son aimée ».
Elle finit par le quitter et il s’invente une histoire délirante, à la limite de la folie pour justifier cet abandon.
L’analyse de l’immaturité pathologique, du narcissisme de Dalibor aurait pu être intéressante si elle n’était accompagnée d’un ton geignard qui traîne en longueur.
J’espérais une vision d’Istanbul mais je dois reconnaître qu’à part les embouteillages monstres de la ville et la séparation bien marquées des secteurs asiatiques et européens, je n’ai pas vu grand-chose d’Istanbul…
Je remercie Babélio et les éditions Serge Safran de m’avoir permis de découvrir cet auteur.
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Une mosaïque qui tisse une épopée singulière qui incarne la voie de traverse. Des êtres qui gravitent dans la pleine lumière turque. Une force nous propulse d’emblée dans « La Mosaïque d’Istanbul », contemporaine, dans une région du monde empreinte de couleurs, de senteurs et de mouvements.
Istanbul en apothéose dans sa plus réelle mise en abîme, par Andrija Matic qui rassemble l’épars d’une ville emblématique.
Dalibor Stojanovic est le protagoniste principal. Le narrateur serbe qui déambule dans ce lieu manichéen, palpitant dont il cherche la raison même de son souffle.
Il est ici. En cet espace, un peu, voire beaucoup pour Minerve, une jeune turque qu’il a rencontré à Belgrade en Serbie et dont il est épris.
On ressent d’emblée un anti-héros. Un homme lisse, opportuniste, aux prises de décisions difficiles. Sans personnalité, un côté loser et profiteur, mythomane et calculateur.
« Étais-je certain de vivre à Istanbul ainsi que je le pensais ? Non. Quoique amoureux de Minerve et désireux de la revoir au plus tôt, je craignais que notre liaison ne soit que de courte durée ».
Il va subrepticement déchanter. Minerve ne peut vivre avec lui. La rencontrer au grand jour dans une Turquie clivante de par ses principes religieux. Elle est musulmane. Il est chrétien. Elle est issue d’une famille conservatrice qui la surveille. Les diktats sont prégnants. Avec pour seul soutien un peu d’argent emprunté à son père, il va vite se heurter aux disparités d’un pays et Dalibor est étranger. Il va vivre dans un antre insalubre et spartiate. Trouver du travail comme professeur d’anglais. Le rocher de Sisyphe. Loin des cartes postales colorées, symboliques d’une Istanbul paisible. Il souffre. Se sent abandonné et dans un même tempo, il va persévérer. S’infliger des rites, moins manger et faire très attention à son budget. Il va fortuitement rencontrer Evelyn, une femmes beaucoup plus âgée que lui et très maline. On a l’impression d’une duperie inversée. Evelyn semble une aiguille sous une roche. On a du mal à cerner ce qu’elle cherche dans cette relation chahutée par les vulnérabilités.
La mosaïque est un kaléidoscope de la Turquie actuelle. Les manifestations contre le pouvoir vont exacerber son advenir. Dalibor se prend au jeu d’analyser les comportements, les cris et les révoltes. Evelyn est étrangère, canadienne, et travaille pour une organisation humanitaire.
« Evelyn est la femme la plus mystérieuse qu’il m’ait été donné de rencontrer. J’avais beau me décarcasser, je ne parvenais pas à comprendre pourquoi elle était avec moi, il devait y avoir une raison plus profonde que mon manque de confiance, que mon jeune corps tendu, ferme et bien fait ».
Le roman est une toile de maître. Une immersion dans un pays où le moindre écart est filature. Dalibor est un homme blessé dans sa chair. Il se devine faible et son côté machiavélique va prendre le dessus. Il fouille dans un tiroir chez Evelyn. Ouvre son ordinateur. Change de tactique et devient vil, sournois et inquiétant. Elle va le surprendre dans cette gestuelle de filou et la rupture advient, annonciatrice d’un basculement d’identité pour Dalibor.
Pour faire l’avocat du diable, elle n’a jamais assisté à l’un des concerts de Dalibor. Ce dernier joue dans un groupe et la musique englobe l’idiosyncrasie turque.
Composer et jouer en rythme est le seul point d’attache pour Dalibor avec la réalité. Il est constamment sur une fausse piste. Il est imprévisible et le complexe de l’Albatros est omniprésent. Il se prend donc les pieds dans le tapis et devient agressif. La faim au ventre, la toux complice de ses souffrances qu’il provoque immanquablement.
Evelyn et Dalibor vont se séparer.
Et là le récit devient un quasi thriller psychologique. Un roman sombre, serré comme un café fort. Dalibor est de troubles et d’espionnages. Il va se poser dans un café et observer l’immeuble où habite Evelyn. Guetter son ombre, la suivre. Chercher la faille. Il est jaloux et paranoïaque.
Le récit est superbe, réussi et implacable. La Turquie devient gémellaire de ses folies. On ressent une mosaïque semblable à la réalité. Les psychologies d’êtres qui se cherchent, affrontent leurs désirs et leurs frustrations. Il y a des notes chères à la surprise, aux émois et à la quête de soi.
C’est un roman passeur de destinées. Une histoire sensible, humaine, résolument intranquille et poignante. Dalibor est la démonstration minutieuse des turbulences intérieures et des fragilités humaines. La Turquie élève ses prismes politiques et sociologiques. Fascinant, il dévoile l’autre solitude, celle que les ombres assignent. Le tsunami des psychoses. C’est un tour de force avec un regard sensible et admirable d’un auteur né en Serbie. La plus belle phrase du livre et vous comprendrez alors la puissance de ce roman : « La mosaïque avec les musiciens ».
« La Mosaïque d’Istanbul » est publié par les majeures Éditions Serge Safran éditeur. Traduit à la perfection par Alain Cappon.
On n’entend plus parler de la Serbie. Comment vit-on à Belgrade aujourd’hui ? Quinze ans après les cent cinquante mille morts et quatre millions de personnes déplacées des « guerres de Yougoslavie », j’avoue que je n’en sais rien. Nos chers medias, champions autoproclamés du décryptage et de l’investigation, sont partis se poser comme un essaim de mouches sur une autre plaie. L’Egout, écrit en 2009 et qui parait en français ces jours-ci, en donne une vision intéressante dont la couleur dominante est le noir. L’adjectif est utilisé soixante deux fois ce qui, en un peu moins de deux cents pages, est considérable.
C’est un roman d’anticipation, dans lequel l’auteur décrit la Serbie de 2024 comme un état devenu totalitaire dont la plus grande fierté est d’avoir réconcilié Communisme et Nationalisme. Je dois dire que la démonstration en est assez réussie, en particulier lorsque le chef de la police secrète explique que les deux idéologies ne différaient que sur deux points : la question religieuse (athéisme ou orthodoxie) et la propriété (collective ou individuelle). Tout le reste était commun (recherche de l’unité, primauté du peuple, système centralisateur, police, armée et justice musclées, rejet de l’Occident, de ses valeurs décadentes et de ses comportements déviants). En nationalisant et en associant étroitement l’église orthodoxe au pouvoir la synthèse était réussie et acceptée. L’auteur nous propose une vision « orwellienne » d’un communisme religieux ou d’un nationalisme collectiviste.
C’est très noir, bien écrit avec un ton parfois très ironique qui correspond bien au destin individuel du héros dont la descente aux enfers lui fait côtoyer toutes les tares, toutes les bassesses, toutes les infamies qui ont pu s’abriter et qui s’abritent encore derrière ces idéologies cauchemardesques. L’éditeur nous dit que l’auteur est actuellement enseignant à Istambul. Sans doute est-ce l’occasion pour lui de s’approcher encore un peu plus de son anticipation.
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