"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
C’est suite à une émission de France Culture sur André SCHWARZ-BART que j’ai découvert ce roman daté des années 50-60.
L’écriture est un peu daté, mais pas trop non plus, sinon j’aurais abandonné.
J’ai aimé le début un peu rapide sur l’origine des Lévy, Juste de Zémyock, Pologne. Jusqu’à la naissance d’Ernie après la Première Guerre Mondiale.
J’ai aimé les touches d’humour du récit : « Le fascisme, c’est la taverne dans les rues et au gouvernement. » – « Il est admirable que dans le temps où ils enseignaient le meurtre aux écoliers aryens, les instituteurs enseignaient aux enfants juifs le suicide. » – A propos du navire Saint Louis : « Après un beau voyage, tout ce petit monde revint à Hambourg achever ses jours au pays natal. Ainsi jamais embargo ne fut si admirablement observé. »
J’ai trouvé étrange le leitmotiv de la pointe, avant de comprendre que cette pointe représentait, entre autre, la pointe de l’étoile de David.
J’avais lu des critiques disant que certaines scènes étaient insoutenables. Ce ne fut pas mon cas : certes, l’auteur ne décrit pas un monde féérique, mais même si certaines scènes sont violentes, je n’ai rien trouvé d’illisible.
J’ai aimé les dernières pages avec les lettres qui s’envolent.
L’image que je retiendrai :
Celle de la présence immatérielle de Justes parmi nous.
https://alexmotamots.fr/le-dernier-des-justes-andre-schwarz-bart/
Afrique 1750. Bayangumay vient au monde dans l'Afrique des griots, cette Afrique de traditions ancestrales où dès leur naissance les filles sont promises…
Une nuit les trafiquants d'esclaves attaquent son village, elle est emportée.
Rosalie nait d'un viol perpétré sur le bateau qui amène sa mère en Guadeloupe vers son destin d'esclave.
Si au début je me suis ennuyée, ensuite j'ai été fascinée et terrifiée par les descriptions que l'auteur nous fait du sort de Bayangumay. Vieille avant l'heure, mutilée, devenue boiteuse, défigurée, flétrie par les tortures infligées par les blancs. J'ai toujours du mal à imaginer que des humains aient pu infliger de telles souffrances sans états d'âme, et peut-être même avec une délectation malsaine dans un sentiment de toute puissance. Et pourtant...
C'est le sort des esclaves, ramenés aux rang d'animaux voire pire, qui nous est raconté là, à travers la vie de la mulâtresse Solitude qui a existé. C'est terrifiant de cruauté et de mépris. L'homme blanc s'est toujours cru au dessus du reste de l'humanité, mais pourquoi donc ?
Née Rosalie du nom d'une morte car les prénoms se recyclent chez les maîtres, surnommée Deux-âmes à cause de ses yeux de couleurs différentes, avant de devenir Solitude, elle sera une cocotte pour la petite demoiselle de la maison, parce qu'elle est jolie. Elle sera comme un petit toutou gentil et obéissant. Mais au fond d'elle, la révolte bout, face à toutes les cruautés des blancs envers ses frères et sœurs de couleur.
Il y a de nombreux passages insupportables, révoltant, sidérants : "Et la petite fille se demanda ce qu'elle préférait : si c'était de tourner en chien à forme de chien, ou bien en chien à apparence humaine, tel ce nègre efflanqué, tout en os, qu'elle avait vu avec Mlle Xavière, le jour de la visite aux voisins du Bas-Carbet ; ce vieux nègre tout nu dans sa niche, les yeux clos, un collier de fer autour du coup."
Mon intérêt pour ce récit a pris les montagnes russes malgré de très belles envolées poétiques. La narration, les termes parfois employés, sans lexique pour éclairer le lecteur mais que je crois avoir compris plus tard - nègres d'eau salée (africains), nègres d'eau douce (nés en esclavage), nègres marrons (fuyards) - mais aussi les formulations et tournures de phrases m'ont empêchée de garder un intérêt constant pour l'histoire. Rien n'est explicité dans le détail, tout paraît onirique et donc tortueux.
Pourtant il s'agit d'une page d'histoire importante, celle des révoltes d'esclaves dans les îles, où la souffrance absolue et la négation de leur humanité les à poussés à un déchaînement de violence dans un seul but, la liberté ou la mort.
L'auteur ne nous dit pas clairement à quel moment de son récit l'esclavage a été aboli ni quand il a été réinstauré. Enfin si, il nous l'explique à la toute fin du roman. Jusque-là on se débrouille pour comprendre et vraiment je n'ai pas trouvé ça clair du tout. De plus, Solitude semble perpétuellement sous l'effet du cannabis ou sous acide… ou tout simplement folle.
Dans le même thème j'ai largement préféré un livre lu il y a des années, L'île sous la mer de Isabel Allende. Il traitait des révoltes d'esclaves à Saint Domingue, c'était effarant et captivant, car elle expliquait bien que c'était dans les îles que la cruauté envers les esclaves avait été la pire de toutes car ils étaient considéré comme du matériel qu'on pouvait casser et racheter, et que c'est ce qui avait amené à une révolte sanguinaire envers les blancs.
André Schwarz-Bart (1928-2006) a notamment publié Le dernier des Justes (1956). Son épouse et lui ont consacré leur vie à la mémoire de la Shoah et de l’esclavage. A la fin du récit La Mulâtresse Solitude, l’auteur évoque une similitude avec le ghetto de Varsovie.
La mulâtresse Solitude est le récit de la vie de Solitude. Esclave métisse achetée aux enchères dans un marché, elle devient une héroïne de la lutte contre l’esclavage en Guadeloupe à la fin du 18ème siècle. Sa fin est tragique : elle est pendue le 29 novembre 1802, le lendemain de la naissance de son enfant.
Bayangumay est encore une enfant originaire de Guinée lorsqu’elle est mariée à un vieillard ; puis elle va être prise par des chasseurs d’hommes à Gorée pour devenir esclave. A bord du négrier, les Blancs usent de la coutume de la pariade. Rosalie naît d’un viol, elle a un œil sombre, l’autre est verdâtre. Elle est séparée de sa mère. Rosalie devient la « dame de compagnie » de Mlle Xavière, du même âge qu’elle. Plus tard, le chevalier de Dangeau l’achète. En 1795 l’esclavage est aboli…
La « mulâtresse » Solitude (née vers 1772 en Guadeloupe et morte en 1802 dans la même île) est une figure historique de la résistance des esclaves noirs de la Guadeloupe. Elle fait partie des femmes dites «famn doubout ».
Son nom de naissance est Rosalie. Sa mère est capturée en Afrique, violée sur le bateau négrier qui l’emmène en Guadeloupe, et tombe enceinte. Esclave, elle met à jour, vers 1772, une petite fille appelée Rosalie. Rosalie sera surnommée « la Mulâtresse » à cause de sa peau claire. Elle va vivre les 8 premières années de sa vie avec sa mère. Cette dernière l’abandonne en s’enfuyant.
Un colon remarqua sa peau et les yeux clairs ; il en fit une domestique, une catégorie supérieure.
Solitude connaitra l’abolition de l’esclavage et rejoindra la communauté Marronne. Elle se battra aux cotés de Louis Delgrés contre l’esclavage. Condamnée à mort en 1802, elle sera pendue le lendemain de son accouchement.
La lecture de ce roman a pour moi une saveur particulière, puisque je l'ai acheté lors de mon dernier voyage en Guadeloupe, non loin des champs de cannes à sucre et des plantations de bananes.
L’auteur donne vie à Solitude, cette figure féminine de la résistance et montre l'impact de la révolution française en Guadeloupe à travers la destinée tragique d'une femme née esclave.
Ce récit commence par de la fiction. André SCHWARZ-BART, rescapé lui-même de la barbarie nazie, fait démarrer l'histoire de Solitude en Afrique, parce que tout aurait commencé selon lui en 1750, chez le peuple Diola. Véritable réquisitoire contre l’esclavage, l’auteur respecte dans cette construction la vérité historique, la vie des esclaves telle qu'elle peut apparaître dans les documents officiels ou les divers récits de la tradition orale. Le narrateur permet aussi à Rosalie de prendre corps, d'exister comme un véritable personnage de roman.
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