"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Pour leur bien – Amandine Prié
Un coup de cœur ! dernier livre lu pour les 68 Premières fois, sélection 2023, mais qui sera en tête de mon top 5, merci !
Superbe premier roman où le témoignage est écrit à hauteur d’enfant et quelle écriture ! sensible, émouvante, touchante et si dramatique pour ces bambins.
Où l’homme blanc/ français se croit supérieur à l’homme noir/africain, où les critères de vie européens sont forcément supérieurs et meilleurs que ceux des pauvres villages africains et enfin où l’adulte a tous les droits sur les enfants…
Inaya, magnifique et courageuse petite fille de 8 ans veut apprendre et se donner les moyens de devenir médecin pour aider et guérir les personnes âgées de son village.
L’espoir est donc grand lorsque les blancs viennent proposer aux enfants de moins de 5 ans et orphelins de rejoindre leur programme d’éducation. Inaya va tout faire pour être sélectionnée ainsi que d’autres enfants plus âgés ou ayant encore leurs parents. Mais le dessein des blancs n’a pas été totalement dévoilé…
« Dehors, Inaya et Sekou font comme tous les enfants quand le monde devient un peu trop lourd à porter, quand le réel oppresse et qu’il est à la fois si compliqué et si tristement simple à comprendre. Ils jouent. Ils repoussent aussi loin que possible ce dont ils ne veulent pas se saisir maintenant, la maladie, la mort et l’angoisse, la séparation et toutes les choses qu’ils sauront affronter lorsqu’ils l’auront décidé. Ils jouent pour mieux se préparer à recevoir ce qui pèsera sur leurs épaules, gardant ainsi le contrôle d’un monde qu’ils inventent et dont ils connaissent les règles ».
p 56/57
« Elle pouvait aller où elle voulait avec sa tristesse, la mettre de côté quand elle était occupée, la sentir de nouveau tout près d’elle lorsque l’ennui la gagnait. Elle savait exactement comment s’y prendre pour la laisser grandir ou la faire disparaître, elle avait appris au fil des jours. Mais avec l’angoisse, c’est une tout autre histoire. L’angoisse s’invite quand elle veut, clouant la fillette sur place. Elle ne l’accompagne pas, elle la dévore, prend le contrôle de son cœur, de son souffle, de son ventre. Elle pouvait se battre contre la tristesse mais dans l’angoisse, elle parvient peine à se débattre comme si elle s’agitait dans la gueule gluante d’un monstre »
p 314
« Ensemble, ils trinquent à l’avenir de ces gamins, à la nouvelle vie qui les attend. Pas une seule seconde, ils ne songent à celle à laquelle ils sont sur le point de les arracher »
P 318
Tout comme moi je suis sûre, certains reconnaîtront des faits réels dans cette histoire…
A lire absolument… !
Cet intéressant premier roman d’Amandine Prié est fortement inspiré du scandale de la tentative d’enlèvement d’une centaine d’enfants africains par l’association humanitaire l’Arche de Zoé. L’originalité du récit tient dans le parti-pris de l’auteure de nous raconter des faits semblables en s’attachant au ressenti d’une fillette de 8 ans.
J’ai apprécié qu’une grande partie du récit porte sur le quotidien d’un village abandonné de tous, situé dans une zone de guerre civile. Amandine Prié a pris son temps pour développer son récit et arriver au drame que l’on pressent. Je ne sais pas si elle a vécu en Afrique mais j’ai ressenti beaucoup de justesse dans ses descriptions.
Tout repose sur les femmes, malgré le pouvoir absolu du chef de village. Elles se démènent pour nourrir leurs enfants et les orphelins qui se retrouvent sous leur responsabilité. C’est avec un sentiment de grande culpabilité qu’elles se résolvent à laisser partir les enfants de leur famille élargie pour un avenir qu’elles espèrent meilleur. Et c’est aussi « pour leur bien » qu’agissent certains membres de l’association. L’auteure ne juge pas. En nous faisant part des réactions et sentiments des enfants auxquels on ne demande jamais leur avis, elle nous donne à réfléchir.
Ce récit m’a passionnée mais j’ai eu du mal à vraiment à croire au personnage d’Inaya, petite fille de 8 ans. Elle est certainement bien plus mûre qu’une jeune occidentale mais je doute qu’un enfant de 8 ans puisse avoir une telle force de caractère. Et que devient-elle ?
Un premier roman marquant, de ceux que je n’oublierai pas.
https://ffloladilettante.wordpress.com/2023/08/09/pour-leur-bien-de-amandine-prie/
Les vrais-faux orphelins et l'appât du gain
S'appuyant sur l'histoire vraie d'un trafic d'enfants, Amandine Prié raconte dans «Pour leur bien» le plan machiavélique de quelques français décidés à voler garçons et filles dans un pays d’Afrique pour les confier à des familles adoptives. Glaçant!
Il n'aura fallu que quelques secondes à Inaya pour fuir. Quand les rebelles ont atteint leur village, la fillette a réussi à gagner la cache préparée dans l'anfractuosité d'un mur. Mais ses parents n'ont pas pu échapper au terrible massacre. Les quelques survivants décident de fuir pour rallier un endroit où leur sécurité sera assurée. Autour de sa tante, Inaya et les autres enfants doivent désormais apprendre à avancer dans la vie sans parents. Mais plutôt que de sombrer, l’enfant se forge un caractère bien trempé, curieuse de comprendre et de découvrir, n’hésitant pas à interroger les adultes. Et même si cela a le don d’en énerver certains, elle parvient ainsi à tenir.
Son destin va basculer avec l’arrivée dans le village d’un groupe de Blancs qui expliquent au Doyen qu’ils ont le projet de créer une école qui prendra en charge les orphelins et assurera leur nourriture et leur hébergement. Et pour rassurer les villageois, ils promettent d’emmener également avec eux Chef du village, pour qu’il puisse se rendre compte du sérieux du projet et de leur professionnalisme. Après bien des tractations – et quelques arrangements avec l’état-civil – tous les enfants du village montent dans les véhicules pour rejoindre leur nouvelle école où les attendant nourriture, chambre et jouets. Les premiers jours se passent bien, même si Inaya reste méfiante en constatant que les cours se font attendre.
C’est que dans le plan fomenté par les Blancs, l’enseignant n’a pas pu être trouvé. Aussi, après avoir engagé un autochtone qui va s’avérer totalement incapable, ils décident de prendre eux-mêmes les choses en main. Avec un certain succès.
Mais Inaya reste méfiante, comprenant que ces blancs ne disent pas toute la vérité sur leur projet. Au fil des jours, elle voit la tension croître et les dissensions se faire plus visibles. Jusqu’à ce jour où tout le monde prend la direction de l’aéroport.
Amandine Prié s’est appuyée sur l’affaire de l’Arche de Noé, cette ONG qui sous couvert d’humanitaire organisait un trafic d’enfants, pour nous offrir un premier roman très réussi.
Le choix de le rédiger à hauteur d’enfant y est pour beaucoup. Si Inaya a l’esprit vif et l’envie d’apprendre, elle ne voit pas le piège se refermer sur elle. À la fois naïve et intrépide, sa curiosité va toutefois lui permettre de se poser les bonnes questions, de mettre au jour les contradictions des adultes et leurs petits arrangements avec la vérité.
Le roman met le doigt sur les terribles inégalités entre le Nord et le Sud, sur cet écart de richesses qui peut pousser des parents qui n’arrivent plus à nourrir leurs enfants à les abandonner. Il souligne aussi, comme une forme de néocolonialisme, cette idée que l’on peut prendre des enfants et les vendre à des familles adoptives pour leur bien. Enfin, il nous propose de rehausser notre regard face à l’accès à l’éducation et au savoir, un bien aussi précieux que dévoyé aujourd’hui chez nous. Pouvoir apprendre est une chance à tous les âges. On l’oublie trop souvent. Ce suspense glaçant est aussi là pour nous le rappeler.
https://urlz.fr/mBBr
C’est drôle, et relativement rare, au moment d’écrire ce billet, je peine à trouver les mots tant ce premier roman d’Amandine Prié m’a touchée. Je me sens toute petite à l’idée de ne pas être à la hauteur, clouée au sol par le regard impérieux et décidé d’une enfant dont la présence, si tangible, si réelle, continue de m’accompagner. Inaya la curieuse, Inaya la courageuse, Inaya l’inoubliable. Dans ce roman à la judicieuse construction, c’est d’abord à ses pas que l’on s’attache, les siens et ceux de tous les enfants de son village, soulevant de leur marche vers la rivière la terre rouge et poudreuse de la parcelle d’Afrique qui est la leur. Il y a de la joie dans leurs pas et de la fraternité dans cette procession immuable qui, chaque jour, les conduit vers l’eau précieuse qui s’écoule si loin. Il y a du bonheur à en partager la fraîcheur en toute insouciance pendant de trop rares instants. Il y a tant de poids, à leur retour, sur les têtes tressées et les épaules encore frêles, celui des bassines pleines et de la responsabilité de les mener à bon port, sans faillir, sans détour. Il y a du danger tout autour, des rebelles imprévisibles et incontrôlables, il y a des menaces au cœur de leur vie-même, la fin qui guette, des parents qui disparaissent, des grand-mères qui meurent, des repères qui s’effacent. Et puis, quelque part, au loin, il y a des projets possibles, des lumières qui s’allument, des espoirs qui prennent racine, des mots qui parlent d’avenir : « école », « études », « médecin ». Inaya y plante toute la volonté de ses huit ans et de ses yeux noirs et s’y cramponne, prête à tout affronter pour les faire siens. Alors, lorsque des blancs arrivent au village porteurs de cette promesse, comment ne pas y croire enfin ? Ne sont-ils pas là « pour leur bien » ?
Tout n’est qu’équilibre dans ce roman sensible et sans manichéisme qui révèle, avec une justesse jamais prise en défaut, la fragilité, le grand flou de cette frontière qui sépare la sincère bonne volonté de l’ingérence abusive. Adossée au souvenir cuisant et terrible d’une actualité qui avait soulevé l’indignation lors de sa révélation, Amandine Prié, avec la maîtrise et la retenue qui sied aux sujets sensibles, a su faire évoluer son roman et ses personnages dans ce claire-obscure troublant où l’on n’est jamais sûr d’avoir vu ce que l’on a vu jusqu’à ce que la réalité vous rattrape et vous crève les yeux, mais si tard, trop tard.
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