"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Bonjour, Bergson revisité dans un polar, cela donne un roman étonnant…
Alexis Legayet fait partie de ces auteurs que l’on choisit de savourer, sachant qu’il va nous emmener dans des sphères que nous ne côtoyons pas tous les jours. Sur une culture philosophique indéniable, il arrive à plaquer des thèmes très modernes comme le néo-féminisme dans « Délivrez-nous du mâle », chroniqué précédemment.
Boris Canetti est un inspecteur de police, légèrement alcoolique et très très blasé. Alors quand il découvre un cadavre au sourire extatique, il ne peut qu’être intéressé, d’autant plus que c’est un simple coup de fil qui a permis de vider le compte bancaire de la victime. Les victimes, il y en aura d’autres, sont toutes prises d’un étrange syndrome leur insufflant une folie créatrice qui les déconnecte de la vie ordinaire. Comment l’inspecteur parviendra-t-il à faire face à un psychiatre retors ? La France pourra-t-elle se remettre d’une épidémie de fous dansants et de la découverte du « Chant de la création » ?
C’est le huitième roman de l’auteur et son premier polar. Gageons qu’il poursuivra dans cette veine car c’est une réussite, peut-être parce qu’il parle aux neurones de la loufoquerie que nous avons rarement l’occasion d’utiliser. Je ne vous cache pas que les parties philosophiques m’ont laissée un peu sur la touche mais en revanche me replonger dans les œuvres de Jeff Koons et de McCarthy a été libérateur. Quant à voir le rire comme sauveur universel, il y a pire comme remède.
Le professeur de philosophie se devine derrière la belle écriture, habitée, jouissive, sinueuse et moderne. L’enquête tient la route même si les personnages sont borderline et se retrouvent dans des situations inappropriées, ou carrément foldingues. En revanche, les réflexions sur notre époque, son goût de l’argent magnifié par les excentricités de l’art contemporain, son asséchement des esprits par toutes sortes de sollicitations, ses jeunes qui se construisent avec certains textes de rap, sont sources de petits bonheurs de lecture.
Quand vous saurez que la maison d’édition recherche une littérature philosophante à tendance loufoïde, vous saurez vers quelle œuvre, je souhaite vous entraîner. Notez bien que je renouvelle mon avertissement : à réserver aux lecteurs possédant une case spéciale, celle du risque et du goût de la différence. Un mot sur le visuel de couverture : il dit tout de l’environnement de ce polar, il est absolument juste !
Je remercie très sincèrement Alexis Legayet pour la dédicace et la Mouette de Minerve pour l’envoi de ce premier opus des enquêtes philosophiques.
Avis : RÉJOUISSANT
Comment ne me serais-je pas laissé tenter par un livre me promettant en quatrième de couverture de me poser la question du devenir du masculin ? Cette dernière me semblait de plus être étudiée sous un angle tenant plus de la fable que de l’essai.
Alain Barfol est un professeur de philosophie maniant avec habileté l’humour au second degré et se croyant au-dessus des réflexions et des comportements machistes ou supposés tels. Mais un jour, croyant faire une blague à son copain en lui mettant « une main aux fesses », c’est à une jeune journaliste qu’il inflige ce geste parfaitement déplacé pour lui comme pour les autres. Mais hélas, personne ne croit à son erreur et c’est dans un camp de rééducation qu’il est envoyé. Car on ne badine pas avec les mauvais comportements, en 2029, alors que sont aux commandes des responsables qui pratiquent un féminisme militant. S’en suit une escalade de situations le mettant de plus en plus mal avant peut-être de revenir à ce qu’il a toujours été.
Sous couvert de comédie hilarante parfois, de grandes questions d’aujourd’hui sont bien posées et si le parti pris du loufoque, du pamphlet, de l’exagération est posé d’emblée, il n’en reste pas moins que les réflexions déclenchées sont très sérieuses. J’ai aimé suivre le parcours d’un homme à qui le ciel tombe sur la tête et qui se voit obligé de faire profil bas tout en gardant son intelligence et sa distance vis-à-vis des mondes dans lesquels beaucoup souhaitent l’entraîner.
L’écriture est savante ; Kipling, Descartes, Hegel et d’autres sont convoqués mais Matrix peut aussi servir de référence ! J’avoue que la seconde moitié m’a parue plus raisonnée que la première dans laquelle les jeux de mots m’ont semblé un peu poussifs et l’humour féminophobe un peu lourd. L’organisation des chapitres entre Crime – Expiation et Rédemption est aussi efficace que précise. La couverture virginale est parfaitement adaptée au parfum iconoclaste du récit, en merveilleuse opposition.
Un machiste ne lira pas ce livre, tant pis, en revanche les hommes et les femmes de bonne volonté seront heureux de rire et de réfléchir sur ce que tout comportement sectaire peut entraîner. Et il est encore temps d’y remédier. Dénoncer semble être jouissif pour cet auteur, ma curiosité est éveillée.
Je remercie les Editions AETHALIDES et BABELIO pour la lecture de « Délivrez-nous du mâle » d’Alexis Legayet, reçu dans le cadre d’une Masse Critique privilégiée.
Ah.. le livre qui va faire parler de lui cet été.. Je vous l’accorde, je ne suis pas objective : Alexis Legayet est en phase de devenir mon auteur français chouchou, il monte allègrement sur le podium infernal.
Mes retours de lectures ont pour but de vous inciter à lire un roman qui m’a plu. Mais pour une fois, j’ai un message contraire. Autant vous dire illico, chers copains lecteurs, si vous n’avez pas d’humour ni de second degré, ne lisez pas ce roman, car il risque fort de vous chatouiller là où il ne faut pas.
En l’an de grâce 2029, Alain Barfol, un brin potache, prof de philo dans un lycée, commet l’irréparable. Lors d’une manif bondée, dans un acte débile et puérile entre potes, il met une claque aux fesses à son collègue qu’il croit reconnaître de dos.
Sauf que ce n’est pas son collègue.
Mais une jeune journaliste – haut placé – avec qui il avait rendez-vous pour une interview.
Le « hue cocotte claqué » est très très mal perçu, la journaliste porte-plainte. Ce geste l’embarque malgré lui dans une spirale infernale où toute sa vie sera épluchée, jugée, jusqu’à sa façon de tenir ses cours. Pourquoi ? Parce qu’en 2029, non loin de là, c’est l’ère du néo-féminisme qui règne.
Une ère où les lois ont changé, certains thèses classiques sont revues et corrigées car jugées antisémites, sexistes ou racistes.. L’apologie de la hiérarchie des sexes fait ravage dans les tribunaux. Le machisme est reconnu comme maladie psychique par l’OMS, c’est dire !
A partir de ce moment, vous assisterez à la mise à mort et à la castration de ce pauvre Alain Barfol.
« Êtes-vous prêt à faire un gros travail sur vous, monsieur Barfol ? Reprit la procureure.
– Je suis prêt à faire tout ce que vous voulez, Madame la procureure de la République », répondit Alain Barfol, penaud et en sueur…
Impossible, toutefois de faire couler une seule petite larme. Fichu stoïcisme !
« Voyez-vous, nos prisons sont bondées et puis, franchement, c’est très inefficace. Le prisonniers pour crimes et délits sexuels ressortent autant, voire plus obsédés qu’auparavant et, fatalement, c’est la rechute. Il existe cependant une autre voie, une expérimentation…
– Qui m’éviterait de passer devant le juge d’instruction ?
– Vous avez bien compris. Il s’agit d’un centre, le centre Olympe-de-Gouges…
– Comme mon lycée !
– Oui mais dorénavant ce sera vous l’élève.
– Et pour apprendre quoi, Madame la Procureure de la République ?
– A vous ramollir la cuirasse…
Un contrat est alors conclu avec la procureure de la République : Alain Barfol sera puni et devra subir quelques mois de redressement dans un centre de rééducation pour machistes où la dirigeante et ses collègues vont tout faire pour l’émasculer et lui faire rendre les armes.
Le centre Olympe-de-Gouges est un centre d’expérimentation : des brimades jusqu’à l’humiliation, on y défait l’homme de tout stéréotype soit-disant machiste (adjectifs ‘faibles’ à l’encontre des femmes, regard anodins sur une partie du corps…. ), l’obligeant à « subir » les attaques permanentes, inconscientes ou non, faites aux femmes. Au centre Olympe-de-Gouges, l’homme doit faire les courses, regarder des films d’amour, s’asseoir les jambes croisées,.. pisser assis.. et autres joyeusetés. On revoit totalement ses pensées et ses actes ; normal, car il est psychiquement déviant, à tendance misogyne obsessionnelle et compulsive..
Sans lien apparent, le roman surf avec un sujet actuel : #metoo. « Délivrez-nous du mâle » est une fable loufoque, sans parti pris aucun ! La plume d’Alexis Legayet reste toujours humoristique mais sérieuse et fait réfléchir aux conséquences et excès du néo-féminisme.
À eux d’avaler maintenant… {M. Wittig}
Je n’ai pu rester indifférente au sort d’Alain Barfol, personnage finalement attachant : passer du pervers par erreur à victime en pleine castration en fait un héro, bien malgré lui. En plein désarroi, il subit cet abus de pouvoir féministe et absurde. Il y a autour de lui toute une galerie de personnages secondaires importants, bien campés dans leurs rôles : Amélie Dastovic, directrice en cheffe de la Matrice Olympe-de-Gouges. Mimosa, infirmière aux charmes de body buildeuse. le/la Docteur.e Richer, médecin inclusif.ve du centre…
Un de mes passages préférés : un jeu de rôle demandant à Barfol quel comportement avoir face à une femme portant une grosse valise croisée dans la rue.. Une scène poussée à l’extrême – encore une fois – qui sera prétexte à le descendre et le ridiculiser.
S’il lui propose son aide : c’est qu’il la prend pour une faible, s’il évite d’avoir un regard porté sur elle (car il a flairé le truc) ; c’est qu’il lui manque de respect, s’il lui fait un compliment pour se rattraper en affirmant que les femmes ont plus d’esprit que les hommes ; c’est une flatterie douteuse.. Bref, cela démontre bien que quelque-soit nos bonnes intentions, il y aura toujours quelqu’un qui trouvera quelque-chose à redire et que ceux qui ont le pouvoir peuvent tout. Et ont toujours raison.
Le calvaire d’Alain Barfol s’arrêtera t’il lorsqu’il se fera enlever par un groupuscule secret ? Si vous n’avez toujours pas peur, lisez-le pour connaître son sort..
Même s’il faut avoir beaucoup de second degré pour lire ce roman, il n’en est pas moins léger. Sous couvert de comédie, il nous pousse à réfléchir également sur ces fameux enjeux du pouvoir. J’y retrouve la portée philosophique propre à l’auteur, grâce à des citations ou des références ciblées. Il déploie ses connaissances, sans jamais alourdir son texte, ni s’écarter du thème de son roman. Nietzshe, Epictète, St Phalle, Desproges, Pascal, Aristote, Schopenhauer… on reviendra même un peu sur la religion avec un clin d’oeil à Dieu-Denis. C’est la patte d’Alexis Legayet.
Vous l’aurez compris, cette lecture a été encore un excellent moment pour moi. Moins « poussé » que ces deux autres romans lus (Dieu-Denis ou le divin poulet et Bienvenue au Paradis), il est vraiment à lire comme une comédie se moquant des déviances et absurdités du militantisme extrême.
Il est vrai qu’à lire plusieurs œuvres d’un auteur, on commence à reconnaître sa verve – c’est d’ailleurs celle qui nous retient – on sait aussi la direction qu’il veut prendre, ce qu’il veut dire, et surtout, le ton sur lequel il faut le lire.
Parce que finalement, ce roman est bourré d’humour, de cynisme et qu’il est politiquement incorrect. C’est potache et j’adore ça.
N’en déplaise à certains.
Alexis Legayet est professeur de philosophie au Lycée et enseigne depuis 15 ans. Auteur au ton résolument iconoclaste, il aime faire réfléchir de manière philosophique et humoristique sur les questions de notre temps (transhumanisme, véganisme, antispécisme…).
« La galanterie n’est que l’extrême raffinement de la culture du viol. »
Sans mauvais jeu de mot, quoi qu’un peu, j’avais lu l’an passé le succulent « Dieu-Denis ou le divin poulet» du même auteur et je dois bien avouer.. que je m’étais régalé ! Résolument iconoclaste, l’auteur poussait le cynisme en donnant à Dieu, l’apparence d’un poulet revenu sur Terre pour faire cesser la souffrance animale.
C’était assez jubilatoire..
« Bienvenue au Paradis » n’est pas que jubilatoire, il bouscule encore plus. Il va plus loin et j’admets encore une fois, qu’Alexis Legayet a frappé fort.
Ce roman n’est pas le tome 2 du Dieu-Denis, mais c’est une suite logique. Nous sommes en 2145 et notre monde a encore évolué. Plus de sacrifice inutile d’animaux, nous sommes à l’ère du véganisme poussé. Un monde sans plus aucune souffrance et dont les humains eux mêmes ont subis des transformations génétiques. Ils n’ont de ce fait, plus aucun besoin de violences pour vivre et exister. Ils créent déjà un petit paradis idéal.
Dan, notre héro, qui n’est ni Poulet ni Yucca (lisez le roman..), va tomber sous le charme d’Alice, une merveilleuse créature aux formes parfaites, rencontrée lors d’un atelier à l’université. Fou d’amour et pris de multiples pulsions sensuelles envers cette magnifique féline rousse, il va chercher un moyen de se faire remarquer. Pourtant peu enclin à la cause végétale, il va devoir rejoindre les rangs de Flower Power, un mouvement extrémiste dont fait partie Alice, qui accuse les végans de monstruosités envers les végétaux en continuant à les consommer.
Une carotte qui crie lorsqu’on la coupe ? Une plante verte en pleine dépression ? Et pourquoi pas ? L’antispécisme poussé à son paroxysme. De plus, des disparitions suspectes de plantes et d’humains commencent à devenir de plus en plus nombreuses et Dan devra prouver son implication au sein de Flower Power en menant l’enquête.
Petit à petit, cette fiction nous embarquera dans une aventure futuriste et loufoque mais terriblement humaine où le pauvre Dan et ses acolytes se retrouveront dans des situations parfois cocasses. Dan, sacré personnage un peu bêta, aveuglé par son attirance sexuelle envers la plantureuse Alice, se mettra face à des dangers pouvant courir à sa perte.. C’est drôle, dérangeant, farfelu..
Alexis Legayet pousse encore les portes de l’irrationnel jusqu’à imaginer une vie éternelle numérique !! merde.. peut-être sommes nous déjà passés à l’intelligence artificielle et que ce blog est tenu par un robot ? soit..
Dans ce roman, vous flirtez avec réflexions philosophiques et génétiques. Pas d’effet moralisateur ni de théorie du complot mais un ton employé qui se veut léger, sous couvert de fable humoristique. Tout reste résolument pertinent, le message passe, les esprits s’ouvrent, on (dé)culpabilise, se remet en question, on se positionne aussi et on continue d’évoluer.
C’est en cela que l’humanité change et les avancées technologiques prouvent d’années en années, que d’anciennes théories n’étaient pas toujours utopiques. Aujourd’hui, jusqu’où irions nous pour nous sauver, sauver les animaux, les plantes.. nous rendre immortels, connaître la sérénité absolue et éternelle afin de créer notre paradis ?
A une époque où la souffrance animale fait de plus en plus parler d’elle, il est important d’enfoncer le clou et d’aller plus loin. « Bienvenue au paradis », un roman résolument avant-gardiste ?
Merci à l’auteur pour sa plume et ses idées philosophiques qui donnent évidement à réfléchir et que j’ai adoré pour la seconde fois,
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