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Qu'est-ce que le "FALC", cette nouvelle façon de rendre la lecture accessible au plus grand nombre ?

Auteur et traducteur de son roman en "FALC" aux éditions Kiléma, Fabien Clavel nous explique en quoi consiste cette méthode et à qui elle s’adresse

Qu'est-ce que le "FALC", cette nouvelle façon de rendre la lecture accessible au plus grand nombre ?

FALC signifie « Facile à lire et à comprendre », et cette méthode de rédaction et de présentation permet de rendre plus accessible des textes existants.

Comment fonctionne le FALC ? A qui ce format s’adresse-t-il ? Comment écrit-on en FALC et en quoi est-ce un engagement ? Pour répondre à toutes ces questions, nous avons eu la chance de nous entretenir avec l’auteur Fabien Clavel, qui a traduit son roman jeunesse L’Odyssée d’Hugo en FALC aux éditions Kiléma.

 

Entretien avec Fabien Clavel : « Le plus important est de rendre les textes accessibles aux gens. »

- Pouvez-vous nous dire ce qu’est le FALC et comment vous l’avez découvert ?

J’ai découvert le FALC avec les éditions Kiléma, je n’en avais jamais entendu parler auparavant. Il y a eu une discussion entre Kiléma et Rageot, qui est ma maison d’édition jeunesse principale. Le but était de savoir s’il y avait des ouvrages susceptibles d’intéresser Kiléma et l’un de mes romans, L’Odyssée d’Hugo, a été proposé.

On m’a demandé mon accord et on m’a expliqué ce qu’était le FALC puis proposé de traduire mon roman. J’ai dit oui tout de suite, je n’ai pas vraiment réfléchi car ce sont des démarches qui me parlent immédiatement. C’est une manière de promouvoir la lecture pour le plus grand nombre, ce qui est pour moi un élément très important, notamment en jeunesse. On sait qu’il n’y a pas que des enfants qui vont lire, mais aussi des parents ou des grands-parents. Pour moi, la littérature jeunesse est aussi de la littérature pour tous, et en faire une version accessible à des personnes qui ont des difficultés de lecture, c’était ce qui me plaisait réellement.

En ce qui concerne le FALC, quand j'ai vu cette disposition sur la page, je me suis dit que c’était une super idée parce que l’œil peut décider de survoler les explications s'il n’en a pas besoin, car le texte est en général un peu grisé. On peut décider de ne pas le voir, mais on peut s'arrêter. C’est très malin.

Au départ, le FALC s'adresse aux personnes qui ont un retard mental, mais cela peut aussi être des gens qui maîtrisent mal le français, dont ce n’est pas la langue maternelle, etc. J'espère aussi que ça pourra remettre le pied à l'étrier à des personnes qui ont abandonné la lecture devant la difficulté. Il y a une façon de donner une deuxième chance, en disant : « Tiens, regarde, je pense que tu peux le lire et que ça pourrait te plaire ! »


- Se traduire soi-même, ce n’est pas commun. Comment avez-vous abordé cet exercice ?

J’ai repris le tout au plus près, en essayant de simplifier au maximum. Très souvent, les gens voient la simplification comme un appauvrissement, mais je ne la considère pas comme ça. C’est extrêmement difficile de faire simple ! D’ailleurs, une partie du mépris qu’il y a pour la littérature jeunesse vient de là. On essaie de faire simple et accessible, sans perdre de contenu et ça, c'est extrêmement difficile.

Donc en l’occurrence, j'ai repris mon texte et j’ai vu ça comme un défi pour essayer d’aller encore plus loin dans l'accessibilité. C’est toujours plaisant de revisiter son texte, de préciser des choses qui ne l’ont pas été. Une des grandes difficultés, c'est de rendre l'humour : je ne suis même pas sûr d'avoir vraiment réussi !

Heureusement, il y a des lecteurs concernés qui relisent derrière pour nous donner des indications. C’est très important parce qu’on ne se représente pas les difficultés qui peuvent surgir.

J'ai un bagage d'enseignant de français et pour moi, il y a un côté service public d'une certaine manière : je suis pour que les personnes puissent lire si elles en ont le désir. C’était la démarche et si quelqu’un de plus peut accéder à l'histoire que j'ai racontée, alors cela vaut le coup de faire l’effort de traduire.

 

- Pour celles et ceux qui qui ne connaissent pas encore L'Odyssée d'Hugo, comment est-ce que vous résumeriez votre histoire ?

C'est un peu une réécriture des mythes, mais Hugo est un personnage contemporain. Son père a un petit peu de mal à communiquer avec lui, donc il lui parle que de ce qu'il aime, l'Antiquité, s’adresse à lui en grec, etc. Un jour, dans les réserves du musée du Louvre où son père l’emmène souvent, il découvre une espèce de grande pyramide noire. Hugo est aspiré dans une brèche et se retrouve aux enfers, dans l'Antiquité. Il voyage dans le temps et on lui qu’il est le « Mythoplaste », le correcteur de mythes. Les mythes ont été bouleversés par Médée, qui déteste les héros et essaie de les mettre en difficulté, d'empêcher Ulysse de rentrer chez lui, ou Thésée de sortir du labyrinthe...

Hugo parle grec, ce qui est bien pratique, et il connaît très bien la mythologie grâce à son père. Il va donc corriger les mythes petit à petit en jouant sur leurs différentes versions, ce qui crée des surprises. Pour y arriver, il sera aidé par la fille d'Hadès, qui s’appelle Blanche.

 

- Vous parliez de simplification, mais il y a aussi un format bien précis à respecter dans un texte en FALC, au niveau de la syntaxe, des indications de vocabulaire, des retours à la ligne, etc. Comment avez-vous appréhendé toutes ces normes ?

En fait, j’aime bien le fait d’avoir des règles et des contraintes, même quand j’écris pour moi. Ma grande difficulté a été d’enlever les adverbes. Ils sont difficiles à saisir pour le public que l’on vise et il a fallu en enlever beaucoup car j’en mettais pas mal ! C’est parfois difficile de trouver des équivalents, de donner le sens d'une autre manière.

Par ailleurs, on ne peut pas trop compter sur le non-dit car tous les lecteurs ne vont pas le saisir, donc d'une certaine manière on divulgâche un peu certaines blagues. Là, je travaille sur L’Avare de Molière, et en fait il faut donner les « trucs » un peu à l'avance pour que le lecteur puisse en profiter au moment où la scène arrive. Si le lecteur ne comprend pas, il passe à côté de la scène donc il faut essayer de lui dire « Attention, là il fait semblant parce que… ». Après, le lecteur peut constater les choses, et là ça peut marcher.

On se rend compte que la langue du 17e siècle est très abstraite, et traduire simplement des idées abstraites, c'est très compliqué. On rajoute aussi beaucoup de didascalies [NDLR : une didascalie est une indication de jeu dans une œuvre théâtrale] pour comprendre exactement ce qui se passe. Au 17e siècle, les didascalies sont très légères - même s’il y en a un peu plus dans la comédie. En FALC, on en rajoute beaucoup, pour que ce soit très clair. « Attention, il parle à tel personnage », « C'est un aparté », « L'autre ne l'entend pas », « Maintenant, il le voit, donc il réagit enfin… »

Il y a des passages où je ne suis pas totalement sûr de ce que Molière veut dire, les termes sont emberlificotés et je me dis que je vois à peu près… mais l’expliquer à quelqu’un c’est autre chose !


- Donc l’idée est d’avoir comme une deuxième voix, en plus du récit, qui viendrait accompagner ou expliciter les étapes… mais sans que cela surcharge la lecture ?

Oui, c’est l’autre difficulté : il ne doit pas y avoir trop de vocabulaire, d'explications. Pour tous les éléments culturels, on cherche une manière très simple d’expliquer les choses. Il faut à la fois expliquer beaucoup mais éviter que cela devienne pesant pour le lecteur, donc il faut trouver l’équilibre tout en essayant de ne pas perdre ce qui fait la spécificité du texte. C'est vraiment un exercice très compliqué.


- Mais qui visiblement vous a plu puisque vous voilà reparti dans une autre traduction en FALC !

Oui, parce que c’est passionnant. Il y a des moments où on se dit : « Mais comment je vais traduire ça ? ». Ce qui est bien, c'est que la maison d'édition nous a fourni pas mal de de matériel pour nous aider, notamment une charte à respecter.

Pour certaines définitions, je suis allé regarder ce que d'autres traducteurs avaient fait sur une autre pièce de Molière, et je reprends leur définition. Petit à petit, je crois que l’idée sera de constituer une espèce de lexique. Nous avons un réseau social sur lequel on peut discuter entre traducteurs, quand on est confronté à une difficulté. C’est donc aussi un travail commun, ce qui me plaît beaucoup, car on ne se dit pas « ma définition est formidable, n’y touchez pas ». On la fabrique pour que tout le monde puisse en profiter.

 

- C’est assez unique, ce travail collectif et cette volonté d’établir des normes et un langage ensemble, non ?
Oui, en fait, c’est possible parce qu’on part de rien. La maison d'édition a lancé ce projet et le FALC, si j’ai bien suivi, n’existait jusqu’ici que pour les documents administratifs. Donc faire une traduction littéraire en FALC, c’est très nouveau et il faut tout mettre en place. C'est pour ça que pour l'instant, on est assez lent : tout est à construire. La Charte qui nous a été donnée, est modifiée en permanence pour être améliorée.

La maison d'édition a aussi organisé un séminaire pour qu'on puisse tous se rencontrer. On a discuté ensemble, les traducteurs et les traductrices, mais aussi avec tout le personnel éditorial, le comité de lecture qui est très important. On a pu discuter de ce qu'on avait envie de faire, de la façon de le faire, ou encore des outils qu'on pouvait mettre en place. Il y a un côté pionnier qui est très agréable.


- Quelles sont pour vous les choses qui facilitent l’apprentissage de la lecture et sa maîtrise ? On sait qu’il n’y a pas de recette miracle, mais en tant qu’ancien enseignant et auteur, comment appréhendez-vous cela ?

En ce qui me concerne, j’ai enseigné en collège et en lycée, donc l'apprentissage de la lecture a lieu avant. Mais il y a des questions sociales : j’enseignais à Argenteuil et j’avais beaucoup d’élèves qui, socialement, ne se permettaient pas de lire. Ils possédaient la technique de lecture mais ils partaient du principe que ce n’était pas pour eux et donc ils n'essayaient même pas. Là, ce n’est même plus l'apprentissage de la lecture, c’est vraiment une question sociale où on considère que certaines catégories de la population n'ont pas à lire et se disent « ce n'est pas pour nous » – et ces personnes reproduisent parfois ce schéma.

Je crois qu’il faudrait travailler là-dessus, notamment en donnant des œuvres plus accessibles, pour raccrocher ces élèves-là qui se font une idée de la difficulté de la lecture qui ne correspond pas à la réalité. Ils pensent qu'ils ne vont rien comprendre parce qu’ils ont été confrontés à des textes littéraires qui sont réellement difficiles.

L’Avare de Molière, c’est difficile. On sait que les inspecteurs n'aiment pas qu'on traduise les textes mais moi, j'avais fait Le Cid en troisième et les élèves adhéraient. Mais il fallait d'abord traduire le texte, donc je disais : « alors, que veut dire ce personnage ? » Il y en avait un ou deux qui comprenaient, cela permettait d'expliquer aux autres et on avançait. Mais il y a des moments où il fallait vraiment que je traduise petit à petit pour que les élèves saisissent les enjeux du texte : « De quoi parle-t-on ? Quel est le rapport avec nous ? Comment on peut comprendre ce qu'ils font, ce qu'ils éprouvent ? »

Je suis un fervent partisan de la réécriture des classiques. Par exemple, j’ai travaillé sur une réécriture des livrets d'opéra pour essayer de les rendre plus accessibles sous forme de romans jeunesse. Je milite pour cela, mais pour l’instant très peu d'éditeurs sont prêts à se lancer.

On peut proposer des traductions FALC pour ceux qui veulent vraiment s'approcher au plus près du texte original, ou encore des réécritures. Pour moi, tous ces éléments vont dans le même sens.

La lecture prend plein de formes et l’essentiel est que la personne ait accès au contenu du texte. Donc, que ce soit en l’entendant à l’oral, en le lisant dans une traduction FALC, en adaptation jeunesse, en texte original abrégé ou en texte intégral, tout ça contribue à rendre les textes accessibles aux gens, et c'est le plus important.

Ce n’est pas la peine de se draper dans sa dignité en disant qu’on ne doit pas changer une virgule. Ça, c'est pour ceux qui ont déjà tous les privilèges qui leur permettent d'accéder au texte et refusent aux autres cette possibilité.

 

- Pourtant, même des personnes qui affirment vouloir encourager la lecture porte des jugements sur certains types d’ouvrages, en jeunesse, BD ou mangas… Quel est votre avis là-dessus ?

Je suis favorable à ce qu’on essaie de se défaire au maximum de toutes ces hiérarchies qui ne sont pas constructives. Cela revient à garder des structures qui ne profitent qu'à des gens qui sont déjà favorisés. Donc une adaptation de classique en manga, c'est tout aussi bien qu’une adaptation en BD franco-belge, etc. Après, tout dépend du but qu'on a : est-ce qu'on veut que le maximum de gens y aient accès ? Pour moi, quasiment tous les moyens sont bons, la traduction, l'illustration, la réécriture… Tout ça, ce sont des pratiques artistiques, donc ça ne me choque absolument pas.

Vous savez, je constate qu’en tant qu'auteur jeunesse, on est souvent méprisé par la littérature pour adultes. Et je suis un auteur de genre aussi parce que j'écris beaucoup de fantasy, ce qui est encore plus méprisé.

On a établi une hiérarchie sur les auteurs de romance, par exemple. C'est en train de changer parce qu'on se rend compte que la romance vend énormément de livres et qu'on en est dépendant économiquement – mais ça, c'est plutôt l'appel du portefeuille. Mais les gens se mettaient aussi à mépriser la romance alors que c'est un genre comme un autre, qui en plus est un genre beaucoup plus ancien que bien d'autres et qui a pour lui l'histoire et des œuvres formidables…

Il ne faut pas de mépris, on peut accueillir tout le monde. L'idée de la culture, c'est quand même le partage, alors il faut se donner les moyens de partager avec le maximum de monde, avec le maximum d'outils et faire preuve d'ouverture...


- Pour finir, pouvez-vous nous en dire plus sur vos projets actuels ?

En matière de FALC, je travaille donc sur Molière. La traduction prend beaucoup de temps donc je ne sais pas si j’en ferai beaucoup ! Il y en a un que j'aimerais beaucoup faire, c'est Les Misérables, alors c'est ambitieux, mais ce serait dans une forme abrégée...

Et j'ai la chance cette année, entre des romans pour la jeunesse, des romans classiques. Je vais aussi travailler sur des albums illustrés pour les plus jeunes. J’en suis très content parce que le support de l'image est important pour beaucoup de lecteurs et ça me plaît. A titre personnel, je suis très heureux de lire aussi des ouvrages illustrés et des bandes dessinées...

Propos recueillis par Nicolas Zwirn

 

Un grand merci à Fabien Clavel aux éditions Kiléma.

Chers lecteurs, chères lectrices, nous comptons aussi sur vous pour parler du FALC autour de vous !

 

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