Lancé en janvier 2015, le Club des Explorateurs permet chaque semaine à deux lecteurs de lire en avant-première un même titre que nous avons sélectionné pour eux et de confronter ainsi leur point de vue.
Cette semaine, Laure a choisi Francine pour partager sa lecture et son avis sur le livre Prête à tout de Joyce Maynard (Philippe Rey).
L'avis de Laure
Prête à tout est un ancien livre de 1995, réédité par les éditions Philippe Rey, que Joyce Maynard avait décidé d’écrire à la suite d’un fait divers réel qui l’avait intrigué. Elle décidait de se mettre à la place des personnages ayant réellement existé, pour essayer de comprendre leur motivation profonde et découvrir ce qui s’était réellement passé.
La vraie Pamela Smart devient alors pour Joyce Maynard la fictive Suzanne Maretto. Suzie est une battante, qui a toujours eu ce qu’elle voulait. Un nouveau nez, devenir une star de la télévision comme ses idoles, être aimée de tout le monde, réussir et sortir du trou paumé où elle vit. Quand son mari est retrouvé assassiné, les soupçons se tournent alors rapidement vers elle…
J’ai vraiment pris beaucoup de plaisir à la lecture de ce livre. J’ai retrouvé la fluidité du style de Joyce Maynard, son sens de la narration, avec la description d’une ville américaine populaire et la simplicité de ses habitants, comme dans Long week-end et Les filles de l’ouragan par exemple.
J’ai adoré la construction choisie qui fait parler chaque intervenant, chacun leur tour, sur un mode de confession. Cela m’a donné l’impression d’être dans la peau du policier ou du juge, en tout cas, de celui qui va entendre ou lire les différents témoignages en tentant de démêler le vrai du faux. Mais en même temps, j’ai également eu le sentiment d’entrer dans la tête de Suzanne ou dans celle de l’un des jeunes adolescents rebelles qui gravitent autour d’elle.
J’ai d’ailleurs trouvé passionnant de voir comment un même événement pouvait être décrit de manière si opposée, en raison des mensonges bien sûr, mais aussi de l’appréciation personnelle sincère de chacun. En plus, cela renforce le suspens de l’histoire. Le suspens est d’ailleurs savamment orchestré dès le début, avec une phrase par-ci, un sous-entendu par là, intensifiant sans arrêt le mystère jusqu’à ce qu’il commence un peu à s’éclaircir dans la deuxième partie du roman.
Ca fonctionne vraiment très bien. Je me suis demandée qui avait raison, qui avait tort, qui était coupable, j’ai aimé hésiter, découvrir les différentes personnalités, et bien sûr, j’ai attendu impatiemment de découvrir la fin. Bref, je vous le recommande !
L'avis de Francine
Dès les premières pages, ce roman sent le "polar". Très vite on comprend qu’il y a du cadavre dans l’air.
On commence par l’audition des témoins et avec eux on avance dans la découverte de cette affaire.
Suzanne, le personnage principal, est accablée dans cette audition, puisque qu’elle nous apparaît très vite comme quelqu’un de superficiel, d’arriviste et pire comme l’assassin potentiel. Joyce Maynard utilise aussi ce roman pour nous peindre les travers de l’Amérique du XXIe siècle où la télévision est omniprésente et devient pour certains obsessionnelle. C’est le règne de l’apparence, de l’image que l’on se construit pour faire écran avec les autres.
On peut blâmer Suzanne pour avoir tout sacrifié d’elle et de ses proches pour sa seule ambition professionnelle, de s’être inventé cette vie de certitudes aveuglantes. Mais sa condition de femme ne l’a-t-elle pas obligée à ces sacrifices ? avait-elle d’autres choix pour atteindre son objectif dans ce monde masculin de l’audiovisuel ?
Malgré tous ces aspects insupportables de sa personnalité, on a envie de tenter de la comprendre, de l’aider à ouvrir les yeux. En même temps, tous les témoignages la poussent vers la culpabilité, et J. Maynard nous conduit avec une grande maîtrise vers les marécages de l’être humain, cette zone où la sauvagerie devient la seule règle de vie.
Ce roman proche du polar mène le lecteur vers de nombreuses réflexions sur l’ambition professionnelle, le monde de l’audiovisuel, celui du paraître. Ces questions sont intemporelles, et se posent encore plus aujourd’hui dans l’environnement Internet, où l’important est plus de s’afficher que d’avoir quelque chose à dire.
Ce roman se lit avec plaisir et je le conseillerais volontiers à des amis. C’est une facette de l’Amérique qui y est décrite et je trouve toujours intéressant d’aborder la connaissance de ce pays par description de quotidiens plutôt hors norme.
Merci à Laure et Francine pour ces chroniques passionnantes !
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