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Il était jeune, il était pauvre, il était juif, il se sentait poète, artiste et poète, il vivait à Londres, à Whitechapel.
Shaun Levin évoque ici le destin d'Isaac Rosenberg, peintre et poète britannique mort dans les tranchées en 1918.
Né dans une famille de Juifs émigrés d'Europe de l'Est, installé dans l'East End de Londres, il est très tôt tourmenté par des aspirations artistiques aussi évidentes aux yeux des siens que difficiles à réaliser dans un tel dénuement.
La première partie, « Esquisses », retrace son parcours à travers une série de tableaux centrés sur sa vie à Londres, partagée entre apprentissage dans un atelier de gravure et études à la Slade, on le suit au fil de rencontres décisives et expériences infructueuses, d'affinités avec les Juifs communistes et anarchistes de Whitechapel et l'on observe son aspiration à une vie de gloire et de luxe.
« Note ce que je te dis », disait-il à Morley le doigt en l'air comme en manière d'avertissement. « Note bien ce que je te dis », disait-il tard dans la nuit, pris de boisson dans Brady Street alors qu'ils sortaient du Carpenter's Arms. « À ma mort, je compterai parmi les poètes anglais. » La deuxième partie, « Méditation », évoque le pèlerinage du narrateur sur la tombe d'Isaac Rosenberg à côté d'Arras. Le narrateur, lui-même appelé Shaun Levin, a entendu parler d'Isaac Rosenberg comme d'« un grand poète juif » sur le BBC World Service dans sa jeunesse.
Ce livre édité par Christophe Lucquin est le regroupement de deux textes de l’auteur écrits en 2008 et parus à Londres. Le premier intitulé Esquisses est assez hermétique. J'ai eu du mal à y entrer, parce que je n'ai pas les connaissances suffisantes et nécessaires de la communauté juive-anglaise du début du XX° siècle. Malgré de très -trop ?- nombreuses notes de fin de volume, très détaillées, je ne réussis pas à tout retenir et je passe du découragement à lire un passage abscons au plaisir de me ressaisir dans un autre. Beaucoup d'allers-retours dans le temps, beaucoup d'intervenants. Moi, qui ne suis pas amateur de la biographie, et qui donc aime bien lorsque l'auteur explose le genre (lisez Baudelaire de Felipe Polleri chez le même éditeur), j'avoue que là, j'ai rêvé d'une biographie linéaire, qui aurait suivi l'artiste de sa naissance à sa mort.
La seconde partie, intitulée Méditation, est plus courte et me sied nettement plus. Shaun Levin arrive en France pour visiter la tombe d'Isaac Rosenberg et au même moment il apprend que son ami rompt avec lui. Les deux histoires se répondent : celle tragique d'Isaac Rosenberg dans ses derniers jours dans les tranchées de la Somme et celle de Shaun, seul, dans un pays dont il ne parle pas la langue et qu'il ne connaît pas, encore plus seul depuis qu'il sait que son couple n'est plus. Je ne suis pas fan des récits dans lesquels l'auteur intervient sans cesse -sauf si je sais dès le départ que c'est le genre-, mais là, Shaun Levin le fait très bien, sobrement. Il parvient, tout en nuances à faire un parallèle entre Isaac et lui. Tout en poésie, en douceur. Ah que j'aurais préféré cette seconde partie plus longue et cette première plus courte ! Dans Méditation, l'auteur explique également la raison pour laquelle il a entrepris des recherches sur Isaac Rosenberg. Cette partie du livre est vraiment très belle, elle peut justifier à elle seule la lecture de Un voyage à Arras et ceci d'autant plus que j'écris sur Esquisses est très personnel, ce n'est que mon impression et d'autres y trouveront leur compte, sans doute plus cultivés que moi.
Toujours est-il que c'est encore un texte qui ne laisse pas indifférent, comme toujours chez cet éditeur que j'aime beaucoup. En plus, j'aime également ses maquettes : papier et couverture blanche avec un point bleu, qui varie en fonction du contenu du livre ; ici, ce point bleu devient un casque : simple, efficace.
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