Les temps changent. A une autre époque, dont seuls les plus de quarante ans peuvent se souvenir, la chieuse était à peu près le pire qualificatif que l'on pouvait apposer sur le genre humain féminin. Mais aujourd'hui, ce sont les femmes elles-mêmes qui se revendiquent chieuses, une certaine façon de se faire respecter avec humour face à la suprématie machiste, qui en a un sérieux coup dans l'aile, il faut le dire.
Alors, comment le garçon doit-il réagir face à ces nouveaux critères ?
Et la fille, jusqu'où ne pas aller trop loin ou alors c'est exprès ?
En 160 pages d'une riche intensité et de nombreux tableaux saisissants de vérité, sachez enfin appréhender et démêler les codes de la nouvelle jungle des relations tordues, pardon, complexes, entre les hommes et les femmes.
Les règles d'une bonne chieuse :
Etre exigeante. Exemple : au restaurant, prendre le menu, faire changer l'entrée, la garniture du plat, et demander une tisane à la place du café, sans supplément.
Ne jamais être contente. Sans donner de raison, et si possible en culpabilisant l'autre.
Avoir une totale confiance en soi : même si ça ne plaît pas, on doit vous accepter comme vous êtes.
Avoir toujours raison. Et avoir le dernier mot est indispensable.
Etre fine : exigez, mais avec de la gentillesse et beaucoup de séduction.
Savoir bouder. Faites la gueule jusqu'à ce que l'autre craque.
Anticiper sa défense. On récolte ce que l'on sème, donc de la prévoyance.
Réagir à la minute. Explosez de colère à la moindre agression.
Se plaindre régulièrement. Je suis trop grosse, trop moche, tu me regardes plus, t'as oublié mon anniversaire, ma fête, j'ai trop mal au dos, j'ai plus rien à me mettre, t'as encore rien prévu ce week-end...
Et surtout assumer à donf. Oui, vous êtes une vraie chieuse, mais si mignonne et si agréable à vivre, qu'on ne peut pas se passer de vous.
Une bande dessinée format roman qui surfe sur la vague les différences entre garçons et filles, et qui ajoute la différence de génération, à savoir que les filles d'aujourd'hui ne sont pas celles d'hier et a fortiori d'avant-hier. Ni les hommes d'ailleurs ne sont semblables à leurs prédécesseurs, encore que là, la différence est moindre. Dès lors, on n'échappe pas à quelques clichés et propos maintes fois entendus ou lus, mais le ton employé ainsi que les dessins font que cette BD est bien sympathique. Si vous avez aimé Joséphine, pas l'ange-gardien, l'autre, celle de la BD de Pénélope Bagieu, vous devriez aimer cette nouvelle fille de BD. Au moment où j'écris cette chronique, ma fille la lit et rit beaucoup, je me dis donc d'abord qu'elle est sans doute plus destinée à un public jeune et ensuite et par conséquent que je ne suis plus jeune même si j'ai apprécié cette lecture -je ne sais pas si je suis très clair. Beaucoup d'humour et de dérision qui néanmoins font passer un message sur l'égalité des sexes, sur le combat des femmes pour la conquérir et pour la garder. Un message toujours d'actualité, à asséner tellement certains sont obtus et cons.
Beaucoup de belles réparties, comme lorsque le patron de Candice lui dit à propos de son travail d'artiste et de Mai 68 : "Ah, c'était l'bon temps : celui des vrais artistes, celui des esprits rebelles qui savaient innover..." et qu'elle lui répond : "Celui où vous luttiez contre ce que vous êtes devenu ?" Ou celle lorsqu'elle est dans l'un des très nombreux magasins de cigarettes électroniques : "OK ! Et des joints électroniques, vous vendez ?". Des dialogues drôles, enlevés très bien mis en dessins. J'aime le trait mi réalité-mi-caricature, l'emploi quasi exclusif de trois couleurs : noir, gris et orange, les visages expressifs, les situations plus ou moins cocasses, les petites vacheries, les vengeances ou tentations dont on ne peut être fier. Bref, une BD plutôt réussie qui fera sourire les plus vieux -comme moi- et rire les plus jeunes sans doute plus ciblés et plus au fait de certaines références ou allusions.
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