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En 1946, dans sa préface à la réédition du Meilleur des mondes, Huxley écartait l'idée de retoucher, de corriger, d'actualiser ce chef-d'oeuvre déjà vieux de quinze ans. En 1958 - date de ce Retour - ce sera chose faite. Il ne s'agit plus de fiction : ce monde, le monde, n'est plus un roman. La bombe H, deux dictatures sans précédent, l'explosion démographique sont passées par là...
Avec une acuité redoublée et un impitoyable sens de l'humour, Huxley le critique relit Huxley le prophète et le confirme : vous croyiez rêver, vous le viviez. Le meilleur des mondes, c'est le nôtre...
Après le meilleur des mondes l'auteur publie cette suite, après une analyse social et politique de son utopie. Après la peur et l'horreur on se retrouve dans un contexte de surpopulation, il continue de développer les thématique du premier ouvrage. La lecture est intéressante, la plume n'est pas évidente, on est dans un essai SF.
L'auteur ne cache pas non plu son opinion politique, une lecture prenante, difficile, intéressante, effrayante mais qui à le don de faire réfléchir.
"Il y a cinquante ans, dans mon enfance, il semblait absolument évident que le mauvais vieux temps était passé, que la torture, les massacres, l'esclavage et la persécution des hérétiques avaient disparu à jamais. Pour des gens qui portaient haut-de-forme, se déplaçaient en train et prenaient un bain quotidien, de pareilles horreurs étaient simplement inconcevables. Nous vivions au vingtième siècle, que diable ! Quelques années plus tard, ces mêmes hommes qui se baignaient chaque jour et allaient à l'église en huit-reflets commettaient des atrocités d'une ampleur dont les Asiatiques et les Africains enténébrés n'eussent jamais rêvé. À la lumière de l'histoire récente, il serait stupide de croire que ce genre de choses ne peut pas se reproduire. Il le peut et sans doute il le fera."
"Il n'existe de valeur qu'en fonction de la vie et de la conscience qu'en prend l'individu, une organisation n'est ni consciente, ni vivante, et sa valeur est celle d'un instrument d'un dérivé. Elle ne saurait être bonne en soi, elle ne l'est que dans la mesure où elle contribue au bien des individus la composant. Lui donner le pas sur les personnes, c'est subordonner la fin aux moyens."
La surpopulation entrainerait-elle automatiquement une instauration de la tyrannie dans les démocraties occidentales ? De quelle manière la propagande aussi bien dans un cadre démocratique que dans un cadre dictatorial entrera-t-elle dans tous les processus de gouvernement ? De quelle manière fonctionnera la publicité, le « merchandizing » ? Quelles seront les méthodes les plus insidieuses de lavage de cerveaux des peuples ? Quid de la persuasion chimique, de l’utilisation des drogues (le fameux « soma » multi-fonction n’existant que dans l’imagination d’Huxley, a déjà de nombreux équivalents, cannabis, cocaïne, amphétamines, crack, LSD, et autres) ? De la persuasion subconsciente, images subliminales, matraquage de concepts, de notions répétées ad nauseam ? L'hypnopédie, c’est-à-dire l’enseignement pendant le sommeil, est-elle vraiment opérationnelle ? Ne peut-on pas conditionner les esprits sous hypnose ou dans un pré-sommeil ? L’instruction des peuples les rend-elle vraiment libres ?
« Retour au meilleur des mondes » n’est en aucun cas une suite au célèbre roman dystopique qui sert encore de nos jours de référence pour un futur de plus en plus probable, mais plutôt un essai de prospective sociale, politique, philosophique et psychologique. En effet, après avoir écrit « Le meilleur des mondes » en 1931, dans un contexte géo-politique bien particulier, Huxley voulut apporter des précisions et mêmes des corrections en 1948 après la seconde guerre mondiale, après les dégâts de l’hitlérisme et du stalinisme. Il fait un parallèle entre son livre et celui d’Orwell « 1984 ». Tous deux peuvent sembler des visionnaires. En réalité, ils étaient simplement plus informés, adeptes de la « Fabian society », francs-maçons et du côté d’Huxley, par son frère Julian, proche de Bernays, le créateur de l’ingénierie sociale, et donc familier des grands décideurs qui travaillaient déjà leur plan. « 1984 », inspiré par le stalinisme, explore la gouvernance par la peur, la contrainte et le contrôle social permanent alors que « Le meilleur des mondes » est plus sur une domination par le plaisir, la jouissance et une discipline acceptée et même souhaitée par la masse. Sans oublier la manipulation génétique, la création in vitro des Alphas et autres Omégas qui a un petit avant-goût de transhumanisme. Pour Huxley, 2 milliards de terriens serait le nombre à ne pas dépasser, les ressources de la planète ne permettant pas que l’on soit plus nombreux. Que faire du surplus de population ? 70 ans plus tard, la réponse est en train de se révéler dans toute son inhumanité. Le dernier chapitre est cependant un plaidoyer pour la liberté, preuve que l’auteur est inquiet de ce qu’il entrevoit. Inutile de préciser que ce qu’il annonce se concrétise de plus en plus à notre époque. À lire pour mettre les choses en perspective, même si elles sont inquiétantes.
L'auteur a écrit cet essai bien après sont livre intitulé "Le meilleur des mondes". Il a voulu vérifier la concordance du monde élaboré son livre et évalué si le monde avance tel qu'il l'avait prévu ou bien si une dérive a lieu. On trouve de nombreuses références à d'autres auteurs et psychologues.
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