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Au printemps 2002, les socialistes convaincus que la campagne de Lionel Jospin menait à la catastrophe s'étaient tu pour ne pas affaiblir davantage leur candidat. J.G. était de ceux là, dont le silence a seulement étouffé une chance d'éviter la catastrophe. Il a désormais résolu de ne plus se taire. Il s'engage résolument contre toute tentative de quelque candidat(e) que ce soit, socialiste ou UMP, de brouiller dans un discours racoleur le clivage qui oppose plus que jamais la droite néolibérale et la gauche socialiste. Une campagne socialiste qui, comme en 2002, au prétexte de gagner des voix sur la droite, viserait un rassemblement au centre en affichant des convergences avec la droite (sur la sécurité, l'éducation, l'Europe, etc.), conduirait à nouveau la gauche à la défaite. Or l'enjeu de l'élection qui vient est bien plus grave que par le passé.
Car la droite a radicalement changé de nature et avec elle l'enjeu véritable du débat et des élections. Jusqu'aux années 1990, l'enjeu d'une alternance était une orientation plus ou moins libérale des politiques économiques et sociales, dans le cadre d'un modèle social et républicain largement commun et d'une conception convergente de l'Union Européenne. Le quinquennat qui vient de s'écouler révèle que la nouvelle droite française est engagée, comme partout dans le monde développé, dans un projet de transformation radicale du modèle de société qui s'était imposé depuis l'Après-guerre.
Mais beaucoup d'acteurs et de commentateurs du débat public conçoivent encore l'enjeu des élections avec la grille de lecture ancienne et totalement obsolète. Ainsi, on oppose une droite plus soucieuse de réalisme économique et de la performance des entreprises à une gauche plus préoccupée par la redistribution et les droits sociaux ; une droite survalorisant la sécurité et privilégiant la répression de la violence, à une gauche plus attachée à la prévention et à l'éducation ; une droite fidèle à la Ve République et une gauche aspirant à une démocratie plus parlementaire et participative, une droite visant une Europe plus libérale face à une gauche en quête d'Europe sociale. L'alternative en jeu dans l'élection opposerait donc deux conceptions différentes de l'efficacité économique, de la sécurité publique, de l'Europe et de la démocratie, deux chemins différents en quête de finalités au fonds similaires.
Contresens fatal explique J.G. qui démontre qu'en réalité le projet idéologique et la pratique politique de la nouvelle droite néo-conservatrice détruisent les perspectives de progrès économique, maximisent l'insécurité, menacent la paix civile, détruisent le projet européen et bafouent la démocratie. La droite néo-conservatrice ne vise plus une démocratie de marché efficace qui surmonte les tensions sociales par la prospérité générale. Elle vise une dissociété des individus livrés à la guerre économique, privés de tout pouvoir pour orienter collectivement leur destin, disciplinés par la peur ou la pression morale de leur " communauté ", au prix, le cas échéant d'une restriction croissante des libertés publiques. Il n'est pas anodin que Nicolas Sarkozy ne cache pas son admiration pour l'administration Bush qui est la plus avancée dans l'accomplissement du modèle néo-conservateur. Ce projet est en réalité contraire aux intérêts du plus grand nombre, y compris de celui de l'immense majorité des électeurs de droite.
La nouvelle droite est aussi dangereuse pour une raison plus insidieuse et plus redoutable : elle a en partie gagnée la bataille culturelle, la bataille des idées et des valeurs, au point que nombre d'élites à gauche adhèrent désormais au culte de la responsabilité de soi et de la performance individuelle, approuvent la chasse aux " déviants " ou aux parasites qui vivent des indemnités de chômage, expliquent la nécessité d'adapter notre système social et fiscal aux exigences imposées par la guerre économique mondiale, etc. Il s'ensuit un brouillage complet du clivage gauche - droite qui transforme l'élection présidentielle en compétition des personnalités et non plus des projets politiques et qui, partout en Europe nourrit l'abstention ou le vote protestataire aux extrêmes.
Là se trouve une source essentielle de la défection des classes populaires qui a conduit bien des socialistes et des sociaux-démocrates à la défaite électorale. Le drame pour la gauche européenne est que la réaction de ces derniers a jusqu'ici consisté à prendre acte de la défection de l'électorat populaire et à renforcer leur dérive centriste pour prendre des voix à la droite. L'intention de J.G. est clairement ici de faire pression sur le ou la candidat(e) socialiste pour renoncer à cette stratégie suicidaire qui a déjà conduit à l'effondrement du candidat socialiste le 21 avril 2002.
Pour J.G. la gauche doit en effet conquérir une partie de l'électorat de la droite. Mais elle n'y parviendra pas en " droitisant " son discours, en brouillant son opposition au projet de la droite, et en renonçant à reconquérir d'abord la confiance des petits, des sans-grade, des estropiés de la compétition sauvage... Elle peut le faire en expliquant combien le projet de la nouvelle droite est dangereux pour la paix civile, pour la sécurité des personnes, pour la prospérité de notre économie, pour la démocratie et pour la préservation de l'Union européenne.
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