Caraïbes, 1492. "Ce sont ceux qui ont posé le pied sur ces terres qui ont amené la barbarie, la torture, la cruauté, la destruction des lieux, la mort..."
Au retour de son célèbre voyage, qui a duré près de cinq ans (27 décembre 1831-2 octobre 1836), à bord du Beagle, Charles Darwin, tout en préparant la publication de son Journal, classe ses spécimens d'animaux vivants naturalisés ainsi que ses échantillons fossiles, et en confie l'identification et la description savante à plusieurs spécialistes : les Mammifères fossiles sont attribués à Richard Owen, les Mammifères actuels à George Robert Waterhouse, les Oiseaux à John Gould, les Poissons à Leonard Jenyns, les Reptiles à Thomas Bell.
Leonard Jenyns (1800-1893), beau-frère du botaniste John Stevens Henslow (1795-1861), protecteur de Darwin, a été le premier naturaliste pressenti pour accompagner l'expédition du Beagle. Parfaitement expérimenté dans les tâches techniques de la recherche de terrain, ce clergyman naturaliste que Darwin a appris à estimer au cours de leurs excursions entomologiques communes autour de Cambridge accepte en rechignant d'expertiser les spécimens de poissons rapportés par un jeune confrère auquel il n'épargnera pas les critiques. Pour mener à bien cette tâche difficile, il s'appuiera constamment sur le travail encyclopédique de ses maîtres français, Cuvier et Valenciennes. Les dix-neuf fascicules qui composent la Zoologie du voyage du H.M.S. Beagle paraîtront de février 1838 à octobre 1843. La publication des quatre fascicules consacrés aux Poissons sera, elle, entièrement achevée en avril 1842.
Or Darwin est intimement convaincu, depuis le début du printemps de 1837, que les espèces ne sont pas fixes, et entame à partir du mois de juillet de cette même année une recherche secrète visant à le démontrer. Aucun de ses collaborateurs d'alors ne saura qu'il contribue à sa manière à cette démonstration. Le rigoureux Jenyns, lié par son sacerdoce comme par son amitié, reconnaîtra plus tard le talent supérieur de Darwin tout en cherchant encore à concilier le point de vue de la transformation des espèces avec ce qu'autorise une théologie naturelle sensiblement remaniée.
Dans sa préface, Patrick Tort montre comment Darwin a su négocier, à travers cette participation de Jenyns, une sorte de neutralité bienveillante de la part d'un naturaliste respecté que tout paraît d'abord éloigner de l'acceptation du transformisme, et que son appartenance à l'Église anglicane empêchera en effet d'en approuver distinctement les ultimes conclusions.
Traduction par Roger Raynal, coordonnée par Patrick Tort et Michel Prum. Précédé de Patrick Tort "Négocier avec la Providence".
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