Entretien avec Dominique Bourgois, directrice des éditions Christian Bourgois
Jonas Brand est reporter vidéo à Zurich. Spécialisé dans les émissions people, il rêve un jour de tourner Montecristo, un long métrage de fiction dont on lui a jusqu'alors refusé le financement.
Lorsqu'il découvre qu'il est en possession de deux billets de cent francs suisses porteurs du même numéro de série - ce qui est a priori techniquement impossible -, il décide de mener l'enquête. Sans le savoir, il se trouve mêlé à une affaire dont il ne mesure pas l'ampleur.
« Le nouveau roman de Martin Suter nous introduit dans le monde interlope de la haute finance suisse. [...] Montecristo n'est pas seulement le tableau profondément pessimiste d'un milieu. Il traite aussi de questions devenues quotidiennes de la vie politico-économique, en Suisse et ailleurs. L'importance vitale des banques pour le système, par exemple, invoquée par les conjurés pour justifier leur campagne de maquillage des comptes. » Sebastian Baltzer, Frankfurter Allgemeine Zeitung.
« Haletant thriller financier, [...] Montecristo marque le grand retour de Martin Suter au roman d'investigation métaphysico-policière. [...] La fiction devient entre les mains expertes de Suter une arme de destruction massive. » Olivier Mony.
Entretien avec Dominique Bourgois, directrice des éditions Christian Bourgois
Pour Jonas Brand, tout commence avec un ''incident voyageur'' dans l'intercity Zurich-Bâle. Caméra au poing, il filme les passagers du train en attente avec l'idée d'un reportage sur le suicide des travailleurs surmenés. Mais le vidéoreporter free-lance sait déjà qu'il ne fera pas recette auprès du magazine people qui l'emploie de plus en plus souvent. Jonas n'est pas un journaliste d'investigation, et surtout pas le réalisateur de films qu'il aurait aimé être; Montecristo, son scénario, dort au fond d'un tiroir, faute de financement. De retour chez lui, il découvre par hasard qu'il est en possession de deux billets de 100 francs suisses parfaitement identiques. Authentiques tous les deux, lui dit son conseiller bancaire à la CGBS ( General Confederate Bank of Switzerland ). L'un des deux est faux, contredit un expert numismate. Une anecdote sans importance, et surtout sans rapport avec le suicidé du train ? Pas si sûr, rétorque son ami journaliste, Max Gantmann. Cet expert en économie, plus très frais depuis son veuvage, chassé des plateaux télé par son laisser-aller, croit fermement que Jonas a levé un livre, une affaire énorme qui mettrait en cause la probité des banques suisses. Jonas décide donc de mener l'enquête mais finit par se désintéresser du mystère des faux vrais billets. Il faut dire qu'il vient de rencontrer Marina Ruiz, une splendide zurichoise qui pourrait bien être la femme de sa vie et, cerise sur le gâteau, son film vient de trouver un financement ! Ivre de bonheur, le futur réalisateur refile le bébé à Max et se lance enfin dans son Montecristo.
En Suisse, comme ailleurs, il y a des meurtres déguisés en suicides, des cambriolages, des agressions, des femmes qui trahissent, des accidents qui n'en sont pas, des malversations financières. Mais en Suisse, comme nulle part ailleurs, les complots se fomentent dans un luxueux hôtel de Gstaad, les crimes sont décidés dans le salon feutré d'un appartement de fonction haut de gamme, les problèmes se résolvent à coup de grosses subventions bien distribuées, les journalistes pensent naïvement que jamais on n'en voudrait à leur vie. Nulle mafia ou gangsters à la mine patibulaire, c'est en costume taillé sur mesure que les banquiers suisses font la pluie et le beau temps sur la finance mondiale et sont prêts à tout pour que règne l'ordre tel qu'ils le conçoivent.
Avec son héros qui n'en est pas vraiment un, ni pugnace, ni clairvoyant, Martin Suter nous emmène dans un polar financier totalement crédible. Un trader aux pertes colossales, une banque qui se défausse...tout cela a un goût de déjà vu, et pas seulement dans une fiction. Magouilles, corruption, secrets, les banques suisses sont le décor idéale pour une histoire au suspens bien mené qui, par moments, fait froid dans le dos. Cette lecture, ancrée dans le réel, s'avère une bonne surprise malgré un titre peu accrocheur et un pitch qui peut faire fuir les allergiques aux théories économiques. La fin manque un peu de panache mais elle est à l'image d'un Jonas Brand, dépassé par les évènements et qui peine à se trouver une âme de justicier. On reste dans le poli, le raisonnable, le discret, mais l'ensemble est une bonne incursion dans le monde prospère des banquiers suisses. Epatant !
Les écrivains français, contrairement aux anglo-saxons, insèrent rarement en fin d'ouvrage la liste des personnes qu'ils souhaitent remercier. C'est bien dommage, car quelquefois, elle permet de donner un relief tout particulier au roman que l'on vient de lire. C'est le cas de ce nouvel opus du Suisse Martin Sutter. Le Directeur de l'Administration des finances de la Confédération, un ancien Conseiller fédéral (qui a rang de ministre en France) ainsi qu'un producteur de cinéma viennent, entre autres, apporter leur crédit à ce thriller économique palpitant.
L'histoire débute alors que le train intercité entre Zurich et Bâle, dans lequel a pris place Jonas Brand, freine brusquement. Le video-reporter free-lance se rendait dans la grande ville rhénane pour un reportage sur une manifestation de bienfaisance. Quand il apprend qu'un passager a tiré le signal d'alarme, après avoir vu un homme se jeter sous les voies, il prend sa caméra à l'épaule et décide de filmer ce qu'il peut, ä vrai dire pas grand-chose.
Quelques jours plus tard, il apprendra qu'un trader, employé dans une grande banque suisse, s'est suicidé. Du coup, il arrivera en retard à la manifestation qu'il était censé couvrir, mais y fera la rencontre de la belle Marina Ruiz, chargée des relations publiques. Comme il est divorcé depuis de longues années et que la demoiselle est également libre, ils ne vont pas tarder à se retrouver dans un même lit.
Quelques jours plus tard le récit prend une toute autre direction. Par hasard, il se rend compte qu'il détient deux billets de cent francs suisses possédant le même numéro de série. Une rapide enquête lui apprend que cela est tout simplement impossible dans un pays qui place la sécurité en matière financière au plus degré et qui, pour la réputation de la place bancaire helvétique, ne peut se permettre le moindre faux pas.
Seulement voilà, à la GCBS, une grande banque de la place, son conseiller lui confirme la véracité des deux coupures. Quand Jonas découvre qu'il a été cambriolé, il n'a plus guère de doutes sur le caractère explosif de sa découverte.
Quand, quelques jours plus tard, il est victime d'une agression il se dit qu'il détient vraiment ce qu'un ami, ex journaliste d'investigation, ne tarde pas ä appeler de la dynamite.
Et qui risque de lui exploser en pleine figure.
La décision la plus sage ne consisterait-elle pas à tout abandonner? D'autant qu'on vient de lui attribuer une somme importante pour financer le film qu'il rêvait depuis de longs mois de monter, une adaptation moderne du Comte de Monte Cristo. Sauf que là encore, il ne tarde pas à se rendre compte que cette manne n'est pas tombée du ciel par hasard.
En nous plongeant dans les arcanes de la haute finance, Martin Sutter nous permet notamment de réfléchir à cette analyse faite par la quasi-totalité des médias en Suisse au moment de la crise de Lehmann Brothers et que l'on résumé par "too big to fail" (trop important pour sombrer). La grande banque dispose-t-elle vraiment d'un pouvoir supérieur au pouvoir politique, peut-elle faire fi des lois? Peut-elle agir au nom d'une sorte d'intérêt supérieur? Et quels rôles exacts jouent les réseaux d'influence dans un pays où quasiment tout le monde se connaît?
Les réponses à ces questions sont assez vertigineuses. Mais je vous laisse vous délecter de l'épilogue de ce roman qui ne réjouira pas uniquement les adeptes de la théorie du complot.
https://collectiondelivres.wordpress.com/2015/11/15/montecristo/
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