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En 1530, un jeune homme se présente dans une maison de la région de Modène, pour rencontrer la veuve d'Alde Manuce, le célèbre imprimeur vénitien. Il veut lui montrer le texte qu'il a écrit sur sa vie, sans savoir que la véritable histoire de Manuce n'a rien à voir avec le ton épique du récit qu'il a imaginé autour du héros de l'imprimerie.
En effet, lorsqu'en 1489, Alde Manuce arrive à Venise dans le but de réaliser des éditions raffinées des nombreux trésors grecs qu'il connaît, il doit faire face à de nombreuses difficultés auxquelles il ne s'attendait pas : vol de manuscrits, censure des puissants contre la diffusion de l'épicurisme, obligations commerciales d'Andrea Torresani, patron de l'imprimerie... Quand il se met en tête d'épouser la fille d'Andrea Torresani, les obstacles se multiplient encore.
Avec une juste dose d'ironie et une érudition discrète, L'Imprimeur de Venise recrée de manière éblouissante l'origine de l'édition à travers des personnages pionniers, dans une ville folle. L'époque de crise que traverse Venise n'est pas sans rappeler les défis du présent...
Traduit de l'espagnol par Anne Plantagenet
L'imprimeur de Venise, en version originale El impresor de Venecia parue en Espagne en 2016, a été publié par les éditions Jean-Claude Lattès en 2018.
Le style, poétique, est ciselé comme une pièce rare d'orfèvrerie: "Le rire franc de Cornelia résonna contre les murs à l'intérieur de la loggia, tournoya entre les colonnes et s'envola librement dans le matin, se confondant avec le gargouillis nerveux des oiseaux." (Page 39).
L'imprimeur de Venise propose une savoureuse immersion dans l'Italie intellectuelle de la Renaissance: allusions à la recherche de manuscrits rares et précieux; à la bibliothèque de Laurent de Médicis, fin lettré, connu pour avoir soutenu et financé de grands artistes de son époque, propulsant ainsi Florence au rang de capitale intellectuelle; à l'histoire du manuscrit de la célèbre œuvre de Lucrèce, poète philosophe latin ayant vécu au premier siècle avant J.C., De Natura Rerum", que l'on croyait définitivement perdu jusqu'à ce que l'humaniste italien Poggio Bracciolini en découvre une copie datée du 9e siècle en 1417, dans la bibliothèque d'un monastère; à l'oeuvre du philosophe grec, Epicure; ainsi qu'au travail d'un imprimeur de l'époque qui devait trouver le bon manuscrit, le corriger et en assurer la mise en page avant de l'imprimer et de le diffuser.
Le fil rouge du roman: sauvegarde du livre d'Epicure De la nature. L'oeuvre considérable du philosophe grec fut détruite à l'avènement du christianisme, instauré religion d'Etat par l'empereur Constantin, ce qui freina certainement la diffusion de sa doctrine, basée sur la recherche du bonheur, non par une jouissance effrénée des plaisirs de la vie, mais par la maîtrise ascétique de ces derniers) sans toutefois l'empêcher de parvenir jusqu'à nous, grâce notamment à Diogène Laërce, auteur du 3ème siècle. Aujourd'hui, il ne nous reste que trois Lettres et une quarantaine de maximes, pour la plupart découvertes au 19e siècle, ainsi que quelques fragments de son œuvre majeure découverts à Herculanum en 1752, à une époque où la doctrine épicurienne revenait en force.
Quarante années après sa disparition, Mari raconte à leur fils la vie de son mari, Alde Manuce, professeur et grammairien. 1489. Le jeune Alde arrive à Venise avec en tête un projet d'autant plus ambitieux qu'il n'y connaît absolument rien : fonder une imprimerie dont la mission serait de publier les œuvres maîtresses de la littérature grecque dans des éditions de qualité.
Au fil des mois qui passent, Alde apprend les ficelles du métier auprès d'Andrea Torresani, l'un des plus riches imprimeurs de la ville, dont il épousera la fille cadette Maria, quelques années plus tard. Très vite, la jeune femme, douée et intelligente, parlant le latin et le grec, se révélera une précieuse alliée à l'atelier, grâce à l'éducation poussée qu'elle reçut dans un couvent allemand.
Lorsque Torresani lui interdit d'imprimer des livres grecs, Alde aurait perdu tout courage sans le soutien de Maria qui, aussitôt son terrible père le dos tourné, suggéra à son mari le moyen de contourner l'interdiction :"Nous allons imprimer les livres latins fondamentaux comme les missels portables : in-octavo, manuels à la façon des enchiridions grecs qui sont juste un peu plus grands que la main. Des livres qu'on peut transporter facilement dans la poche !" (Page 247).
De défaites en victoires, Maria déroule ainsi le fil de la vie de celui grâce à qui de nombreux manuscrits grecs importants furent imprimés, et l'imprimerie connut des innovations fondamentales, notamment l'utilisation des caractères en italique permettant d'imprimer plus de mots sur les pages plus petites des manuels in-octavo.
Grâce à L'imprimeur de Venise, j'ai passé un très agréable moment de lecture, me plongeant sans vergogne dans l'atmosphère empuantie et formidable de la Venise de la Renaissance. Grâce à une documentation précise et détaillée, je n'ai eu qu'à fermer les yeux pour me retrouver dans l'imprimerie d'Andrea Torresani. J'ai appris avec Alde à recopier avec application d'anciens manuscrits grecs, à corriger les nombreuses erreurs commises par les copistes ignares, j'ai regardé Francesco fondre ses caractères avec beaucoup de minutie.
Le +: Les personnages hauts en couleur, les portraits d'hommes et de femmes attachants, vibrant de sincérité, les dialogues parfois drôles, parfois pathétiques, les émotions et les bravades constituant une fresque colorée et extrêmement vivante.
Le bémol : l'érudition parfois pesante se perdant dans les méandres de l'oeuvre d’Épicure, citant de longs extraits dont on ne voit pas bien l'utilité pour l'intrigue. Certes, le sauvetage de son oeuvre constitue bien le fil rouge de ce roman ; néanmoins, certains passages trop longs nuisent plus à l'intérêt du récit qu'ils ne l'enrichissent.
Cela dit, L'imprimeur de Venise est un roman attachant, sombre et lumineux à la fois, sobre et truculent, dans lequel on a plaisir à faire connaissance avec cet homme timide et audacieux, circonspect et aventureux, qu
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