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Notre époque n'a pas l'exclusivité des débats sur la nourriture. Au XVIIe siècle déjà, le moraliste, le prêtre et le médecin s'acharnent contre la bonne chère. Combattu en public, le mangeur trouve dans le privé son refuge ; exclu de la hiérarchie littéraire, absent des genres nobles, il habite les genres ignobles : la farce, le conte, le roman comique, la poésie burlesque. C'est en ces basses terres qu'on le trouve : là, l'homme de lettres, l'historien, le dévôt, le libertin, le philosophe, l'homme de science, même le représentant de l'ordre, chacun tour à tour s'en empare pour le brûler ou l'adorer. Pourtant, malgré tous ces obstacles, entre la Fronde et la Révolution, quelque chose se constitue qui rendra possible l'apparition de l'écriture gastronomique. Pour que viennent Grimod de la Reynière et Brillat-Savarin, il fallait d'abord que se définisse une légitimité culturelle de la bonne chère et de l'art culinaire, une cuisine mise au rang des beaux-arts, comme on le dira au XIXe siècle. Il fallait que ses détracteurs s'apaisent ; que le plaisir gustatif obtienne une noblesse ou, mieux, une caution bourgeoise ; que la cuisine enfin acquière son autonomie, qu'elle s'extraie de l'agriculture, de l'économie domestique et de la pharmacopée, parmi lesquelles elle demeurait comme engoncée. L'École de la gourmandise a pour objet cette émancipation. Il ne s'agit donc pas ici d'histoire de l'alimentation, mais plutôt d'histoire littéraire de la sensibilité gastronomique. En parlant du passé, il s'agit encore de nous, de nos angoisses, de nos plaisirs.
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