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Dans un paisible village montagnard, la jeune Gayané souffre de mutisme comme la plupart des enfants. À la suite d'un rêve, elle décide de prendre la route en direction de l'Alpage du Grand Lac que les villageois croient hanté par les siffleurs, des êtres mi-humains mi-vautours. Guidée par Maniolos, le doyen des bergers, aidée par Hélias, son ami interprète, et accompagnée de la Mule, une contrebandière, elle entreprend une ascension initiatique à travers la Forêt et l'Alpage pour atteindre la Montagne Lumineuse. Au milieu d'un hameau en ruines, alors que «?la nuit est désormais vide de lune?», Maniolos va lui révéler un secret. Seule dans la montagne, Gayané devra alors faire face à son histoire.
Je n’aime pas les superlatifs mais je peux vous assurer que je ressors, ébloui, émerveillé, de cette lecture. Connaissez-vous Simon Parcot qui se présente comme un « philosophe de sentiers » ? Si tel n’est pas le cas, je vous engage à le découvrir.
On peut définir, « Le chant des pentes » comme un conte pastoral éco-poétique. La nature y est décrite dans toute sa splendeur, magnifiée par la joliesse des phrases de l’auteur, un peu à la Giono. Parfois, aussi, elle inquiète car c’est également une beauté brute, sauvage. On se laisse envelopper par la ouate des mots, on plane tels les vautours sur les pentes de la Montagne Lumineuse.
Un petit village niché dans le creux de la vallée, dans un entrelacs d’arbres au milieu desquels navigue la brume. « Lorsqu’elle se déchire, elle dévoile la Forêt, pleine de mousse et de ronces. Puis, la Forêt laisse place aux pentes douce de l’Alpage du Grand Lac, un vaste tapis d’herbe dans lequel est fichée une perle d’altitude, Le Grand Lac aux eaux pures. Parfois, les panaches remontent jusqu’à se désagréger dans le ciel. Alors, nous pouvons apercevoir les contours de la Montagne Lumineuse, blanche et belle comme un rêve, bien qu’elle demeure tachée de sang. »
Voilà le décor planté, retrouvons sur la petite place du village Gayané, jeune fille courageuse aux « yeux d’or et de foin », qui, cependant, a du mal à exprimer ses pensées et doit avoir recours à des gesticulations. Gayané souffre d’une absence de voix, d’une « anomalie que l’on appelle mutisme » qui touche une poignée de jeunes de la petite localité. Hélias, l’ami de Gayané, « au cœur trop haut pour ce village », « au corps allongé, à la peau blanche, aux yeux bleus dont l’écarquillement donnait à croire qu’il découvrait le monde à chaque regard », lui, a été épargné, il est devenu la voix de Gayané.
Nos villageois sont réunis, car la jeune fille a fait un étrange rêve. Elle s’est vue sur les pentes de leur montagne, elle y a rencontré sur l’Alpage du Grand Lac une communauté de bergers siffleurs. Hélias interroge les anciens à ce sujet et note le désarroi de ceux-ci. Ne parle pas de cet alpage garçon, il est maudit, les bêtes qui y pâturent disparaissent, et les humains aussi. Mais la jeunesse est synonyme d’intrépidité et nos deux amis expriment leur désir d’aller sur place se rendre compte et demandent si certains veulent les accompagner. Seuls, Maniolos le doyen des bergers « qui sait mélanger le lait et le miel de ses mains râpeuses pour guérir l’ensemble de nos maux » et La Mule, une femme à la tête « couverte d’un chapeau de vachère qui écrase ses cheveux blonds et emmêlés », perçue par la communauté comme une paria, une brigande, une contrebandière qui passe le col et commerce avec le Monde, dit-on, se portent volontaires pour l’aventure. Une équipée qui pourrait éclairer, certaines légendes et secrets et redonner à Gayané une nouvelle méthode pour s’exprimer.
Un voyage, une escapade qui selon l’expression consacrée du Guide Michelin « vaut le détour ».
Mille mercis à Chloé et aux Editions Le Mot et le Reste pour cette magnifique découverte.
La nature en diapason, les montagnes regain, « Le chant des pentes » est une merveille de complétude.
Un récit qui apaise, enclenche une histoire profonde et vivante.
Initiatique, pastoral, à l’instar de Giono, dans cette ère des contemplatifs.
Écrire l’inestimable, berger des mots, Simon Parcot élargit le monde. Puise dans son propre sommet, les ressources pour écrire « Le chant des pentes »,
œuvre de transmission langagière, « la langue sifflée », pratiquée par les bergers.
Métaphorique, secrète, jusqu’au village d’Aas, dans la vallée d’Ossau, les Pyrénées macrocosme.
Poème noria, musique théologale, son-source qui rassemble l’épars, les échos et les silences enfouis sous les roches des hautes montagnes.
Langue rémanence qui enserre une congrégation valeureuse et mystique.
Ici, les protagonistes sont dans cet essentialisme, dans la magnificence des paysages spéculatifs. L’immersion dans un texte qui change le lecteur à jamais.
Il détourne les apparences et devient subrepticement le guide de nos montagnes intérieures.
Gayané, mutique, dont seuls les regards expriment ses pensées. Lèvres cousues de par l’amnésie venue des contrées-cimes.
Maniolos, le plus âgé des bergers, Hélias, son ami qui traduit ce qui s’élève de sons et de mythes, Mule, la contrebandière qui marche à l’aveugle dans les flancs de la montagne.
L’heure boréale d’écouter Simon Parcot conter cette légende.
Les mots poétiques et les paraboles, la déambulation dans un texte où « Le chant des pentes » devient le sifflement des grandes importances.
Tous les enfants du village d’en bas sont pour beaucoup, muets. Comme si un mal étrange s’était abattu dans cette vallée. Gayané fait un rêve étrange. Elle a entendu et vu les siffleurs, hommes et femmes et enfants, dans le sombre de sa nuit. Prémonition, images à peine floutées d’êtres des cimes. L’interprétation parabolique de la Montagne lumineuse.
« Imaginons maintenant que les siffleurs existent encore. Si nous en faisons des amis, leur langue pourrait être utile à nos enfants muets. »
Une décision est prise, dans le clos du hameau, ils vont partir pour rejoindre « l’Alpage du Grand lac », « midi dans le ciel. »
Le périple mages en quête du secret, entre les cairns signifiants, les ombres et les pentes lumineuses, l’odyssée de quiddité. Messages noria, le désir d’affronter enfin ces hommes et femmes et enfants, l’anthropomorphisme, masques et allégories, mi-humains, mi-vautours.
Nous sommes en plongée dans le cœur même des transhumances intérieures. Chercher la réponse, le mystère étoilé.
« Grand-père était-ce une larme sur ta joue ?
- C’était une larme
- Es-tu ému ?
- Sans doute
- Par quoi ?
- Par la beauté
- Seulement
- Non, je mens
- Par quoi alors ?
- Par les ruines, fils, par les ruines. »
L’apothéose d’un roman poétique, vertigineux de sagesse. L’étymologie des résurgences. Lire ce livre, c’est dépasser l’entendu. Croire en la supériorité de la vérité et des réconciliations vénérables.
Splendide et pur, le chant de la terre, des vertiges montagneux, dans cette grâce d’atteindre nos aurores.
« Ce lieu est peut-être celui que nous cherchons lorsque nous écrivons. »
« Leurs ancêtres sont venus en nos plumes. »
Le pardon. Une fresque enchantée.
Conte initiatique, éco-poétique et animiste aux images de mousse, de racines et de ciel magnifiques. L'histoire de Gayané prend sa source dans un secret et se cristallise autour de son mutisme. C’est l’occasion pour Simon Parcot de toucher à quelque chose qui est à la fois intime et politique, de toucher à la question du langage, du rapport aux langues mortes, tuées par la violence, la honte et le secret.
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Dernière réaction par Jean-Thomas ARA il y a 2 jours
Dernière réaction par Yannis Fardeau il y a 5 jours
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