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Un jeune traducteur français vient travailler sur une nouvelle édition des Essais de Hume dans une université écossaise. Il est accueilli par un vieux professeur aussi charismatique que cynique qui l'initie à la pêche à la mouche et par sa femme, une séduisante jeune artiste.
La « mystérieuse nuance de bleu » dont parle le titre devient une métaphore de l'amour : est-il possible d'aimer si l'on n'a pas connu l'amour ? Est-il possible d'être heureux sans savoir ce qu'est le bonheur ?
Ce livre original renoue avec la tradition du roman philosophique, plein de finesse et d'esprit, avec un anti-intellectualisme savoureux. Par son humour pince-sans-rire, il s'ancre dans la tradition des romans universitaires de David Lodge, et nous invite à nous interroger sur la relation entre réalité et fiction, entre raison et passion.
PRIX DU LIVRE DU COMMONWEALTH 2013
Jennie Erdal est une romancière, éditrice, traductrice du russe, ghostwriter écossaise récemment décédée (1951-2020). La mystérieuse nuance de bleu est son premier roman, paru en langue originale en 2012. Le roman doit son titre à une théorie de Hume qui dit qu'un homme qui n'aurait jamais vu une certaine nuance de bleu et auquel on présenterait toutes les autres nuances de bleu de la plus claire à la plus foncée en laissant un espace vide pour cette nuance particulière, comblerait ce manque avec sa propre imagination.
C'est un roman qui peut être parfois long, pas mal d'apartés qui de prime abord auraient pu me lasser mais qui se révèlent passionnants ; ils abordent la philosophie de Hume et la philosophie en général -ceux qui m'ont moins intéressé sont ceux qui concernent la pêche à la mouche. Ces à-côtés donnent la chair du roman, le squelette étant l'histoire d'Edgar Logan et des Sanderson. Jennie Erdal construit un roman intelligent, instructif et philosophique sur un ton léger pour lequel elle use de pas mal d'humour, de décalage et du cynisme du professeur Sanderson sur le bonheur -il a écrit un livre sur ce sujet- mais aussi sur la religion et son athéisme me réjouit, me fait sourire et opiner : "Le libre arbitre n'est jamais mentionné que quand les religieux veulent pointer la stupidité de l'homme, et jamais la cruauté de leur Dieu prétendument bienveillant et de son horrible plan divin. C'est un fait que la religion prospère sur la peur, et même aujourd'hui, au XXIe siècle, sa propagation nous est imposée, comme la culture des patates sous le règne de Catherine de Russie. Les histoires fausses sont convaincantes -ça a toujours été le cas- et les religions procurent du réconfort, même si c'est un faux réconfort. En un sens, Eddie, Dieu est l'ami imaginaire suprême." (p.116)
Il y a aussi de très belles pages sur le métier de traducteur, comment icelui réécrit le texte : "C'est vrai que l'on ne part jamais de rien, il y a toujours une création antérieure, l’œuvre originale. Mais ce n'est que le point de départ. Il faut ensuite créer autre chose à partir d'elle. [...] Il faut bien sûr restituer le sens du texte original, et lui être le plus fidèle possible. Mais pour être proche du sens du texte que vous avez sous les yeux, il faut savoir parfois s'écarter de ce dernier." (p.264/265)
Bref, pour ne pas faire trop long, c'est un roman dense, qui aborde en profondeur certains sujets comme l’œuvre de Hume, la philosophie et l'un de ses thèmes favoris le bonheur, la traduction et installe des personnages qui vont des facettes d'eux-mêmes insoupçonnées, qui vont nouer et dénouer des relations. Tout cela est bien vu, bien amené, passionnant et fin. Et si les parties de pêche m'ont moins intéressé -elles ne sont pas très nombreuses-, la couverture aux hameçons colorés est superbe.
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