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Csabika est une jeune chômeuse désemparée qui quitte la Petite Ville, pleine d'espoirs, pour s'installer dans la Grande Ville. Malheureusement le travail n'y court pas les rues non plus. Mais que peut-elle y faire ? C'est décidé, Csabika va " se vendre ". Vendre de la compagnie, du temps, de l'attention à ceux qui en manquent le plus, car il faut bien vivre de quelque chose. Son étrange métier va amener Csabika à rencontrer des personnages hors du commun.
Urula Kovalyk sculpte brillamment, avec audace et impertinence, les caractères de ses personnages. Leurs parcours tragi-comiques reflètent l'état d'une société contemporaine où absolument tout se vend, sauf l'essentiel.
D'après l'éditeur, l'excellent maison Intervalles, Uršuľa Kovalik est slovaque et "depuis longtemps impliquée dans la défense du droit des femmes et dans l'aide aux sans-abris. Elle dirige également une troupe de théâtre composée de personnes sans domicile fixe. Femme de seconde main est son premier roman traduit en français", et c'est fort dommage car si les autres sont aussi bons que celui-ci, il est plus que temps de découvrir cette auteure, ou alors, si je prends ce constat avec mon optimisme naturel, c'est une excellente nouvelle, car ça me fera plein de textes à découvrir lorsqu'ils seront traduits. Uršuľa Kovalik part d'une idée simple, les gens dans les grandes villes sont seuls accaparés par leur travail ou dans le cas de ses héros, gêné par leur maladie ou acheteuse compulsive qui ne vit que pour cela. Sur ce constat, elle bâtit son histoire et la société de Gabriela qui vend de l'amitié et rien que cela, pas de sexe. Elle-même est seule avec sa chienne Hilda et son nouveau travail est sans doute aussi important pour elle que pour ses clients.
Très habilement, la romancière parle de la solitude, de la difficulté de vivre très isolé et très chichement, de l'anonymat des grandes villes, d'une génération de trentenaires qui semble en difficulté, sans vrai repère dans ce pays jamais nommé mais dont on imagine aisément qu'il est le sien, la Slovaquie, qui fut jusqu'en 1993, une partie de la Tchécoslovaquie communiste.
Les personnages de Uršuľa Kovalik sont très présents, Gabriela en tête, mais ses clients itou, tous avec leur forte personnalité et leurs blessures visibles ou enfouies, et l'on apprendra à les connaître tout au long du roman.
Deux-cent soixante-dix pages auraient pu paraître longues, et c'est au moment où l'on commence à y penser que l'auteure crée le rebondissement qui relance son histoire qui prend ainsi une tournure et une dimension différentes. Uršuľa Kovalik s'attarde aussi pas mal sur des descriptions de lieux, de la nature, de personnes, de situations pas forcément en rapport direct avec son histoire mais qui apportent un côté décalé, comme lorsqu'une conversation ou une réunion de travail nous ennuient -qui n'a jamais vécu cela?- et qu'on regarde dehors si les lieux le permettent où que notre esprit divague à la suite d'un mot entendu ou d'une attitude d'un collègue, c'est sain et naturel -enfin, ça l'est pour moi, j'espère ne pas être le seul dans ce cas, ça m'arrive souvent (j'espère que mon chef ne lit pas mon blog).
Une auteure et un roman à découvrir qui débute justement par une des descriptions dont je parlais à l'instant, non dénuée d'humour, un humour présent malgré un thème pas toujours gai, un humour parfois noir, grinçant qui donne à la lecture un goût de légèreté tout en faisant passer le message :
"La peinture marron fécal et bon marché des murs de l'agence pour l'emploi semblait ce matin-là un soupçon moins merdâtre. L'écorce rigide d'une branche, parsemée d'un jaune fluorescent, dessinait une longue ligne oblique sur le crépi du bâtiment. Des tickets de bus usagés traînaient au bord du trottoir, tels des vieillards desséchés sur une plage naturiste. Personne ne se pressait." (p.5)
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