Récompensée cette année pour "L'Ami du Prince", la romancière vous confie 10 lectures indispensables
En vérité, l'insurrection contre mes parents, contre la pauvreté, contre ma classe sociale, son racisme, sa violence, ses habitudes, n'a été que seconde. Car avant de m'insurger contre le monde de mon enfance, c'est le monde de mon enfance qui s'est insurgé contre moi. Je n'ai pas eu d'autre choix que de prendre la fuite. Ce livre est une tentative pour comprendre.
É. L.
Récompensée cette année pour "L'Ami du Prince", la romancière vous confie 10 lectures indispensables
Après avoir établi une liste de trente romans le 20 mars dernier, le jury du Prix Orange du Livre s'est à nouveau réuni ce lundi 28 avril pour sélectionner les cinq finalistes.
Le temps des vacances, qui rime souvent avec lecture, est le moment idéal pour s’abandonner à ces titres qui nous ont fait envie et que nous n’avons pas eu le temps de lire. Ils viennent de sortir en format de poche, un format idéal à glisser dans la valise ou le sac de plage.
Cinq romans sont en lice pour le Prix Orange du Livre 2014. Cinq romans sélectionnés par le jury pour leurs indéniables qualités littéraires. Cinq romans soumis au vote des internautes pour déterminer qui sera le lauréat de cette 6e édition. Mais qui se cache derrière ces pages, cette plume, cette verve ? Comment ont réagi les auteurs à l'annonce de leur nomination ? Hubert Mingarelli, Lola Lafon, Marc Lambron et Maylis de Kerangal ont accepté de répondre à quelques questions.
L’auteur se livre ici dans un récit autobiographique poignant et glaçant. Il raconte son quotidien de jeune homosexuel victime d’homophobie. Issu d’une famille ouvrière pauvre vivant dans un village picard reculé, il subit le poids du déterminisme social qui l’enferme dans une classe et un genre. On lui impose une trajectoire à suivre comme étant la bonne voie pour « être un dur ».
Edouard Louis raconte crument son quotidien dans cette France profonde, qui, se révélant ici, crée en nous un véritable malaise. Les personnages sont rustres, sauvages, brutaux car sans aucune formation intellectuelle. Le jeune homme évolue dans un milieu de violence, d’homophobie, de racisme où l’alcoolisme règne en maître. Eddy ne veut pas suivre ce chemin tout tracé : travailler à l’usine comme tous les hommes du village et s’alcooliser entre potes en sortant du travail.
Dès le départ, il ne se sent pas comme eux, il est sensible, maniéré, pas assez violent. Il doit donc faire face à une violence aveugle et à l’homophobie ambiante quand deux garçons de son collège prennent plaisir chaque jour à lui faire subir les pires sévices. C’est piégé dans ce milieu social acculturé et violent qu’il doit faire face à un corps qu’il ne comprend pas et qui le trahit.
Tout en évitant de tomber dans la pathos, dés les premières pages le calvaire du narrateur s’installe et ne fait que s’intensifier au fil des chapitres. Au final, ce sont les études qui lui permettent de fuir sa famille et de trouver sa propre voie.
Un premier roman qui raconte une enfance dans le Nord au sein d'une famille pauvre et le tort, pour le personnage, de ne pas être comme tout le monde.
Une autobiographie sans doute même si ce livre n'est pas affiché comme tel.
On s'en prend plein la tête avec cette histoire poignante.
Impossible d'oublier ce roman !
Eddy Bellegueule est né en Picardie dans une famille ouvrière très pauvre. Très vite, ses parents sentent qu’il sera différent des autres garçons du village, il sera plus délicat, plus cérébral, et surtout, pire que tout, il sera « efféminé ». Toute l’enfance d’Eddy, et toute son adolescence seront un véritable chemin de croix à cause de cette différence. Dans son milieu, il faut être viril, boire beaucoup, choper des filles et aimer le sport et la castagne, tout ce qu’Eddy n’est pas. A l’école, dans la rue mais aussi dans sa propre famille, Eddy est un souffre-douleur sur lequel on cogne, on crache, on médit, on se moque. Jusqu’à sa fuite dans un internat d’Amiens à l’âge de 15 ans, Eddy aura payé le prix fort de sa différence.
Edouard Louis (de son vrai nom Eddy Bellegueule) raconte son enfance dans ce premier roman qui lui a valu bon nombre de critiques élogieuses mais aussi bon nom nombre de critiques tout court. Il faut dire qu’il n’y va pas avec le dos de la cuillère quand il s’agit de décrire sa famille : incultes et violents, racistes misogynes et homophobes (le trio gagnant !), il a des mots extrêmement durs pour parler de ses parents, et notamment de son père. Mais ce que certains lui ont reprochés, c’est de faire à travers le prisme de ses parents le procès de la classe ouvrière. Entre les lignes de « En Finir avec Eddy Bellegueule », il n’y a en effet pas grand chose à sauver ni à espérer de cette classe ouvrières qui flirte avec le quart monde ; elle se contente de regarder bêtement la TV, de picoler et de voter Le Pen. On est loin, très loin de la lutte des classes, de « Germinal » et du « Grand Soir ». Cette description au vitriol m’a rappelé un film que j’ai vu il y a quelques années au cinéma, « Marvin », qui racontait d’ailleurs peu ou prou la même histoire. Non seulement la famille (mais aussi tout le village) d’Eddy le méprise et le traite de « gonzesse » (visiblement l’insulte suprême dans ce milieu), mais sa volonté de progresser, de faire des études, de partir « vers la ville » est considéré comme une trahison. L’ascenseur social n’existe pas, son destin était écrit d’avance : tu iras bosser à l’usine, tu te marieras jeune, tu feras des gosses et tu iras au PMU boire des coups avec des copains avant de rentrer mettre les pieds sous la table. Qui voudrait sortir de ce schéma serait un traitre, un prétentieux, un péteux. Alors moi je veux bien qu’on reproche à Edouard Louis d’avoir fait un portrait au vitriol de ses origines, mais s’il avait subit de serais-ce que la moitié de ce qu’il décrit, il aurait mérité de le coucher sur le papier son ressenti et ses souvenirs, et peu importe ce qu’en penseront ses parents ou frères et sœurs. De toute façon, si ce qu’il dit est vrai, ils ne le liront pas, ils ne lisent que le programme TV ! Peut-être force-t-il le trait, peut-être pas… Mais ce qu’on ne peut pas lui reprocher, c’est d’écrire mal : son livre est très bien écrit, dans un style efficace mais brut de décoffrage, qui appelle un chat un chat et qui ne fait pas dans la dentelle. Certains passages sont très crus, d’autres vous mettent le cœur au bord des lèvres. Complaisance ou cruelle réalité des faits, lui seul le sait. Mais son récit est fort, puissant, et sonne comme un uppercut. Et cet uppercut là va laisser une marque dans l’esprit et le souvenir du lecteur. Un roman autobiographique, difficile et douloureux, « En Finir avec Eddy Bellegueule » est un livre qui vous prend à la gorge dés le premier paragraphe et de desserre pas son étau avant le dernier chapitre.
Un livre violent, qui vous arrache à toutes vos certitudes et vos idées reçues, mais un livre nécessaire, parfois plus pour l'auteur que pour le lecteur, écrit avec finesse et qui dépeint une réalité sociale trop souvent oubliée.
En finir avec Eddy Bellegueule.
Le foutre à l'eau.
L'écrire dans la buée.
Et puis l'effacer...
En finir avec cette part de soi qui a côtoyé et accepté comme des règles absolues la honte, la lâcheté, le racisme, l'homophobie... C'est pas qu'on est d'accord, tu vois. C'est pas ça. C'est que là-bas, bah t'es pas un homme si t'es pas comme tous les autres. Et tous les autres ils disent c'est degueulasse les pédés. Pis les arabes aussi. Dégueulasses.
En finir avec Eddy, c'est en finir avec ce gamin qui a toléré toutes les humiliations, comme lécher le crachat de ses bourreaux. Qui a menti, bien sûr qu'il aime les filles, jusqu'à en embrasser deux, jusqu'à en demander reconnaissance à sa famille, maman, papa, soyez fiers, je suis normal. Ah, lecteur sensible, s'abstenir. Combien de mots. Combien de situations. A vous déclencher de l'urticaire.
Tellement à dire.
La force de ce livre tient en grande partie, à mon avis, dans le contraste entre la narration et ce français approximatif, à la syntaxe bancale. Il romp le rythme, comme ça, brutalement, souvent au milieu d'une phrase.
Ce qui accentue inevitablement le propos. Souligne la violence des mots. C'est très intelligent.
Il a 21 ans, Édouard, quand son livre paraît.
21 ans.
Certains se sont choqués de cette lecture. Lui ont reproché son impudeur. Pour quelles raisons, ce n'est pas à moi d'en juger.
21 ans.
Et sur son courage ? Non ? Rien ?
Livre dur et sans fards écrit par un auteur très jeune à l'époque. Une grande maturité se dégage de ce récit.
Édouard Louis nous décrit la misère sociale de laquelle il arrive à se sauver par miracle. J'ai une grande admiration pour ce jeune homme qui se sentait si différent et c'est certainement cette différence qui l'aura sauvé.
Un livre dur mais terriblement réel sur la vie d'un jeune garçon gay.
Une merveilleuse surprise. Si Histoire de la violence m’avait ennuyé, En finir avec Eddy Bellegueule m’a hanté. Je l’ai lu si vite que j’en ai tiré une terrible frustration en le terminant. Je ne demande qu’à lire la suite de cette vie si terrible, si torturée, si cachée d’Eddy Bellegueule. Les longueurs des phrases sont maîtrisées, les sujets s’enchaînent parfaitement. Le contenu est une mine d’or, le style d’écriture est sublime. Il y a une réelle recherche d’expression qui apporte une narration nouvelle et une complexité stylistique intéressante. Entre fiction et réel, cette fausse autobiographie pose des réflexions sur l’écriture de soi et de l’intime. Comment se raconter tout en exposant les problématiques qui nous animent ? Comment se découvrir à soi-même et aux autres ?
Ce roman s’empare du lecteur et l’expose à ce qu’il ne veut pas voir : l’homophobie, la difficulté d’exprimer son identité, le mépris de classe, la pauvreté… Par les yeux d’un enfant qui grandit au fil de l’œuvre, le lecteur découvre un monde difficile, éprouvant et suffocant. Enfermé dans un récit poétique et cru, les personnages tentent de survivre, de s’apprendre et de maîtriser un futur qui leur échappe. Cette description cruelle d’un tableau tragique emporte le lecteur dans un tourbillon de mots, de paroles et de phrases incandescentes. C’est une surprise sans égale, une critique sublime, une histoire violente. Eddy Bellegueule touche et ne cesse de nous séduire par sa sensibilité, son innocence et son regard accru. Il mène le lecteur dans cette danse terrible, lui montre sa famille, ses lieux, ses paysages, ses ennemis, ses propres démons. Il le place tel un témoin incapable et interdit devant les affres de sa vie
Edouard Louis est un très grand écrivain et ce roman reste définitivement un chef-d’œuvre. En bref, je ne m’en suis toujours pas remise.
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