"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Le chemin est depuis si longtemps une image de l´écriture qu´elle s´efface souvent sous le prétexte qui l´a fait naître : mais lorsque des auteurs s´emparent littéralement de ce mot pour en faire une forme même de la narration ou de l´incantation, et c´est en retour tout ce qui fonde le chemin comme écriture qui renouvelle notre perception du geste même de nommer, de raconter ; ce mouvement d´appel au monde dans le geste qui voudrait s´en approprier la distance et ce qui la réduit : l´approche du réel.
Chez Gracq, Simon, Michaux, pour citer des désirs radicalement différents de se constituer en cette image, le chemin est convoqué dans sa force de propulsion, en-avant décisif qui emporte : au-devant le monde avalé par la route sous le pas. Sans doute y-a-t-il, dans cette image, le dépôt du vieux mot de vers - le versus, sillon sur lequel passer et repasser ; et en lui interroger ce mystère où le creuset vertical du sol se fait dans l´avancée horizontale du monde.
Chez le photographe Olivier Toussaint, dans les montagnes qu´il arpente, le chemin surgit en ligne de crête, se fraie comme des rides sous la main, sans logique véritable, sans direction sûre : seulement dans le tracé qu´on devine, c´est toute la possibilité d´un horizon ou du sens qui se déploie, difficilement, menacée par l´effacement de tout un paysage - âpreté du chemin seulement dessiné par les marcheurs, et parfois, dans l´abstraction de la photographie qui se pose sur un détail, c´est la pierre même qui se change en chemin, la nature sauvage qui oriente le regard.
Quand s´en saisit Daniel Bourrion, qui travaille sur son site Terres une langue elle-même élaborée en route (et sur son site, on peut d´ailleurs lire les textes comme ils ont été écrits, avec retours, corrections, lettre après lettre, à l´avancée qui la produit), c´est naturel que la photographie et le chemin sont appréhendés d´un seul mouvement, de quelques mots jetés comme la jambe sur la pente. L´articulation de l´écriture et de l´image se situerait bien dans cette tension : se frayer une voie entre deux espaces immenses de solitudes sur un chemin qui en serait à la fois le terme de séparation et ce qui les relie, à gauche et à droite : et au-devant de soi, toute une fin des choses qui s´élancent et qu´on ne cesse pas de ne jamais rejoindre.
Arnaud Maïsetti Olivier Toussaint est né en 1969 à Strasbourg. A l´issue des l´école des Gobelins (photographie), il travaille dans l´image publicitaire puis gère un gîte de montagne avant de partir explorer le monde en voilier durant une année pour réaliser le documentaire « Des milles et des sens ». Revenu sur la terre ferme, il se consacre à présent exclusivement à la photographie.
- le suivre sur son site.
Né en 1967 en Lorraine, Daniel Bourrion a publié en revues, en recueils, par actions et par omissions. Après les publications d´Une paupière à la fenêtre aux éditions de l´Estocade en 1998, Pose(s) Café, réalisé en collaboration avec Olivier Toussaint et Jean-Christophe Diedrich en 2000, Répons co-écrit avec le poète Saïd Dib pour les éditions de la Dragonne en 2003, ou encore Chemins du vagabond publié aux éditions de l´Arbre en 2004, il migre actuellement vers le tout-numérique et, entre autres, assure une permanence sur le Net par ses Terres... qu´il conçoit comme un atelier à ciel ouvert. Ses derniers textes longs (Incipit, 2008 et En ce soir, 2009) sont disponibles sur publie.net.
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