Découvrez le récit de Svetlana Alexievitch, Prix Nobel de Littérature 2015
Découvrez le récit de Svetlana Alexievitch, Prix Nobel de Littérature 2015
Dans ce livre, paru en 2005 et qu’elle a mis vingt-cinq ans à achever, Svetlana Alexievitch a recueilli la parole de dizaines d’enfants russes ayant été victimes de l’occupation allemande lors de la seconde guerre mondiale. Âgés de trois à douze ans, ils racontent la manière dont ils ont traversé la guerre. Séparés de leurs parents, orphelins, déportés ou au contraire devenus petits soldats de l’armée russe, tous disent la peur, la faim, la solitude, le chaos et l’incompréhension.
Pas de commentaires ou d’analyses de la part de l’auteure, simplement la litanie, des histoires qui défilent, qui se répondent les unes aux autres, qui se rejoignent, se heurtent.
Elle laisse la parole prendre sa place, s’amplifier et parfois s’interrompre dans un trop-plein d’émotions.
Elle accompagne leurs témoignages, tout au long de la guerre et jusqu’à son issue. Jusqu’au retour des pères partis au front, jusqu’aux retrouvailles avec les mères et les familles pour les plus chanceux. Jusqu’au deuil de leur enfance pour la plupart. Jusqu’à la difficulté de se reconstruire après les horreurs traversées.
Évidemment ce livre a une résonance particulière dans notre actualité. Il nous rappelle surtout que, peu importe où se trouve la vérité entre deux camps ennemis, quand une guerre éclate les enfants restent, partout dans le monde, des victimes innocentes.
Svetlana Alexievitch met d’ailleurs en épigraphe de son ouvrage cette citation de Dostoïevski « Comment pourrons-nous jamais justifier la paix, notre bonheur et même l’harmonie éternelle si, en leur nom, pour la solidité du fondement sur lequel ils reposeront, il aura fallu verser ne fût-ce qu’une larme d’enfant ? Cette seule larme ne saurait justifier aucun progrès, aucune révolution. Aucune guerre. Elle aura toujours plus de poids.»
Auteure majeure couronnée du Prix Nobel de littérature, Svetlana Alexievitch n’a pas son pareil pour faire émerger les souvenirs, donner la parole à des témoins clés, faire ressurgir la vérité. Une œuvre incomparable et indispensable.
La guerre n'a pas un visage de femme ?
Cela n'a pas empêché des femmes soviétiques, des gamines pour beaucoup, de s'enrôler dans l'armée pour combattre les nazis.
Infirmière, brancardière, résistante, soldate...Svetlana Alexievitch les écoute, des années après, raconter leur guerre.
Leur guerre en tant que combattante, mais aussi en tant que femme ou en tant que mère.
Pour beaucoup de ces femmes, combattre c'était défendre sa Patrie, Staline et ses proches. Une évidence et une nécessité. Peu importe les crimes commis par le régime soviétique.
La haine de l'envahisseur nazi domine. Puis vient le baptême du feu, celui qui vous transforme irrémédiablement, vous cheville l'horreur à l'âme. Qui parfois, révèle aussi un geste de compassion face à l'ennemi.
Les morts, les blessés et les blessures. La fatigue telle qu'on ne peut l'imaginer, le corps qui réussit à faire ce que jamais l'on n'aurait pu soupçonner de lui.
L'amour malgré tout, et l'espoir de vivre jusqu'à la victoire.
Et lorsque celle-ci vient la désillusion : les hommes sont célébrés, les femmes traitées de garces.
Et la guerre n'en finit jamais. Elle hante les nuits et bouleversent les vies des femmes qui ont voulu défendre un idéal et y ont perdu leur jeunesse.
Ce livre est comme tous ceux que j'ai pu lire de la Prix Nobel, absolument magnifique et poignant. En regroupant des témoignages, autant de facettes d'une réalité insaisissable, elle nous aide à comprendre, à entrapercevoir ce qu'a été cette guerre d'un point de vue si peu exploité.
Svetlana Alexievitch a pour spécialité de raconter un événement, non pas en le romançant, ni en en livrant un essai aride mais en regroupant des témoignages des personnes ayant assistées à la catastrophe de Tchernobyl, à la seconde guerre mondiale ou à la chute de l’U.R.S.S.
Ses livres sont très forts car en regroupant des témoignages variés, elle réussit à saisir les multiples facettes de la vérité.
Ici, rien de tel. Pas de multiples façons de voir les choses car « Derniers témoins » raconte le deuxième conflit mondial à hauteur d’enfants.
Tout est terrible, absolument poignant. Ces enfants privés d’enfance, orphelins, affamés, témoins du massacre d’inconnus, de voisins, de leurs famille.
Ces récits s’ancrent dans un temps et une zone géographique donnée mais ils sont universels. D’autres enfants pourraient aujourd’hui raconter les mêmes souffrances.
Des souffrances qui ne s’arrêtent pas à la fin du conflit mais qui se perpétuent des années après lorsqu’un orphelin continue d’espérer le retour de son père, lorsque les cauchemars sont toujours peuplés du massacre des proches.
Le titre de ce livre est aussi très fort car, en effet, que faire d’un événement lorsque tous ses témoins directs sont morts. Restent les écrits, la mémoire et les souvenirs pour ne pas oublier ce qui c’est passé.
La première chose qui m'est venue à l'esprit en commençant ma lecture : qu'est-ce que c'est dur de lire ça ! le nez qui pique et les yeux qui s'embuent… car là ce n'est pas un roman mais la réalité, la sinistre réalité d'un monde qui crée un monstre létal et en perd le contrôle, faisant ainsi d'innombrables victimes, des gens à qui on a volé leurs vies, certains qui avaient tout l'avenir devant eux.
Ce sont les nombreux témoignages de ces victimes que Svetlana Alexievitch nous donne à lire.
Des villageois, des conjoints, des soldats, des liquidateurs, des parents d'enfants souffrant de malformations liées aux radiations, des enfants, tous racontent leur douleur.
Cette catastrophe industrielle située en Biélorussie à projeté des substances gazeuses à grande altitude : "En moins d'une semaine, Tchernobyl devint un problème pour le monde entier…"
Partout les radiations, cette mort invisible. Pourtant j'ai l'impression que le reste du monde tend à penser que c'est juste une catastrophe qui n'a touché que la Russie.
J'ai toujours trouvé fascinante l'abnégation des liquidateurs. Ces hommes qui ont sacrifié leur vie pour protéger le reste de l'humanité, sachant qu'ils ne seraient pas là pour voir la suite. Oui, sauf qu'ils ne savaient pas grand-chose des risques encourus. C'est terrible ce qu'on leur fait.
Il y a des passages très durs, en tout cas pour moi, quand les soldats obéissent à l'ordre cruel d'exterminer tous les chats et tous les chiens restés dans les villages parce que leurs maîtres ont eu l'interdiction de les emmener. Ça aussi a été d'une barbarie sans nom.
Il y avait des gens qui vivaient à proximité de Tchernobyl, dans des maisons sommaires, dans une autre époque où le modernisme n'était pas arrivé, et c'était toute leur vie, leur quotidien, leurs rituels immuables, et on les a arrachés à ça.
Tous ces témoignages sont glaçants par l'incompréhension au départ de ce qui arrivait -"Comment croire une chose inconcevable? On a beau essayer de comprendre, on n'y parvient pas."-, mais aussi par le cynisme et le manque d'humanité des autorités qui ont été sans limites. Mais je me rappelle un jour avoir entendu Vladimir Fédorovski à la radio dire que L'URSS c'était la négation et le non-respect de la vie humaine.
C'est exactement ce qu'on lit dans ces lignes, le témoignage de ces morts en sursis à qui on dit qu'il n'est rien arrivé.
"L'état bénéficie d'une priorité absolue. Et la valeur de la vie humaine est réduite à zéro."
Le comble du cynisme, comme il est dit dans le livre, c'est que si à l'époque L'URSS n'avait pas commencé à s'ouvrir à l'occident, nous n'aurions pas su ce qui s'était réellement passé.
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