Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
Maria a 6 ans quand elle est laissée par sa mère aux bons soins de Tzia Bonaria, "l'Accabadora". Elle devient ainsi sa fill'e anima. Tzia, lui offrira le confort, une éducation et de l'affection. Mais ce que Maria ne sait pas c'est que sa deuxième mère, cache un lourd secret...
On ne peut pas vraiment dire que j'ai succombé au charme de l'histoire que j'ai trouvée très décousue. J'aurais sans doute préféré qu'elle soit plus étoffée, notamment sur les liens qu'entretiennent Tzia et Maria. A mon sens c'était vraiment cela qui importait et qui aurait donné plus de poids lorsque la jeune femme découvre le secret de celle qu'elle considère comme sa 2nde mère. Le passage à Turin m'a paru presque hors contexte et inutile même si avec le recul je me dis qu'il était nécessaire, mais encore une fois, celui-ci aurait pu être beaucoup plus développé.
J'ai cependant adoré découvrir la Sardaigne au fil des pages. L'auteure nous embarque complètement, on a vraiment l'impression d'être au cœur de cette communauté, de partager avec tous les habitants leurs croyances et leurs traditions. C'était une découverte totale pour moi car je n'avais jamais lu (en tout cas pas dans mon souvenir) de livre dont l'action se déroulait sur cette île et à cette époque.
Ce fut donc une lecture en demi-teinte pour moi.
Michela Murgia a la terre de ses origines dans le sang. Ses premiers romans nous plongent à la fois dans l’enfance et dans l’univers sarde.
Si nous sommes ici à Cagliari et que l’atmosphère sarde est bien présente, le récit de cette relation entre une actrice proche de la quarantaine et un jeune violoniste de dix-huit ans pourrait être universelle.
Eleonora est une femme entière n’ayant besoin de personne ( ou presque) parce que son enfance avec un père caustique et violent ( on le suppose même si la narratrice ne laisse passer que des allusions) lui a appris que « seuls grandissent ceux qui ne sont pas rêvés. »
C’est pour compenser le regard blessant de son père qu’elle a eu la volonté de faire de la comédie, de s’engager au théâtre, de passer une audition avec un célèbre metteur en scène épaulée par Fabrizio qui devient son mentor et son amant.
» La seule chose qui importe à ce genre d’homme, c’est que ta compréhension des choses n’excède pas la sienne. »
Adulte, elle souhaite aussi aider des élèves à devenir ambitieux. Lorsqu’elle rencontre Chirú, elle se reconnaît en lui.
« Malgré son très jeune âge ( moins de dix-huit ans peut-être), son regard trahissait une blessure, comme s’il observait le monde d’un point de vue déjà faussé. »
Elle lui apprend les femmes en parlant de Cosi fan tutte, l’emmène chez un tailleur pour comprendre l’importance des tissus et des gens par leur costume, l’introduit dans le monde du spectacle lors d’une soirée chez un producteur, « en ces lieux, haïr quelqu’un était aussi normal qu’il était inconvenant de le montrer. »
« Si je ne parvenais pas à débusquer chez lui la passion, la générosité et la vision du vrai talent, je le doterais au moins des outils nécessaires pour saisir la différence entre la possession d’un don et la capacité beaucoup plus utile de saisir les opportunités. »
L’accompagnement d’un élève évolue inévitablement vers des sentiments d’admiration, des confidences, voire de l’attirance physique. Eleonora le sait pour avoir vécu précédemment une expérience difficile avec un autre élève. Dans son rôle de mentor, elle est à la fois la mère, le professeur et la maîtresse pour ces jeunes élèves. Elle en est consciente et tente de s’en prémunir, redoutant pourtant le moment où elle devra cesser son accompagnement.
» J’aurais aimé le protéger contre ces blessures que nous traitons de « sentiments familiaux » et l’empêcher de répéter les mêmes erreurs que moi, mais certaines vérités ne s’héritent que de soi-même. »
Sans être d’accord sur toutes les leçons, quel régal de suivre ces rapports humains entre les personnages. Michela Murgia effleure les sentiments, laissant le lecteur comprendre les doutes, les attirances, les ambiguïtés.
Et il y a bien sûr cette âme sarde qui s’exprime encore davantage face aux comportements des suédois lorsque Eleonora se rend à Stockholm pour une tournée théâtrale.
En Suède, « l’âme dérangeante de l’art était un prix trop élevé à payer pour une harmonie sociale aussi efficace. »
Alors qu’en Suède, « sortir de la moyenne n’est pas vu d’un bon œil« , l’Italie a le culte de l’exception individuelle.
Chirù, avec son sourire « entre l’effronterie et la timidité » devient pour celle qu’il juge « malheureuse avec classe » un « arestixeddu » (jeune fauve en sarde). Et l’on ne sait plus lequel des deux aide l’autre.
Ce roman est une lumineuse confrontation, un récit où les rapports humains sont décortiqués, dévoilant passion et ambiguïté. Un roman intelligent qui insiste sur l’analyse des comportements,un récit que je rapprocherais du roman de Ian McEwan, L’intérêt de l’enfant. Un roman comme je les aime.
Les leçons pour un jeune fauve invite le lecteur en dix sept leçons à un voyage dans l'univers de la musique, et de la transmission des savoirs, des émotions et des sentiments. La puissance des relations est retranscrite par l'énergie de l'écriture de michela Murgia qui nous embarque dans un torrent de mots sans laisser un souffle.
Tout tourne autour d'Eleonora, 38 ans, artiste indépendante et son jeune élève Chiru. Et cette relation de maître à élève va virer à une liaison dangereuse dense, et constructive. Une description juste, riche et prenante qui marque cette lecture d'une empreinte particulière : un goût amer par le mélange des manipulations et des sentiments.
Fill'e anima...Tel est le lien de parenté qui unit Maria Listru à Bonaria Urrai. En Sardaigne, la fill'e anima est une fille née des entrailles d'une première mère trop pauvre pour subvenir à ses besoins et de l'âme d'une seconde qui n'a pas eu la chance d'enfanter. La tzia Bonaria, veuve de guerre avant même d'avoir été mariée, issue d'une riche famille du village, est déjà une vieille dame quand elle accueille Maria, la dernière-née des Listru, une gamine de 6 ans dont le père est mort depuis longtemps. C'est sans regret que la fillette quitte sa famille pour une nouvelle vie qui lui apporte l'aisance matérielle, l'éducation et la complicité avec la tzia.
Pourtant, la vieille dame lui cache des choses, notamment ses sorties nocturnes qui restent taboues malgré les questions de la petite.
Plus tard, Maria saura, par Andri son meilleur ami que Bonaria Urrai est l'Accabadora du village, celle qui aide les âmes à quitter ce monde.
Avec Accabadora, Michela Murgia nous plonge dans la Sardaigne des vieilles légendes, des rites ancestraux, des villages reculés.
La très belle tradition des fillus de anima est ici racontée dans toute sa simplicité, simple échange de bons procédé entre deux femmes pour le bien d'une enfant qui a tout à y gagner. Contestée à demi-mots par l'institutrice du village, une ''étrangère'' du continent, cette coutume permet à la petite Maria, de trouver un nouveau foyer, sans pour autant être coupée de sa famille d'origine. Les liens qui se tissent entre elle et sa seconde mère n'ont que faire de la généalogie ou du sang, un rapport de confiance et de bonne entente, un amour trop pudique pour être dit avec des mots. Le point de discorde viendra d'une autre tradition ancestrale, celle de l'Accabadora, une ombre noire qui se glisse nuitamment dans les maisons du village pour recueillir le dernier souffle des mourants. Crainte et respectée, l'accabadora est la ''dernière mère'', celle qui aide à mourir. Maria, jeune et fougueuse, ne peut accepter cette pratique qui lui fait horreur et fuit le village et la tzia sans se retourner. Pourtant, sans le savoir, elle a été initiée au don de la mort et, le moment venu, pourrait bien recourir à ce qu'elle a rejeté...
Un très beau roman qui parle d'adoption et de transmission avec poésie et retenue. Michela Murgia partage un peu de sa belle Sardaigne, secrète et méconnue avec un lecteur emporté par la chaleur et les mystères sardes. Fort et sensible.
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