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Salon de beauté est initialement paru chez Stock en 2000 et a été finaliste du Prix Médicis étranger, Christophe Lucquin le présente dans une version révisée par l'auteur et dans une nouvelle traduction faite par les soins de l'éditeur. C'est un beau travail, un beau texte, littérairement irréprochable -tant le texte originel j'imagine car je ne parle pas espagnol que la traduction, mais il me semble impossible de faire d'un mauvais texte une traduction excellente littérairement parlant-, court (75 pages) et intense. Ce qui est curieux c'est que l'on sort de ce texte avec l'idée qu'il était plus long, Mario Bellatin aborde pas mal de points, comme la création du salon de beauté, sa décoration avec de grands aquariums et les débuts et la progression du narrateur dans l'art d'élever des poissons (ces passages me rappellent une nouvelle tirée du recueil Les furies de Boras, d'Anders Fager, publié chez Mirobole, qui s'intitule Trois semaines de bonheur) et bien sûr l'arrivée des malades, les soins qu'il leur apporte, la malveillance et la peur des voisins, le désir de "récupération" de son activité par les institutions religieuses (à propos de ce dernier point, une phrase a résonné en moi immédiatement, la troisième de l'extrait suivant : "Pas comme les soeurs de la Charité qui dès qu'elles ont appris notre existence ont voulu nous aider dans nos tâches et prier pour nous. Ici personne n'accomplit aucun sacerdoce. Le travail qu'on y fait obéit à un sens plus humain, plus pratique et réel." (p. 60/61) J'aime beaucoup et adhère à cette dernière phrase qui place l'humain au-dessus de la religion et précise que les valeurs religieuses sont d'abord et avant tout des valeurs humaines que les églises ont voulu préempter.
La maladie n'est jamais nommée, on peut raisonnablement penser qu'il s'agit du sida qui fait toujours des ravages, dès lors, on se doute que le texte ne sera pas léger au contraire de ce que pourrait laisser penser le titre du livre qui, effectivement évoque une certaine superficialité, un certain culte du corps et de la beauté, alors que le narrateur et le lecteur se confrontent directement à la mort et au dépérissement des corps, la réalité la plus tangible qui soit !
Rien n'est en trop dans ce roman, les passages sur les aquariums et les poissons qu'on pourrait juger plus légers parlent également de la mort, des corps sans vie dont il faut bien se débarrasser, le parallèle est saisissant. On peut parfois reprocher à des textes courts de l'être un peu trop, mais ce n'est pas le cas ici, car Mario Bellatin va à l'essentiel, et comme je le disais plus haut on a l'impression d'avoir lu un roman plus gros ; de fait, la densité d'un roman n'est pas forcément directement liée au nombre de pages. J'aurais pu citer moult extraits, mais je me suis vite aperçu que j'aurais voulu citer le texte dans son intégralité, je vais donc plus modestement, vous laisser avec les premières phrases qui sont aussi reproduites en quatrième de couverture :
"Il y a quelques années, mon intérêt pour les aquariums me conduisit à décorer mon salon de beauté avec des poissons de différentes couleurs. Maintenant que le salon est converti en un mouroir où vont terminer leurs jours ceux qui n'ont aucun autre endroit pour le faire, il m'est très difficile de constater que les poissons ont peu à peu disparu." (p.7)
Que le thème général ne vous refroidisse pas, ce roman est d'une beauté rare.
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