"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Mia, 15 ans, était une adolescente vive, bonne élève, qui faisait du sport (danse, course) jusqu'à ce que sa professeur de danse lui conseille de perdre 3 kilos. Cette adulte agrandit sans le savoir, la faille de celle qui n'est pas vraiment bien dans son corps, qui se trouve trop grosse, dont les gros seins attirent le regard concupiscent des garçons et des hommes et font d'elle un objet, ce qu'elle refuse. Après avoir perdu assez facilement les 3 kilos, c'est l'engrenage qui la conduit à l'anorexie-boulimie dont elle ne se sortira qu'avec très grande difficulté une vingtaine d'années plus tard.
Ce roman est une sorte de témoignage sans concession car Ludivine Grétéré est elle-même passée par l'enfer qu'elle décrit, ce qui donne lui donne toute sa force, sa puissance. Elle décortique le processus qui conduit à vouloir être dans le contrôle permanent, la distorsion de la réalité, à se voir toujours grosse alors que l'on n'a plus que la peau sur les os, que l'on perd ses cheveux, que les règles disparaissent, que l'on a froid en permanence même en pleine canicule, que les dents perdent leur émail....Elle ne nous épargne rien de la lutte que Mia mène contre elle-même, contre sa maladie qu'elle surnomme "le monstre" qui lui parle dans sa tête; elle ne cache rien non plus, de la déchéance au point de vivre dans son vomi, dans la bouffe qui jonche le sol, des moyens utilisés pour se faire vomir (café froid salé, manche de cuillère au fond de la gorge, liquide vaisselle, détergent....). Elle se sent aspirée par le vide, se coupe de sa famille et de ses amis, se scarifie pour ressentir quelque chose, se sentir vivre.
L'auteure montre également, sans le condamner, que l'entourage ne se rend pas vraiment compte de la puissance du processus d'auto-destruction et se retrouve démuni, impuissant ou à côté de la plaque comme le père de Mia qui lui remplit l'assiette à ras-bord de raviolis et lui ordonne de manger en lui hurlant dessus. Il faut dire que Mia utilise tous les subterfuges à sa portée pour cacher son drame.
C'est un roman coup de poing qui a le mérite de montrer que l'anorexie-boulimie est une maladie et non un caprice de jeune fille qui veut ressembler aux mannequins des magazines, qu'il y a un terreau favorable lié à un manque de confiance en soi ainsi qu'un élément déclencheur. Il nous explique également que la guérison, qui ne semble pas définitivement acquise, est un très long processus parsemé de rechutes, de doutes, de souffrance, de désespoir.
#Imparfaite #NetGalleyFrance
L'anorexie est une maladie cruelle à plus d'un titre : parce qu'elle est un puissant "outil" de destruction de soi mais aussi de ses relations aux autres qui semblent se déliter en même temps que le corps s'émacie.
Définir l'anorexie est d'une complexité inouïe lorsqu'on n'y a pas soi-même été confronté.
C'est sans doute pour cette raison, que l'autrice Ludivine Grétéré décortique le parcours de son personnage Mia avec tant d'acuité. C'est évidemment un roman très personnel puisqu'elle a souffert d'anorexie-boulimie.
Le premier déclencheur de l'anorexie, ce sont les normes sociétales et ce regard tranchant sur nos corps. "L'imperfection" dans les yeux des autres qui définit de nouvelles normes physiques et mentales impossibles à atteindre mais surtout néfastes.
La parole de trop qui réprimande la gourmandise, les moqueries sur le poids, le harcèlement quotidien à l'école et sur les réseaux ou les mots d'un professeur de danse qui trouve que son élève doit perdre quelques kilos pour le gala (le monde de la danse est truffé de pièges pour les jeunes filles en fleurs : le corps est l'outil artistique que l'on affûte parfois avec une rigueur extrême…).
L'anorexie est un piège dont il est difficile de s'extraire, et ce n'est pas une question de volonté !
Mia est piégée dans son propre corps, piégée dans un monologue ininterrompu, une voix qui est celle du jugement, de la critique assassine, une voix qui dicte et amenuise la volonté en même temps qu'elle fragilise le corps.
Mia pourrait être quelqu'un de votre entourage : cette collègue de travail, cette mère, cette fille, cette inconnue…
Il est si facile de trouver des subterfuges pour cacher aux autres qu'on est en souffrance.
Mia donne d'abord le change puis, petit à petit, fait le vide autour d'elle pour échapper à d'autres voix, d'autres jugements : une cacophonie qui abîme plus qu'elle ne sauve en vérité…
Comment sortir de cette prison mentale ?
Ce que l'on peut faire en tant que témoin de cette détresse : apprendre à regarder autrement sans ciller devant ce qui nous blesse, mettre des mots sur ce que l'on devine, rester ce bras tendu même quand le déni est total et que la personne le refuse avec dureté, ne jamais cesser d'écouter, proposer sans juger, peut-être aussi partager une lecture.
Ça pourrait être ce livre de Ludivine Grétéré.
D'une brutalité féroce, il ne cache rien mais offre néanmoins une forme d'espoir…
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