"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Je ne connaissais pas cet écrivain et je trouve sa manière d'écrire un peu déroutante. Comment expliquer cette impression : c'est un peu comme si une personne vous lisait une histoire avec une voix monocorde voire atone. Cela ne donne pas du tout envie de lire, il y a trop de détachement entre l'écrivain et ses protagonistes. Seuls les 2 ou 3 derniers chapitres changent de rythme et redonne vie à ce livre. Il est dommage également qu'une partie de l'histoire (concernant Love Child) ne soit pas plus aboutie. Pourquoi ne pas expliquer au lecteur comment cela se termine. Bref, cette lecture laisse le lecteur en attente de quelque chose de plus abouti.
Le récit commence comme une romance, se poursuit comme un thriller tout en étant pas tout à fait l'un, ni tout à fait l'autre. Durant le lecture de l'ouvrage, je me suis à plusieurs reprises perdue entre sa vie réelle et sa vie virtuelle. On vogue entre l'univers rétro d'AnoZerLife et sa vie au bureau. On ne sait pas très bien où l'on se situe. Mais, c'est aussi ce qui fait toute la force de ce récit. On se laisse emporter par l'intrigue, par ce que vit notre homme sans jamais se douter de ce qui se cache derrière. C'est un personnage plutôt banal mais on aime le suivre s'aventurer sur des terrains qui lui sont encore inconnus. Écran total est un récit intriguant et totalement inattendu puisqu'on est étrangement surpris par le dénouement.....
Avis complet : http://sariahlit.blogspot.fr/2015/01/ecran-total.html
Mauvais garçon est une réflexion sur les valeurs de la société : la dimension sociale qui veut que chacun soit jugé sur son statut plutôt que sur sa valeur. Mais aussi, une dimension plus politique qui aborde les défaillances de la société et le rôle que le gouvernement y joue en excluant certaines populations. Thomas est une jeune homme intelligent. Mais dont le statut social lui colle à la peau comme un mauvais karma. La désillusion qui suit son stage l'emmène dans un bad-trip où il se perd totalement. Où ses rêves d'avenir s'écroulent et où son bagage identitaire reprend le dessus. Si le jour, Thomas est un jeune homme bien sous tout rapport, la nuit il deale. Sa rencontre avec Archambault, son ancien professeur, va le changer progressivement jusqu'à donner à Thomas un caractère plus contestataire, plus noir. Il refuse ce qui lui arrive. Il devient aigri, raciste. Et il s'enlise dans les problèmes, dans un monde qui n'est pas le sien, se coupant totalement de ce qui le caractérisait.
Je ne m'attendais pas à un récit tel que celui-ci. Dur. Prenant, Intriguant. Certaines choses sont choquantes mais en même temps, on ne peut se détacher de sa lecture sans avoir ce qui va advenir de Thomas. Il y a beaucoup de chose qui font écho à notre société actuelle et qui font de ce récit quelque chose de percutant, de réaliste : les dérives sociales ou d'internet.
Avis complet : http://sariahlit.blogspot.fr/2014/12/mauvais-garcon.html
Une petite précision liminaire s'impose pour les ignares comme moi qui ne savent pas ce qu'est le Darknet. C'est un réseau à part de l'Internet, dans lequel on entre par cooptation, sur invitation. Les adresses IP sont codées, les noms sont des pseudonymes et il n'est pas aisé de remonter aux sources. C'est un réseau qui accueille le pire et le meilleur : des sites hébergeant des activités illégales (pédophilie, vente d'armes, de drogues, ...) mais aussi des sites dissidents notamment dans les pays dans lesquels le droit d'expression n'est pas respecté (Reporter Sans Frontière forme les journalistes à ne pas laisser de trace sur le Darknet). Dans ses remerciements Laurent Bettoni précise qu'avant une discussion anodine avec son fils, il n'en connaissait rien non plus.
Après son Artus Bayard et les maîtres du temps, Laurent Bettoni part dans une direction plus noire, franchement sombre. Ce Mauvais garçon est une descente dans les arcanes du Web et une descente absolument pas programmée pour Thomas pourtant, sur le papier promis à un bel avenir. Toutes les idées que l'on peut avoir sur les gens des cités y sont, ce qu'on pourrait penser être des clichés surtout lorsqu'on n'y vit pas ou n'y a jamais vécu, mais L. Bettoni amène ça assez subtilement. La drogue, le deal, les filles chahutées (c'est un euphémisme), le racisme, le chômage, les difficultés de sortir de ce milieu à cause de l'ostracisme régulier dont souffrent les habitants, la peur des parents que leurs enfants tournent mal, la peur des enfants lorsqu'ils aspirent à autre chose que la zone, la honte qu'ils peuvent avoir de leurs parents au chômage ou qui vivent d'allocations diverses, ... Thomas souffre de tout cela et entrevoit un rayon d'espoir lorsque son ex-prof fait appel à lui. Il prendra conscience du pouvoir des mots et des idées, de la force d'icelles lorsqu'elles sont bien présentées. Moi-même au début, je me suis fait prendre, je me disais que le Darknet pouvait véhiculer des pistes de réflexion intéressantes, et puis, très vite, j'ai déchanté, mais je vous laisse découvrir tout cela.
Laurent Bettoni plonge son Candide dans un panier de crabes, celui de la politique et des accointances que certains partis et hommes politiques entretiennent avec des sociétés ou des hommes pas très recommandables, mais ils ont de l'argent. Je ne veux pas dire ici ce que l'on peut entendre au café du commerce, le fameux "tous pourris", je veux croire que beaucoup d'élus sont honnêtes et œuvrent -ou tentent d'œuvrer- pour le bien de tous, néanmoins certains d'entre eux et pas des moindres traînent des batteries de casseroles, ceux sans doute à qui le livre est adressé : "Aux politiciens de tous bords qui confondent tactique politicienne et conscience politique, de manière à ne servir que leur intérêt personnel et jamais celui du peuple." (p.7) Les propos tenus dans le forum Ideo font froid dans le dos, mais dans la vraie vie (In Real Life = IRL, comme je devrais dire parlant de l'Internet), la parole se libère et de plus en plus, dans les médias, dans les conversations, de tels mots sont entendus, le racisme quotidien, la peur et la haine de l'autre, le repli sur soi et sous son drapeau. Sous couvert d'un relatif anonymat l'Internet est le réceptacle de propos parfois franchement dégueulasses. On insulte, on dénigre... Beurk !
Le roman de Laurent Bettoni est noir, direct ; une fois entamé, on ne peut le refermer que fini. Une excellente idée que de mêler la vraie vie à une vie plus souterraine, celle du Darknet. On pourrait se consoler en se disant que c'est de l'anticipation ou de la fiction, mais je crains que cette histoire ne recèle quelques grosses parts de vérités et que les claques politiques ne se multiplient.
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