"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« le monde déborde de rêves qui jamais n'adviennent, ils s'évaporent et vont se poser telles des gouttes de rosée sur la voûte céleste et la nuit les change en étoiles. »
C’est toujours avec autant de poésie que Jón Kalman Stefánsson écrit cette saga villageoise. Quelques fragments de vie comme autant de nouvelles dans lesquelles les personnages vont et viennent de façon anachronique, se retrouvent au bal du village où les femmes font tourner la tête des hommes, rêvent et aiment, vivent tout simplement.
Toutes ces nouvelles sont reliées par un narrateur inconnu et omniscient, un narrateur à la deuxième personne du pluriel. Ce « nous » qui peut être n’importe laquelle des quatre cents âmes de ce petit village perdu à l’Ouest de l’Islande, où règnent l’ennui et la solitude, une vie rude mais simple, dans cette nature indomptée.
Il fallait oser, écrire un livre sur ce si petit village où peu de choses se passent, mais avec son talent de conteur Jón Kalman Stefánsson nous donne la sensation que l’Islande, « ce grain de terre posé sous un ciel infini et béant » est le centre du monde. Car en égrenant tout au long de son récit des pensées sur la vie, sur notre monde fragile, sur la mort et le destin, il nous parle à tous.
J’ai trouvé que dans ce livre Jón Kalman Stefánsson est particulièrement philosophe, lui qui sait si bien comprendre les âmes, les observer avec tendresse et humour, et encore plus ici avec une forte dose de désir. Dès les premières lignes il nous emmène sur les fjords et les terres désolées, au coeur des secrets et trahisons, des petits et grands bonheurs, avec cette comédie dramatique et pittoresque dans lequel le hasard aura le dernier mot… tout comme les fantômes !
Encore une lecture qui ne fait que confirmer mon amour pour les livres de Jón Kalman Stefánsson, que je place au sommet de mes auteurs préférés, et comme toujours sublimé par la traduction d’Eric Boury.
L’existence est trop courte pour la tristesse
Août 2022, un parc, du soleil et Paul McCartney, les souvenirs affluent.
Dans ce parc l’auteur attend un ami de plus de trente ans, lorsqu’il aperçoit son idole, au téléphone, prenant le soleil comme lui.
L’ami attendu avait disparu de longues années et était de retour depuis neuf mois, il a l’apparence d’un clodo, poète qui a sombré…
« La tristesse est une braise dans mon cœur. C’est en toi que demeure ce qui commande la vie. »
Le narrateur, orphelin de mère à six ans, a entendu sa tante dire à son père que la bibe réconforte.
Lui-même assiste à l’école du dimanche dirigée par Ágúst et sa femme Liney. Les paroles prononcées lors de cette école ont une résonnance particulière, la narration qui en est faite montre que c’est comme une chappe qui tombe sur la tête de ces enfants. Alors lui s’échappe en pensées et ses réflexions sont hilarantes car l’interprétation des textes religieux sont à la hauteur de son âge.
Le fil conducteur de ce récit est l’annonce par le père de la mort de la mère à bord de la Trabant. Annonce très visuelle, à chaque fois le lecteur a l’impression d’être sur un des sièges de ce véhicule.
De sa mère il garde précieusement le souvenir qu’elle lui a fait découvrir les Beatles. Groupe dont la séparation coïncide avec la disparition de celle-ci.
Alors, vous dire combien les questions que se posent le petit garçon, Dieu n’y répond pas. Le père taiseux non plus.
Mais si jeune et terriblement curieux il va nourrir son imaginaire de mots, la lecture de la bible est ardue.
Il se lie d’amitié avec un couple âgé qui sont heureux de l’accueillir et de partager leurs souvenirs.
L’été venu, il part dans les fjords de l’Ouest, mais il n’apprécie que le cimetière, les défunts l’écoutent et parfois lui apportent des réponses.
« Sans doute le mot été est-il un terme ancien pour désigner l’éternité, il y a de grandes chances, parce que lorsque nous arrivons en juin, la lumière ne se contente pas d’effacer le ciel, elle inonde aussi tous les autres mondes, c’est pourquoi il est plus facile aux morts de quitter leurs cimetières. »
Dans ce livre intime nous y trouvons les particularités de l’auteur, une écriture poétique et musicale, la beauté sauvage de l’Islande, l’absence, les ténèbres et un incroyable qui semble attendre d’être découvert.
Sa soif inextinguible des mots va prendre le pas sur tout le reste et lui permettre de naviguer entre la vie et la mort, avec nostalgie, dérision, poésie et amour.
C’est ainsi que l’enfant a pressenti et l’adulte a réalisé que :
« Tout ce que je devais faire, c’était fabriquer le véhicule capable de se déplacer à la vitesse décuplée de l’imagination —les mots étant à la fois la matière et l’outil. »
Un livre éblouissant, une sonorité particulière qui éclaire tous les livres précédents. Une empreinte indélébile, ce qui est tout ce que j’aime en littérature.
©Chantal Lafon
https://jai2motsavousdire.wordpress.com/2024/08/04/mon-sous-marin-jaune/
Un roman autobiographique hétérogène où l'on partage des moment de joie, de tristesse, rien n'est organisé, dans ce roman au multiple découpage.
Mon sous-marin jaune de Jon Kalman Stefanson est une oeuvre poétique qui nous embarque en profondeur dans les digressions personnel et traumatique avec beaucoup d'émotions.
Les Beatles, Yellow Submarine, la famille, le deuil, le chagrin, la solitude, l'absurde, la religion, les croyances, la musique et la réalité.
"La nostalgie des jours engloutis, des amis perdus, de la clarté dissoute peut nous atteindre à une telle profondeur qu’elle nous met à genoux, elle est capable de paralyser les dieux, elle ferait sombrer le Démon dans la mélancolie."
Quelle expérience littéraire et quelle épopée romanesque !
La construction et le procédé narratif sont parfois déroutants mais ce livre m'a transportée.
En suivant de nombreux protagonistes (pas toujours faciles de mémoriser tous ces patronymes islandais !!) sur plusieurs générations, on suit le narrateur dans ses réflexions sur l'amour, le couple, les choix, la mort..
C'est dense, fourmillant, musical, poétique et passionnant ! Et ces paysages et contrées dépaysants !
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