"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Un homme se retrouve dans une église, quelque part dans les fjords de l'ouest, sans savoir comment il est arrivé là, ni pourquoi. C'est comme s'il avait perdu tous ses repères. Quand il découvre l'inscription « Ton absence n'est que ténèbres » sur une tombe du cimetière du village, une femme se présentant comme la fille de la défunte lui propose de l'amener chez sa soeur qui tient le seul hôtel des environs. L'homme se rend alors compte qu'il n'est pas simplement perdu, mais amnésique : tout le monde semble le connaître, mais lui n'a aucune souvenir ni de Soley, la propriétaire de l'hôtel, ni de sa soeur Runa, ou encore d'Aldis, leur mère tant regrettée. Petit à petit, se déploient alors différents récits, comme pour lui rendre la mémoire perdue, en le plongeant dans la grande histoire de cette famille, du milieu du 19ème siècle jusqu'en 2020. Aldis, une fille de la ville revenue dans les fjords pour y avoir croisé le regard bleu d'Haraldur ; Pétur, un pasteur marié, écrivant des lettres au poète Hölderlin et amoureux d'une inconnue ; Asi, dont la vie est régie par un appétit sexuel indomptable ; Svana, qui doit abandonner son fils si elle veut sauver son mariage ; Jon, un père de famille aimant mais incapable de résister à l'alcool ; Pall et Elias qui n'ont pas le courage de vivre leur histoire d'amour au grand jour ; Eirikur, un musicien que même sa réussite ne sauve pas de la tristesse - voici quelques-uns des personnages qui traversent cette saga familiale hors normes. Les actes manqués, les fragilités et les renoncements dominent la vie de ces femmes et hommes autant que la quête du bonheur. Tous se retrouvent confrontés à la question de savoir comment aimer, et tous doivent faire des choix difficiles.
Ton absence n'est que ténèbres frappe par son ampleur, sa construction et son audace : le nombre de personnages, les époques enjambées, la puissance des sentiments, la violence des destins - tout semble superlatif dans ce nouveau roman de Jón Kalman Stefánsson. Les récits s'enchâssent les uns dans les autres, se perdent, se croisent ou se répondent, puis finissent par former une mosaïque romanesque extraordinaire, comme si l'auteur islandais avait voulu reconstituer la mémoire perdue non pas d'un personnage mais de l'humanité tout entière. Le résultat est d'une intensité incandescente.
Quelle expérience littéraire et quelle épopée romanesque !
La construction et le procédé narratif sont parfois déroutants mais ce livre m'a transportée.
En suivant de nombreux protagonistes (pas toujours faciles de mémoriser tous ces patronymes islandais !!) sur plusieurs générations, on suit le narrateur dans ses réflexions sur l'amour, le couple, les choix, la mort..
C'est dense, fourmillant, musical, poétique et passionnant ! Et ces paysages et contrées dépaysants !
Ton absence n'est que ténèbres - Jon Kalman Stefansson
Début de la 4e de couverture.
Egaré dans les fjords loin de Reykjavik, un homme a perdu la mémoire. Dans le village où il s’est arrêté, tous semblent pourtant le connaître. Petit à petit, les récits qui lui sont faits le plongent dans la grande histoire d’une famille. Du XIXe siècle à aujourd’hui, chaque destin est comme une tentative d’échapper à l’immuabilité de la vie islandaise…
Egaré je l’ai été à travers des différentes histoires en une. Le temps, l’absence, l’amour, la religion, le bonheur, le malheur restent ce que l’auteur affectionne.
Néanmoins, je conseillerai sa trilogie à ce livre. Il reprend d’ailleurs les mêmes thèmes. L’écriture poétique, toujours aussi belle, nous perd dans le dédale d’une invisibilité d’une histoire qui nous questionne sur la vie. La forme y est sans doute pour quelque chose ! Ou alors l’essentiel est invisible pour les yeux, si vous voyez ce que je veux dire, et il convient de le lire avec le cœur. Ce qui est sûr, c’est que l’auteur porte à notre connaissance que le malheur, sa ligne de conduite, est ce qui fait écrire, car le bonheur on le vit ! Le souvenir de la nostalgie alimente un feu qui nous consume avant que nous disparitions.
Etrange situation que celle de se réveiller un jour, frappé d'amnésie, dans une église, ignorer où elle se situe, pourquoi on s'y trouve, y rencontrer des personnes qui vous reconnaissent et vous proposent de vous emmener chez un membre de votre famille puis tenter de comprendre , lentement, en silence , en écoutant les autres parler, qui vous êtes et quel a été votre passé . Vous voilà devenu un voyageur sans bagage …..
C'est ce qui arrive au narrateur de TON ABSENCE N'EST QUE TENEBRES, long, riche et dense roman de Stefansson, son 8e roman traduit en français. Un roman magnifique de 600 pages qui se mérite !
Son titre, emprunté à une phrase gravée sur la tombe du cimetière entourant l'église où se « réveille » le narrateur est la métaphore de l'état dans lequel il est plongé. Des flashes successifs portant sur différentes générations de sa famille traduisent le fonctionnement de ses souvenirs épars . S'il lui est est difficile de leur trouver un fil directeur et de les relier entre eux, c'est aussi le cas pour le lecteur, désorienté parmi la multiplicité des personnages et des lieux .
J'avoue que si j'ai persévéré dans la lecture, c'est que j'ai déjà rencontré dans plusieurs romans de Stefansson, notamment dans A LA MESURE DE L'UNIVERS et dans ASTÄ, cette construction en forme de labyrinthe narratif qui déjoue l'espace et le temps, mais qui permet de découvrir toute une gamme de personnages troublants et attachants porteurs de faiblesses et de failles.
C'est aussi parce que Stefansson, selon son habitude, mêlant narration et réflexion, intègre régulièrement dans son tissu narratif des phrases portant sur l'écriture, la création artistique ou le sens de la vie, des phrases construites comme des aphorismes et qui confèrent à son style, déjà riche en métaphores, un caractère majestueux .
C'est enfin parce qu'il ponctue son roman, comme il l'avait déjà fait dans D'AILLEURS LES POISSONS N'ONT PAS DE PIEDS et dans ASTÄ, de références à des œuvres musicales . Après celles de BACH et les chansons de NINA SIMONE, il élargit ici son registre sur la musique anglo-saxonne de la seconde moitié du 20é siècle. Leurs titres sont récapitulés en une longue play-list de 4 pages en fin d'ouvrage. La meilleure façon de goûter leur pertinence est de les écouter, au fur et à mesure de la découverte des chapitres qu'elles sont destinées à accompagner, car elles amplifient ou prolongent leur atmosphère .
Echo amplifié des ouvrages précédents de Stefansson, TON ABSENCE N'EST QUE TENEBRES est un roman magistral, tant par son écriture à dimension poétique ( merci au traducteur Eric Boury !) que par sa dimension de saga familiale et par l'analyse des aventures intérieures des personnages qui la peuplent .
C'est un roman étrange, à la narration atypique, ce qui n'est pas surprenant pour les amateurs de l'auteur.
Un homme se réveille dans une église au bord d'un fjord perdu en Islande, « un fjord situé à la limite du monde habitable, un fjord où ne vit presque personne et où si peu d'événements se produisent en hiver que les gens sortent, armés d'une carabine, pour tirer sur les poteaux des clôtures ».
Il ne sait pas pourquoi il est là, comment il y est arrivé, et plus grave il ne sait plus qui il est.
Les habitants de cet endroit le connaissent, ceux qui y sont depuis des années en tous cas. Il n'ose révéler son amnésie et les pousse à lui raconter des histoires pour essayer de comprendre. Ces histoires s'enchainent, sans ordre apparent, mettant en jeu de nombreux personnages. Cela semble un peu décousu au départ, et puis les différents pans d'une saga familiale se mettent en place : tout a commencé par une histoire de lombric, il y a plus d'un siècle.
Au-delà de l'histoire elle-même, fascinante, et de sa mise en place déroutante et pourtant addictive, j'ai aimé l'atmosphère et les mots de ce livre. Jon Kalman Stefansson est un conteur-né, à l'écriture poétique, qui nous parle autant des hommes que des poissons, des moutons ou des chevaux :
« Certains chevaux sont peinés de voir les hommes pleurer, mais ils n'ont pas de bras pour les réconforter et c'est pour cette raison que leurs grands yeux, parfois, s'emplissent de tristesse. »
Il nous parle de mort, de deuils, de pauvreté, de vies âpres et difficiles, mais aussi d'amour, de rires, de musique et de lumière. Il décrit des femmes et des hommes, des paysages, des vies de son écriture évocatrice, inventive qui fait surgir mille images dans notre esprit.
Un roman où le rêve, le passé se mêlent à la réalité d'aujourd'hui, où les morts sont aussi présents que les vivants :
« Évidemment que ce fjord est hanté parce que nous avons toujours été si peu nombreux à vivre ici que nous sommes réticents à laisser les défunts le quitter »
La musique rythme ce livre, celle de la compilation pour la Camarde, qui se construit tout au long de ces histoires et celle des mots, les mots des chansons et ceux de l'auteur toujours justes, peignant tout aussi magistralement les paysages et les sentiments, les femmes et les hommes, la mort et la vie.
Un roman magnifique, lumineux, riche de tant d'histoires, de tant de réflexions, de tant de thèmes qu'il est difficile de lui rendre justice dans un simple billet. Un roman dans lequel j'aurais pu relever une citation à chaque page tant l'écriture est belle.
En deux mots, lisez-le.
Merci aux éditions Grasset pour ce partage #Tonabsencenestqueténèbres #NetGalleyFrance
Totalement d'accord avec les autres critiques 5 étoiles de cette page : un livre exceptionnel, une narration inédite par sa construction, sa poésie, et toujours cette magnifique profondeur d'analyse des sentiments humains chez Stefansson.
Un livre sur la vie et la mort.
"C'est ainsi, nous avons nos moments que le bonheur bénit, puis la joie disparaît, elle se change en passé, en passé qui ne revient jamais. Et la mélancolie est notre souvenir des bonheurs disparus."
J'aimerais qu'il y ait une sixième étoile ou bien une étoile spéciale pour les livres qui vous marquent tout particulièrement, que vous n'oublierez jamais. Dès la fin de la première lecture, je l'ai relu et ce n'est certainement pas la dernière fois.
[...La vie est sans doute difficile. Même en plein soleil nous abritons en nous des vallées de ténèbres. Est-ce le prix à payer pour être un humain..)
Je n'imagine pas le temps que Jon Kalman Stefansson a mis à écrire ce livre et Éric Boury à le traduire en respectant toute cette poésie, épuisant toutes nos émotions, sur un fond mélancolique. Définitivement je le classe comme un livre remarquable à ne pas fermer. Il faut un certain recul pour le comprendre alors que dans beaucoup de moments, je me suis sentie bien seule : sauts incessants entre plusieurs périodes, entre générations sans ordre, et glisser comme ça sans vous prévenir que vous avez changé de temps, de parents (ou petits enfants) sans oublier que les âmes défuntes puissent communiquer malgré nous. Un livre rudement mené que je n'ai pas lâché au détour parfois d'humour à l'anglaise absude. L'histoire de l'humanité aurait elle abouti sans la masturbation ? Le lombric reflète t'il la pensée divine ? Un chef d'œuvre !
Il y avait très longtemps qu’un roman ne m’avait pas autant ébranlée que celui-ci! Je pense être passée par tous les sentiments au travers des pages de ce livre. Terminé depuis près de 10 jours, j’ai préféré le laisser décanter avant de m’atteler à l’écriture de ma chronique. Les jours passant, je ne trouve pourtant que peu de mots pour exprimer mon ressenti. Un sentiment de nostalgie m’étreint encore à chaque fois que je repense à lui.
« Ton absence n’est que ténèbres » est tout simplement magistral! Ce qui pourrait s’apparenter à une saga familiale islandaise, somme toute banale, est en fait bien plus que cela. Jón Kalman Stefánsson, son auteur, démontre par cette histoire la puissance des mots et celle des émotions qui peuvent être transcrites et transmises par l’écriture.
Comment résumer un tel bouquin? Invraisemblable pour moi, tant les faits sont importants, même les plus infimes détails. Brosser une saga de 120 ans sur 5 générations avec tant de précisions et d’adresse est mirifique et inoubliable.
Comptant plus de 600 pages, le lecteur pourrait craindre de se lasser ou de s’ennuyer mais pas un seul moment, il ne risque de ressentir ces sensations, tant le style et le récit vont l’envoûter très rapidement, une fois les premières feuilles tournées.
Pour ceux qui aiment retenir et réécrire l’une ou l’autre phrase des livres qu’ils lisent, je vous mets au défi de le faire avec celui-ci. Impossible, tant les citations sont belles mais ô combien multiples.
Je tiens à saluer l’excellent travail de traduction de Eric Boury qui a su si bien transmettre la qualité de l’oeuvre originelle.
Par ces quelques mots, vous aurez compris que c’est littéralement l’un de mes tout grands coups de coeur de cette année. Si vous avez la chance de pouvoir vous y plonger, je peux vous garantir que vous n’en sortirez pas indemne, tant il vous hantera profusément.
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