"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Edeltraud Kreutzer, originaire de Düsseldorf, débarque sur l’île des Caraïbes de Margarita pour tenter de comprendre pourquoi son fils, Wolfgang y a trouvé la mort, noyé. Pour l’aider dans sa quête, elle fait appel aux services de José Alberto Benítez, un avocat local qui a l’avantage de connaître les us et coutumes de cette île. Durant cette enquête, le lecteur découvrira l’envers du décor. Car si elle est une île paradisiaque pour les touristes, Margarita est aussi l’île des imbroglios bureaucratiques, des faveurs et des renvois d’ascenseur. Elle est aussi le lieu où s’épanouissent les combats de coq qui ont totalement happés Wolfgang.
Dépaysement garanti avec ce roman qui nous fait découvrir les méandres de cette île qui ne se laisse pas si facilement apprivoiser. Si on pense, au départ, lire une sorte de livre policier à travers l’enquête menée par l’avocat pour découvrir ce qui est arrivé à Wolfgang, on délaisse bien vite ce style pour arriver à un récit plus sociologique et psychologique qui analyse le fonctionnement de la bureaucratie, qui dénonce les travers de cette société.
Ce récit est le drame d’un homme qui n’a pas su ou pas pu épouser le rêve que lui offrait Margarita et qui est tombé dans les excès que l’île lui proposait. Ces excès, ce sont les combats de coqs que Francisco Suniaga décrit avec beaucoup de force mais sans tomber dans un trop plein d’hémoglobine. Même si on est immanquablement écœuré par la violence faite à ces animaux, on ressent aussi l’excitation et la passion qui se sont emparées de Wolfgang au point de lui faire perdre toute mesure et de l’entraîner à la ruine.
C’est un roman au charme mystérieux, qui ne répond pas forcément à toutes les questions mais qui transporte le lecteur tout au long de ses pages vers des paysages extérieurs et intérieurs inconnus qu’on se plaît à explorer.
Margarita, île caribéenne, où l'on "pressent les heures plus qu'on ne les mesure", où les bars fleurissent le long des plages au sable immaculé et à l'eau transparente, image de carte postale faite de langueur, de chaleur, de cocktails, de touristes allemands rougeauds colonisant le littoral. Wolfgang Kreutzer est l'un d'eux. Il quitte l'Allemagne pour ce paradis, rachète un bar avec sa femme, la belle et sensuelle, Renata. Une entreprise florissante et ce jeune couple amoureux et heureux suscite toutes les convoitises. Cela aurait donc pu être une banale histoire d'amour sous le soleil. C'est sans compter l'emprise vampirisante de cette île aux mille secrets, île des passions exacerbées, où la chaleur coule aussi dans le sang. Et voilà Wolfgang retrouvé mort noyé, un après-midi, sur la plage près de son bar. Sa mère, Edeltraud, quitte Düsseldorf après avoir reçu coup sur coup, l'avis de décès et une lettre anonyme suggérant l'implication de Renata et son amant supposé dans la mort de Wolfgang. Aidée de l'avocat José Alberto Bénitez, ils tentent de défaire les cadenas invisibles qui verrouillent la parole des différents acteurs d'une jungle bureaucratique kafkaïenne. De passe-droits en rendez-vous forcés, ils remontent le fil de l'histoire de Wolfgang et de sa malédiction : les combats de coqs.
Ce premier roman de l'auteur Francisco Suniaga est surprenant à plus d'un titre. Inclassable, ce n'est pas un roman policier à proprement parlé même si l'on remonte le fil d'un décès pour en découvrir la cause, le roman mêle des pages magnifiques sur la description de cette île qui obéit à ses propres règles, aux paysages trompeurs et dont l'une des passions est celle des combats de coqs. Ils font l'objet de passages époustouflants aussi puissants que les pages sur la tauromachie d'Hemingway. On y découvre un monde troublant, étouffant, hors du temps.
Si Edeltraud Kreutzer a quitté son vieux mari, trop fatigué pour voyager, et le froid hivernal de l'Allemagne, ce n'est pas pour profiter du climat tropical, des plages de sable blanc et des eaux transparentes de Margarita. Pour elle, la "perle des Caraïbes" n'est pas le paradis dont rêvent les touristes européens, mais le petit bout d'enfer où son fils Wolfgang est mort noyé. Et si elle a entrepris ce long voyage, c'est pour éclaircir les circonstances de ce décès. Wolfgang était jeune et bon nageur, comment a-t-il pu se noyer alors que, selon les témoins, il n'avait de l'eau que jusqu'à la taille ? A-t-il été éliminé par sa femme et son amant comme l'affirme la lettre anonyme qu'elle a reçue ? Pour pouvoir faire son deuil, Edeltraud a besoin de réponses mais, seule dans un pays auquel elle ne comprend rien, ses chances sont minces. Sur les conseils du vice-consul, elle engage José Alberto Benitez, avocat idéaliste et désargenté, qui va l'aider à voir, derrière l'image de carte postale, le vrai visage de l'île.
Une petite île des Caraïbes, rattachée au Vénézuela...Chacun vient y chercher le bonheur sur terre dans un décor de rêve. Pour Wolfgang Kreutzer, il s'agissait de suivre sa ravissante et ambitieuse épouse qui avait eu le coup de foudre pour le sable chaud, les palmiers et la douceur de vivre. Mais tandis que Renata s'épanouissait sous le soleil des tropiques, Wolfgang connaissait le doute. Margarita, incompatible avec son tempérament allemand, a causé sa perte. Derrière l'île paradisiaque, se cache une autre île, une île invisible faite de violence, de crimes et de sang. C'est cette île qui a perdu Wolfgang. Le rêve de sa femme n'était pas le sien et il a eu besoin de se trouver un but, une passion et ce furent les coqs. D'abord réticent, il a fini par être englouti par ce monde brutal et cruel sans trouver le recul et l'indolence nécessaires pour s'impliquer sans se perdre. Les découvertes de l'avocat Benitez au fil de son enquête dévoilent un homme détruit par sa quête, celle de lui-même, celle de la perfection, celle de vivre à fond.
Si quelquefois, on se perd dans les considérations philosophiques et même psychiatriques de l'avocat-enquêteur, il n'en demeure pas moins que L'île invisible agit comme un envoûtement sur le lecteur. On se croirait dans les rues de Porlamar ou d'Asuncion, on en ressent la chaleur moite, on en découvre la violence derrière la nonchalance, les vices derrière les sourires. Une belle réflexion sur le sens de la vie, la recherche du bonheur confrontés à la réalité souvent cruelle. Un beau et grand roman.
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