"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Un essai intéressant sur l'écriture, ce souffle de vie très bien décrit. De belles métaphores, un style poétique et imagé. J'ai toutefois regretté quelques longueurs et ressassements qui m'ont fait lire certains passages en diagonale pour préserver mon moral.
J'aime beaucoup l'autrice mais là j'ai abandonné ma lecture : trop d'animisme pour moi...le naufrage du Joola est un grand drame pour les familles mais cet accident était prévisible : surcharge et machine en mauvais état...La lenteur des secours est impressionnante.
La nouvelle n'a pas fait tant de bruit à Dakar où je me trouvais à l'époque...J'ai appris le drame tardivement à travers le roman d'un français survivant.
Entre la France et le Sénégal, il y a l’Atlantique, qui charrie d’une rive à l’autre les rêves d’Eldorado des uns, et les regrets, la honte ou la nostalgie des autres.
Dans le sens sud-nord, Madické, comme beaucoup de jeunes hommes de son âge, se voit en future vedette du ballon rond arpentant les stades de France, et compte sur sa sœur Salie, installée à Strasbourg depuis plusieurs années, pour le faire venir sur cette Terre Promise. Une ambition légitime, claire et nette, et une conviction absolue que l’avenir est en Europe.
Dans le sens nord-sud, la situation est beaucoup plus complexe pour Salie qui, comme beaucoup d’émigrés, vit chichement, solitaire, et voudrait convaincre son frère que la France n’est pas le paradis qu’il s’imagine : « Pour Madické, vivre dans un pays développé représentait en soi un avantage démesuré que j’avais par rapport à lui, lui qui profitait de sa famille et du soleil sous les tropiques. Comment aurais-je pu lui faire comprendre la solitude de l’exil, mon combat pour la survie et l’état d’alerte permanent où me gardaient mes études ? N’étais-je pas la feignante qui avait choisi l’éden européen et qui jouait à l’éternelle écolière à un âge où la plupart de mes camarades d’enfance cultivaient leur lopin de terre et nourrissaient leur progéniture ? Absente et inutile à leur quotidien, à quoi pouvais-je servir, sinon à leur transvaser, de temps en temps, un peu de ce nectar qu’ils supposaient étancher ma soif en France ». Peine perdue, le nectar est amer pour Salie et la légende est entretenue par les exilés qui rentrent au pays en étalant leur fortune de pacotille, autant de poudre d’or jetée aux yeux de ceux qui ne demandent qu’à les croire. Tout, plutôt qu’avouer la précarité économique, voire administrative, vécue en France, et le temps fou mis pour économiser le prix du billet d’avion et celui des innombrables cadeaux à ramener obligatoirement au pays, sous peine de se faire traiter de radin, d’égoïste ou d’individualiste.
« Le ventre de l’Atlantique » montre donc l’océan d’incompréhension qui advient entre ceux qui partent et ceux qui restent, ceux qui échouent en exil sans oser l’avouer ou même rentrer au pays, et ceux du pays, impatients de partir, persuadés de réussir dans cet Ailleurs où l’herbe (surtout celle des terrains de foot) est nécessairement plus verte.
Roman de l’amère réalité de l’émigration, « Le ventre de l’Atlantique » est aussi le roman de la nostalgie du déracinement et de l’impossible retour au « comme avant » : « Irrésistible, l’envie de remonter à la source, car il est rassurant de penser que la vie reste plus facile à saisir là où elle enfonce ses racines. Pourtant, revenir équivaut pour moi à partir. Je vais chez moi comme on va à l’étranger, car je suis devenue l’autre pour ceux que je continue à appeler les miens. Je ne sais plus quel sens donner à l’effervescence que suscite mon arrivée. Ces gens qui s’attroupent autour de moi viennent-ils fêter une des leurs, me soutirer quelques billets, s’instruire sur l’ailleurs qui les intrigue, ou sont-ils simplement là pour observer et juger la bête curieuse que je suis peut-être devenue à leurs yeux ? »
Dans son premier roman (autobiographique), Fatou Diome n’épargne ni l’Occident, qui exploite les travailleurs migrants, ni l’Afrique, qui ne fait rien pour faire évoluer les esprits et améliorer le sort des plus précarisés : « Faites émigrer de vos têtes certaines habitudes bien ancrées qui vous chevillent à un mode de vie révolu. La polygamie, la profusion d’enfants, tout cela constitue le terreau fertile du sous-développement. Nul besoin de faire des mathématiques supérieures pour comprendre que plus il y a de gens, moins grande sera la part de pain à partager ».
Un roman à l’écriture fleurie et chatoyante, ample et lucide, mais dans lequel l’espoir de trouver le chemin de la liberté reste permis.
C'est l'histoire de deux jeunes hommes qui quittent leur île natale pour l'Europe. Le livre nous plonge dans le quotidien de ces femmes, mères et épouses, qui les attendent. Leurs angoisses, leurs espoirs ainsi que leurs désillusions. Plusieurs thèmes sont abordés: l'immigration, la précarité quotidienne, le poids de la polygamie, la rareté des poissons due aux accords de pêche UE/Sénégal. C'est un livre touchant, qui énonce les injustices subies et les conséquences du néocolonialisme.
Les descriptions sont très imagées et rythmées d'humour. Un magnifique ouvrage!
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