"La noirceur des âmes était aussi intense que les couleurs de la nature étaient belles..."
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Quel est le rôle d'une librairie indépendante ? Réponse dans cet épisode...
Toya Gardner, une jeune sculptrice afro-américaine, est de retour dans sa ville natale, une petite bourgade de Caroline du Nord, avec la ferme intention de dénoncer le passé esclavagiste de la région. Pour cela, elle se livre à plusieurs actions contestées par les locaux et déclenche de graves tensions au sein de la communauté. Dans le même temps, un jeune policier arrête lors d’un contrôle un voyageur venant du Mississipi, qui transporte dans son véhicule la tenue de membre du Ku Klux Klan ainsi qu’une liste contenant les noms de notables de la région. Le lendemain, le mystérieux carnet a disparu.
Je découvre cet auteur après avoir lu plusieurs belles chroniques au sujet de ses romans. Son style m’a beaucoup plu, l’écriture aérienne de certains passages mettent brillamment en valeur le lien qui unie Toya à Vess sa grand-mère maternelle. Les lignes deviennent magiques, habitées d’une beauté transcendante. J’ai apprécié le personnage de Toya, une artiste qui considère l’art comme instrument de transformation sociale. Elle impose au spectateur une participation active, dans le but de transmettre un message. La région dont elle est originaire est marquée par la ségrégation raciale, dont a été victime sa propre famille et son combat pour la quête de pardon et de reconnaissance est implacable. Le sujet résonne toujours aujourd’hui, peut-être même plus que jamais, alourdi par le poids de siècles de discriminations. Certains passages de ce roman offrent une profonde réflexion sur le suprémacisme blanc et sur l’omerta qui durant de longues années a empêché les noirs de s’exprimer sur leur condition.
Toutefois l’intrigue m’a semblée peu convaincante dans son dénouement, je n’ai pas adhéré à celui-ci car j’attendais que les évènements prennent une autre tournure. Il y a un meurtre et une agression, une enquête menée par une inspectrice sympathique mais les explications manquent de clarté, comme s’il avait manqué quelque chose à l’auteur pour parfaire ce qu’il avait brillamment commencé. Ce ne sont que mes impressions, et je n’hésiterai pas à l’avenir à lire David Joy car son style m’a énormément plu. Je remercie les Editions Sonatine via Netgalley pour cette lecture.
J'aime dans les romans américains leur capacité à nous faire mieux comprendre la société américaine actuelle. A aller plus loin que nos clichés d'européens, à décrypter ce qui se joue vraiment dans cette Amérique profonde. Et à cet exercice, David Joy est une valeur sûre. Dans chacun de ces romans, il nous transporte au coeur des petites villes de cet immense pays, nous aidant ainsi à en comprendre la complexité.
Ici direction la Caroline du Nord, un état du sud est des Etats Unis. Alors qu'elle vit à Atlanta, Toya une jeune artiste afro américaine revient dans la petite ville de cet état où vit encore sa grand mère et d'où sont originaires ses ancêtres. Choquée des relents de racisme encore très présents dans cette ville sudiste, elle décide de monter une action pour éveiller les consciences. Mais elle est loin d'imaginer les conséquences de cet acte sur la communauté toute entière.
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J'ai dévoré ce roman et encore une fois David Joy a fait mouche. Par l'intrigue qu'il tisse dans ce roman, dense, addictive et passionnante, à l'issue aussi surprenante qu'insoupçonnable. Par ses personnages, soit attachants, soit détestables mais tous complexes et dépeints avec réalisme et finesse. Par les thèmes abordés enfin, éclairants sur l'état de la société rurale américaine autant que glaçants et inquiétants à l'aube des futures élections. Le titre en cela est explicite. Les deux visages du monde, soit les deux visions de la société qui s’opposent et s'affrontent. D'un côté les nostalgiques du temps des confédérés, qui réfutent la qualification de racistes mais qui revendiquent le suprémacisme blanc. Des thèses que l'on pourrait croire d'un autre temps mais encore bien présentes dans ces états du sud où le Ku Klux Klan continue de faire des adeptes. Il avance masqué et ses méthodes ont changé mais ses idées elles sont toujours là. En face, des activistes, déterminés à faire évoluer les mentalités, ou des personnes qui réalisent à leur corps défendant que ne pas combattre ces idées c'est les accepter. « Ce que je sais, c'est qu'il y a tout un tas de gens, y compris des gens bien intentionnés, qui sont plus gênés par le mot “raciste“ qu'ils ne le sont par le racisme. Il y a tout un tas de gens qui se préoccupent davantage d'être traités de racistes que de s'attaquer à la chose instituée. »
Un roman noir à l'écho sinistre dans ces temps de replis identitaires, sûrement un de mes préférés de l'auteur.
« Tu sais, ça m'a toujours fait mal, la façon dont partout ailleurs dans ce pays les gens veulent croire que le Sud a comme qui dirait le monopole du racisme. Comme si ça existait qu'en un seul endroit. Mais j'ai un scoop pour toi, cette saloperie est aussi américaine que la Bud Light et le base-ball. »
L'auteur, le livre (432 pages, août 2024, 2023 en VO) :
La région des Appalaches et les états que traverse la chaîne, comme la Géorgie ou les deux Caroline (Nord et Sud), nous ont généralement valu pas mal de bons bouquins, souvent des "romans noirs".
Pas plus tard que cette année, le britannique R. J. Ellory nous y invitait avec l'excellent Au nord de la frontière.
Depuis sa retraite au fin fond de sa région natale, l'américain David Joy, disciple de Ron Rash, poursuit son rigoureux travail de dénonciation des failles de la société étasunienne contemporaine : le voici qui s'attaque au racisme hérité du péché originel et fondateur du pays, l'esclavage, et nous propose de découvrir "Les deux visages du monde".
S'agit-il de répliques sismiques du mouvement Black lives matter dans les consciences étasuniennes ? mais voici encore un bouquin qui peut s'inscrire dans la lignée du "Sang des innocents" de Shawn Cosby (janvier 2024) et du "Silence" de Dennis Lahane (avril 2024), pour ne citer que ces deux-là.
Bien sûr, on ne s'en plaindra pas, au vu de la qualité de ces romans, de la justesse de la cause défendue et du plaisir de ces lectures.
♥ On aime beaucoup :
• On aime ces romans noirs où tout est réuni dès les premières pages en vue de l'inéluctable drame. Ces histoires fortes aux personnages bien dessinés. Ces textes qui éclairent les fractures de nos sociétés et portent haut la parole d'une juste cause.
• C'est Shawn Cosby (dans le sang des innocents) qui, en début d'année déjà, nous avait avertis : l'esclavage est le péché originel de ce pays "une tache incrustée à jamais dans les fondations".
David Joy, fin connaisseur des failles qui traversent son pays, nous en propose ici une nouvelle et brillante illustration.
• Avec quelques personnages bien fouillés, David Joy nous emporte de manière convaincante dans une démonstration rigoureuse sans manichéisme outrancier ni effets ostentatoires, directement en prise avec le quotidien d'aujourd'hui : le racisme ordinaire des bons citoyens, celui qui souvent s'ignore.
• Comme il se doit, ce roman en noirs & blancs se terminera en demi-teinte de gris car rien n'est jamais aussi évident qu'on veut bien le croire.
Le canevas :
Toya (étudiante en arts graphiques) vient visiter sa grand-mère dans une petite ville au pied des Appalaches : c'est l'occasion pour elle de redécouvrir son passé, son héritage et sa famille (noire). Pour dénoncer l'histoire esclavagiste de la région (l'une des terres du Ku Klux Klan) elle va arroser de peinture rouge les mains d'une statue de l'Oncle Sam qui brandit ... un drapeau confédéré, symbole du passé esclavagiste et de la haine raciale.
Nous sommes pourtant en 2019 mais ses actions vont rouvrir des plaies que l'on voulait croire refermées et attiser les tensions entre des populations que l'on voulait croire apaisées : comme dans tout bon roman noir, toutes les composantes du drame sont mises en place dès les premières pages.
Au coeur de la tragédie annoncée se trouvent réunies Toya et sa vieille grand-mère, un inquiétant voyageur suprémaciste, le shérif Coggins et son adjoint Ernie, et même quelques édiles locaux, corrompus jusqu'à l'os, que l'on soupçonne membres en secret du KKK, ...
À noter pour information : après la tuerie de juin 2015 à Charleston (en Caroline du Sud, un suprémaciste blanc brandit le drapeau confédéré et assassine neuf noirs dans une église), un mouvement de protestation est né pour "faire tomber ce drapeau" (#bringitdown) qui se dresse encore dans plusieurs places ou monuments très officiels.
A chaque nouveau roman, David Joy se donne pour mission de dénoncer les défaillances et les dérives de l’être humain. Situant toujours ses histoires dans des bourgades reculées des États-Unis, il met en lumière les vices qui gangrènent cette population.
Dans « Les deux visages du monde », des évènements dramatiques bouleversent le quotidien d’une communauté. Par ricochet, les ressentis de chacun refont surface. Ces tragédies vont être le révélateur des pensées troubles de gens qui avaient, jusque-là, l’impression de vivre en harmonie.
Même si l’histoire repose sur des intrigues policières, c’est des dialogues des personnages que naît la véritable problématique. Les différents protagonistes échangent sur les faits et leurs opinions antagonistes créent le conflit. Les débats houleux entre eux deviennent le catalyseur d’une vérité que tout le monde se cache.
Les acteurs de ce drame se rendent alors compte que leur fraternité n’était qu’illusion. Chaque communauté vit dans deux mondes qui se côtoient, mais qui observent les situations avec leur propre prisme. Et comme ils pensaient que « Si on ne parle pas de quelque chose, cette chose-là disparaîtra », ils n’en ont jamais vraiment discuté. Les uns par peur de déranger, les autres pour conserver leurs privilèges.
L’écrivain américain s’attaque de front à son sujet. Il ne cherche pas d’artifice ou de représentation pour traiter de la xénophobie qui sévit dans ces lieux. Il ne s’intéresse pas seulement au racisme brut, évident, mais aussi à sa version latente, perpétuée depuis de nombreuses années.
Avec le talent qu’on lui connaît, David Joy nous livre une aventure percutante sur le racisme ordinaire, qui continue son chemin grâce au silence. Sa plume magnifique et son sens de la narration m’ont poussé à m’interroger sur mon propre comportement. Un roman puissant et essentiel, comme l’ensemble de son œuvre !
https://leslivresdek79.wordpress.com/2024/09/19/963-david-joy-les-deux-visages-du-monde/
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