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Les premières pages s'ouvrent avec une prise de vue sur une femme, une mariée. Le photographe cherche l'angle parfait, la qualité de la lumière et l'harmonie des couleurs dans un décor choisi avec goût pour donner au cliché la dimension de l'exceptionnel. Et puis, subitement, ses yeux, rivés sur lui dans l'attente de son assentiment, donnent à son regard une puissance incommensurable, une scène d'une profonde intensité, d'une très grande sensualité. "La photo serait belle, assurément." Qu'en est-il du fiancé ? Invisible à cet instant, et plus encore... Leïla, c'est le prénom de la femme photographiée, elle va se lancer dans la réalisation d'une création, elle coud, non pas du tissu, mais une cinquantaine de morceaux de papier sur lesquels sont écrits des mots, signés de lui, comme autant de preuves de l'amour qu'il lui voue. Ce chantier, c'est un peu comme une thérapie pour panser ses plaies.
C'est le portrait d'une femme impressionnante qui est brossé dans ce roman, de celles qui font preuve d'abnégation et de fantaisie pour s'offrir un moment de répit alors même qu'elles sombrent dans une profonde douleur. Quel courage, je suis ébahie. Là, la jeune femme, couturière, prend appui sur la technique qu'elle maîtrise depuis sa tendre enfance pour sortir la tête de l'eau et bénéficier d'une respiration. Elle se lance dans une formidable aventure, tout en beauté, un chantier qu'elle a mûri, pensé avant de le réaliser, impossible pour elle de se mettre en échec. La création, véritable instinct de survie !
Alors qu'elle s'attache à localiser avec soin chaque petit morceau de papier qui la lie encore à son amoureux, Leïla se souvient de tous ces moments de passion partagés avec Dan. Tous les sens sont convoqués, le regard, le toucher, l'odorat aussi avec une intensité décuplée la faisant tressaillir jusque dans son intimité la plus profonde.
J'ai été très sensible à la qualité des silences et leur pouvoir fusionnel entre les êtres. Il y a bien sûr ceux venant ponctuer la relation de Leïla et Dan, mais il y a aussi et surtout ceux entretenus par Fawzia avec sa nièce.
Mais plus encore, ce qui m'a beaucoup émue, c'est l'expression de l'exil et de tout ce qu'il peut recouvrir comme douleur liée au déracinement. Celles et ceux qui me connaissent de près savent à quel point je suis sensible à l'itinéraire des hommes et des femmes contraints de quitter leur pays pour sauver leur peau. Alors, quand le prénom de Fawzia apparaît simultanément dans le livre et sur mon téléphone avec le même pays d'origine, l'Afghanistan, l'émotion est à son comble. Touchée je le suis par leur force mais aussi par l'amour qu'ils portent à un territoire, celui qui les a vus naître et qui gardera toujours dans leur coeur la première place.
La qualité de cette écriture, je ne suis pas prête de l'oublier. Elle me rappelle beaucoup celle de Cécile BALAVOINE dans "Maestro", une plume délicate d'un charme envoûtant que l'on ne voudrait jamais quitter. Je suis tombée sous le charme de la prose de Claire GONDOR, son écriture est d'une telle poésie, gracieuse à l'envi et ô combien artistique, de la très grande littérature je vous l'assure, qui plus est dans un roman très court, moins de 95 pages auront suffi à me conquérir.
Vous l'aurez compris, ce roman relève du coup de coeur, quelque chose d'indéfinissable mais qui fait de lui l'un des meilleurs de ces derniers temps.
http://tlivrestarts.over-blog.com/2017/07/le-coeur-a-l-aiguille-de-claire-gondor.html
Le livre de Claire Gondor fait écho à celui de Pierre Cendors « Minuit en mon silence » et la longue lettre du lieutenant allemand ferait un beau voile à la robe que coud Leïla.
Leïla, jeune afghane et Stan, jeune homme au regard vert ont eu le coup de foudre l’un pour l’autre. L’une enthousiaste et l’autre taiseux se complètent et s’aiment. Je comprends que Stan est militaire, parti pour une guerre dont il ne reviendra pas. Leïla, sa jeune fiancée a décidé de coudre, sur sa robe de mariée, ils devaient s’unir pendant une permission, les courtes missives qui lui envoyaient son amoureux.
« Cinquante-six bouts de papier ; cinquante-six fragments blancs, sept mois de vie à distance, de serments de miel échangés, entre Khartoum et Paris. »
Pour ce faire, il faut qu’elle soit seule. Personne ne doit voir, personne ne doit savoir, personne n’a le pouvoir de l’aider
« Quels mots pour parler de l’absence, de cet espace inhabité où elle se tenait à présent ? Et ce projet fou, sa tentative à elle pour combler le vide, pouvait-il être compris ? C’était rigoureusement impossible. Leïla tissait son cocon à l’abri des regards. Toute intrusion menaçait son équilibre »
Leila coud
« fil noir au chat de l’aiguille dans la main tatouée de Leïla… Les mêmes gestes tous les soirs, les mêmes mains et leurs aiguilles, et cette robe qui s’évase sur le mannequin du salon, et cette boîte qui se vide, soir après soir, dans le silence.
A l’inverse de Pénélope, elle sait que son amour ne reviendra jamais de là-bas, de la guerre.
C’est sa façon de s’unir à Stan, sa façon d’accepter l’inéluctable, sa période de deuil à elle, toute seule dans son appartement, sa façon de faire face
« La vie n’attendait pas que Leïla se relève. Il fallait construire à présent, et rassembler les morceaux de son existence en miettes. Les reprendre à l’aiguille, les ramasser au fil, en suivant les courbes d’un patron de robe. Suturer la douleur pour la faire taire enfin. »
Claire Gondor a bâti, avec ses mots, une robe d’amour, un livre sur le deuil très beau, bouleversant, fragile comme les lettres cousues par les mains de Leïla.
Je termine ma première saison 68 premières fois sur un superbe livre.
Pénélope, Arachné, les Moires, ces fileuses et tisseuses occupent une place particulière dans notre imaginaire. Erigées en récits, leurs histoires mettent en jeu la symbolique du fil de la vie et des épreuves auxquelles l'âme des mortels est confrontée. C'est ce même motif qui s'entrelace à l'histoire que nous raconte Claire Gondor. L'histoire de Leïla, la jeune et triste fiancée, qui prépare sa robe de mariage avec les fils du deuil.
Une robe traditionnellement blanche sur laquelle elle coud les mots d'amour envoyés par Dan, son fiancé parti au loin. Chaque carré de papier est chargé des moments du passé, que Leïla revit avant de les vouer à son vêtement de mariage. A la déchirure de l'adieu elle oppose l'indestructible lien des souvenirs assemblés en mosaïque de vie et au blanc des noces heureuses s'oppose le noir de l'écriture endeuillée. Geste de résilience. Geste libératoire de qui se revêt d'amour et de chagrin pour mieux choisir la vie dans tout ce qu'elle peut tenir en réserve de joies et de tristesses. La symbolique est lumineuse, précieuse de toutes les interprétations qui peuvent venir encore l'enrichir.
L'histoire est magnifique, vraiment superbe, d'une force, d'une poésie et d'une douceur admirables.
Et j'ai trouvé tellement, mais tellement dommage que l'écriture ne l'accompagne pas plus étroitement ! Pour le coup, elle ne m'a pas semblé parvenir à tisser l'essentiel, à tramer un texte chatoyant, avec des mots qui remuent l'âme et les tripes et qui le subliment pour le rendre inoubliable.
Il me reste l'impression d'un joli premier roman mais qui ne m'a pas tenu toutes ses promesses.
En attendant le retour de Karthoum, de l’homme qu’elle aime, telle Pénélope, Leïla coud sa future robe de mariée avec tous les petits qu’il lui a envoyés. Ces mots qu’elle coud sur sa robe, c’est comme si elle les cousait à même sa peau car pour elle ce sont des preuves de l’amour que lui porte Dan.
Leur histoire est telle un puzzle que l’on découvre au fil de la lecture de ces petits mots qui ont un pouvoir de réminiscence nous racontent leur histoire de leur rencontre, de leur complicité, de leur quête mutuelle de l’un et l’autre. Mais c’est aussi la propre histoire de Leïla et de son pays l’Afghanistan.
Ce petit roman est vraiment très agréable mais la fin est quelque peu déroutante car trop précipitée j’aurais aimé qu’elle soit un peu plus étoffée.
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