Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
Journal d'Arizona et du Mexique : janvier-juin 1982 est un road book d'apprentissage. Une tranche de vie entre réflexions poétique sur les paysages, l'amitié, l'amour, des scènes consigné comme des photographies. C'est aussi un portrait d'une femme. de lieux et des gens qu'elle croise. Un voyage intrépide parsemé de digressions.
"Changer sa vie ne fut pas son souci. De plus, la manière de lire française produit rarement de la part du lecteur une révolution. Alors qu'aux États-Unis, lire, être bouleversé par une œuvre, d'Arthur Rimbaud, de Thoreau ou Gertrude Stein, veut dire changer sa vie.
Habiter, aimer, écrire autrement."
"Alors, autant préférer la nuit. J’ai plus peur, mais moins honte. Et la nuit du désert a une vertu enrobante, un appel romanesque."
"Dans une rupture, en décider n'épargne pas de souffrir. Chacun souffre de son côté. Sur un pan opposé de la montagne."
En cette année 1810, Vienne, où Agathe-Sidonie Laborde vit en exil, est meurtrie par le passage de Napoléon. Ce 12 février, l’ancienne lectrice de la reine Marie-Antoinette fête ses soixante-cinq ans et se remémore les moments qui ont suivi la prise de la Bastille et les derniers jours vécus à Versailles.
Chantal Thomas nous amène dans les coulisses de Versailles, du 14 au 16 juillet 1789. Et pour cela, elle choisit de donner comme guide à son lecteur une habituée de la cour, au service de la reine et plongée, elle aussi, dans la tourmente.
Elle nous raconte la fuite éperdue des nobles vivant au château et qui sentant le vent tourner cherchent par tous les moyens à sauver leur vie. Elle nous décrit les affres par lesquels passent Marie-Antoinette et Louis XVI, les décisions qu’ils doivent prendre pour une éventuelle fuite.
Ce qui est intéressant ici, c’est que l’Histoire se raconte à hauteur d’hommes et de femmes. Il n’y a plus de reine mais une femme qui craint pour la vie de ses enfants et la sienne. Et il y a aussi ce regard d’Agathe sur les réactions des uns et des autres, sa propre peur pour sa vie qui se conclura par son départ aux côtés de la favorite de la reine, Gabrielle de Polignac.
Loin de nous décrire les ors et le faste de la royauté, Chantal Thomas nous convie dans un château qui se délabre à la rencontre de différents personnages qu’Agathe va croiser durant ces trois jours, qu’elle admire ou dont elle se méfie. Des rencontres qui lui permettent de raconter les dessous de la politique et des relations au cœur de la cour.
C’est très intéressant et, grâce à la construction du récit, cela amène un nouveau point de vue sur cet épisode de l’histoire de France qu’on pense connaître par cœur. Grâce à son écriture précise et concise, Chantal Thomas nous place aux premières loges de cet événement historique en lui attribuant une tournure plus intime. Elle nous donne ainsi l’impression d’arpenter les corridors de Versailles aux côtés d’Agathe.
C’est un peu par dépit que Chantal Thomas découvre l’Arizona. En effet, ayant d’abord candidaté pour l’Université de Fairbanks et essuyé une lettre de refus, elle avait repris la liste des universités proposant des postes. Après « Alaska » se trouvait « Arizona ». Pourquoi ne pas se vouer à l’arbitraire de l’ordre alphabétique ? Réponse positive ce coup-ci…
Nous découvrons ici le journal de l’autrice, janvier-juin 1982, elle a 37 ans. Tandis qu’elle va pour signer son contrat à l’Université de Tucson, on lui apprend que le professeur qui l’a précédée n’est resté qu’une seule journée avant de regagner Paris par le premier avion de peur que le XVIIIe siècle français ne perde aux portes du désert toute signification !
Chantal Thomas n’est pas du genre à renoncer. Elle observe et s’approprie lentement les lieux (bars, rues, cinémas, centre commercial…), les lumières, les nuages, la pluie, les gens qui attendent le bus sous le soleil, les mœurs, la végétation (cactus, lauriers-roses…) Tout est nouveau… Il faut trouver un logement… Elle tâtonne, s’installe ici, là, déménage et finit par poser définitivement son sac de marin. Comme elle précise l’adresse, je suis allée voir sur Google Map. Waouh, le dépaysement total… Elle m’impressionne cette femme discrète et toujours pleine de retenue qu’on imagine à l’heure du thé dans un salon bourgeois. Je la découvre encore, à chacun de ses livres. Elle n’a peur de rien. Elle est très drôle. Elle fait du stop (on lui précise que le désert est le meilleur endroit pour faire disparaître un corps), elle achète un vélo puis une grosse voiture noire de gangster (un peu dures les marches arrière), les cours de conversation l’ennuient un peu « J’ai cours de conversation et pas envie de causer ». Elle a hâte de commencer l’étude de « La Vie de Marianne ». Elle repense à Kerouac qu’elle adore et à Alan Harrington, l’auteur de « The Immoralist » qui ont tous deux vécu à Tucson. Simenon aussi d’ailleurs. Elle sort danser, va au cinéma, se baigne dans la piscine de sa résidence ou celle de l’Université, aime traîner au Marketing Center, s’achète des bottes western, écrit des cartes à sa famille dont quelques-unes sont reproduites. On les lit comme si l’on faisait partie des siens. On devient un peu intime quand on lit le journal de quelqu’un. Elle rêve beaucoup aussi. « Je ne fais rien en dehors de mes cours, je n’écris rien d’autre que mon journal, mais je regarde énormément la lumière. Celle du jour, celle des étoiles. Des ciels comme je n’aurais jamais cru cela possible. » Elle est curieuse de tout, tout retient son regard.
« Qu’est-ce que j’aime ici ?
Les chemins de terre
Le Mexique
Le vert pâle des cactus
Le jaune léger des mesquites
Les couchers de soleil
Les matins
Les cafés Downtown
L’Arizona Inn
Les margaritas
La bibliothèque avec les lauriers-roses du campus
Les supermarchés, la nuit
La piscine, la nuit »
Des rencontres, des nuits d’amour, de désir… Mais aucun amant ne lui fait oublier Sandra…
Elle veut maintenant partir au Mexique, toute seule. Elle ira… Seule. Elle m’impressionne tellement. Je l’envie beaucoup. Les descriptions redoublent de beauté et de sensualité. L’écriture de Chantal Thomas est une merveille, on se laisse porter par l’évocation des lieux qu’elle traverse. Est-ce son regard qui les rend si beaux ? J’aimerais lui ressembler, contempler le monde avec ses yeux… Lire son journal, c’est assister à la naissance d’une femme libre qui refuse les attaches. Celles des gens, celles des lieux, celles du genre. Libre d’aller et d’être qui l’on veut. Dans l’enchantement du monde. Beau programme de vie.
Magnifique.
LIRE AU LIT le blog
De Chantal Thomas, je connaissais ses merveilleux romans historiques : les Adieux à la Reine et l'Echange des princesses.
Ici, elle remonte aussi le fil du temps mais pour évoquer ses souvenirs.
Des souvenirs de la marée basse liés à son enfance et son adolescence à Arcachon entre un père silence, une mère triste et des grand-parents adulés.
Des souvenirs au goût d'embrun où la mer occupe une place déterminante.
La mer comme salut pour la mère qui ne revit que par la nage. Femme liquide qui ne trouve sa raison d'être que dans cet élément et dans le mouvement de ce crawl qui la rattache à la vie.
La mer comme berceau pour Chantal qui grandit au fil des saisons sur la plage. Entre châteaux de sables et contes de princesse des mers.
La mer comme horizon qui reancre.
Forcément, un peu comme les galets polis par le mouvement des vagues, les souvenirs de Chantal ont été ciselés par le temps et la mémoire.
Mais l'écorce de l'enfance affleure et sa voix reconstitue les impressions vécues à cette époque.
Certaines estampes marquent plus que d'autres. Par la force de la poésie qui se dégage de leurs phrases. Par leur sujet aussi.
Hymne à la mer et la mère, cet ouvrage m'a emportée loin un jour de pluie. Comme si je retrouvais ce Bassin tant aimé aussi enfant. Et ce mélange d'iode et de sable sur la peau qui me ramène toujours à mes propres souvenirs de la marée basse sur la plage du Moulleau.
Bref, vous l'aurez compris : je ne peux que vous conseiller cette œuvre. Au langage si élégant et si sensible.
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