"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Nager. Nager pour fuir les contraintes, pour échapper aux vies imposées, aux destins réduits. Nager pour inventer sa sensualité, préserver sa fantaisie. C'est ce qu'a sans doute ressenti Jackie toute sa vie, commencée en 1919 et menée selon une liberté secrète, obstinée, qui la faisait, dans un âge bien avancé, parcourir des kilomètres pour aller se baigner sur sa plage préférée, à Villefranche-sur-Mer. Entre-temps, elle s'était mariée, avait quitté Lyon pour Arcachon, puis, devenue jeune veuve, avait échangé le cap Ferret contre le cap Ferrat, avec sa mer plus chaude, son grand été.
Qu'a-t-elle légué à sa fille Chantal ? Quelque chose d'indomptable, ou de discrètement insoumis, et cette intuition que la nage, cette pratique qui ne laisse aucune trace, est l'occasion d'une insaisissable liberté, comme lorsque jeune fille, au début des années 30, Jackie avait, en toute désinvolture, enchaîné quelques longueurs dans le Grand Canal du château de Versailles sous l'oeil ahuri des jardiniers.
De Chantal Thomas, je connaissais ses merveilleux romans historiques : les Adieux à la Reine et l'Echange des princesses.
Ici, elle remonte aussi le fil du temps mais pour évoquer ses souvenirs.
Des souvenirs de la marée basse liés à son enfance et son adolescence à Arcachon entre un père silence, une mère triste et des grand-parents adulés.
Des souvenirs au goût d'embrun où la mer occupe une place déterminante.
La mer comme salut pour la mère qui ne revit que par la nage. Femme liquide qui ne trouve sa raison d'être que dans cet élément et dans le mouvement de ce crawl qui la rattache à la vie.
La mer comme berceau pour Chantal qui grandit au fil des saisons sur la plage. Entre châteaux de sables et contes de princesse des mers.
La mer comme horizon qui reancre.
Forcément, un peu comme les galets polis par le mouvement des vagues, les souvenirs de Chantal ont été ciselés par le temps et la mémoire.
Mais l'écorce de l'enfance affleure et sa voix reconstitue les impressions vécues à cette époque.
Certaines estampes marquent plus que d'autres. Par la force de la poésie qui se dégage de leurs phrases. Par leur sujet aussi.
Hymne à la mer et la mère, cet ouvrage m'a emportée loin un jour de pluie. Comme si je retrouvais ce Bassin tant aimé aussi enfant. Et ce mélange d'iode et de sable sur la peau qui me ramène toujours à mes propres souvenirs de la marée basse sur la plage du Moulleau.
Bref, vous l'aurez compris : je ne peux que vous conseiller cette œuvre. Au langage si élégant et si sensible.
Nager. Une activité essentielle pour Jackie qui ne manque aucune occasion, même celle de se baigner dans le Grand Canal du Château de Versailles près duquel elle vit avec ses parents. Nager. Un besoin que Jackie a transmis à sa fille, Chantal.
Chantal Thomas livre ici un hymne à la mère et à la mer (c’était facile !) dans ce récit intime. A partir de cette passion pour la nage, l’auteure dresse un portrait plein de tendresse pour cette femme qui n’a cessé de revendiquer sa liberté à travers sa passion pour l’élément liquide. La jeune fille, née en 1919 n’a évidemment pas évité toutes les contraintes liées à son siècle et à son sexe. Mais son obstination à rechercher des lieux pour se baigner est une véritable revendication. Celle de son indépendance et cela même avec un mari, un enfant et les diktats de la société.
Chantal Thomas s’interroge sur ce que cette mère fantasque lui a légué. Cette envie irrépressible de nager, cet amour pour la ville d’Arcachon, ce besoin de vivre sans entraves sans doute. Cette mère, finalement si peu mère, qui n’a jamais véritablement cessé d’être la fille de ses parents, devenue veuve s’installera dans le Sud mais ne renonça jamais à nager. Et quand la mémoire lui fera défaut, celle du corps la conduira encore près de la mer.
L’auteure vogue ainsi de souvenirs en souvenirs, retraçant la vie de sa mère et sa propre enfance auprès de Jackie. La succession des chapitres, très courts, nous entraîne de rivages en rivages, dessinant par petite touche le portrait de cette femme pour laquelle Chantal Thomas nous transmet toute sa tendresse. Elle entasse et polit ainsi ses souvenirs, comme autant de galets sur une plage. Des souvenirs d’enfance, de jeux sur la plage, de rencontres avec de petits estivants, une relation filiale qui s’est tissée de plus en plus étroitement au fil du temps.
C’est doux, apaisant, sublimement écrit. Chaque page contient un océan de poésie et quelques brins de nostalgie. Chantal Thomas cultive la simplicité de l’écrit mais aussi la justesse. Aucun mot de trop, aucune démonstration grandiloquente. Chaque page recèle une perle, une phrase qu’on a envie de retenir. Il ne reste plus qu’à se laisser porter par le flux des phrases pour être transporté sur une plage, au bord d’une mer ou d’un océan. Un véritable plaisir de lecture.
Pas accrochée
Un livre qui démarrait bien mais qui s'enlise dans des descriptions de nage redondantes. Je n'ai pas accroché et je l'ai abandonné au bout de 50 pages...
Chantal Thomas rend ici un magnifique hommage, d'une part à sa relation certes complexe mais fusionnelle avec sa mère, et d'autre part, à la passion de la natation qu'elles partagent.
" J'aime l'eau d'amour. Et dans l'expression "l'eau est bonne", je perçois une température mais aussi une qualité morale".
En effet, par le biais de courts chapitres, aux noms soigneusement choisis et évocateurs, l'auteure nous fait découvrir la joie mais surtout la liberté que sa mère - Jackie - ressentait lorsqu'elle nageait.
" Ma mère ne se repose pas, ne se pose sur rien - sauf sur la mer."
Plaisir qu'elle lui transmettra....
" D'ailleurs, je ne pense pas en termes de région, mais de rivage - sable, mer et ciel dans une interaction perpétuelle, une interpénétration infinie. C'est cette fluidité qui est de ma part objet d'amour. A vrai dire, j'en fais moi-même partie."
Ce sont deux femmes en osmose totale dans le milieu aquatique.
Toute la vie de Jacky s'organisera autour de cet art de vivre, à la fois fantaisiste et décomplexé.
Mais lorsqu'elle est privée de cette pratique quotidienne, quasi physiologique, son état dépressif reprend ses droits.
"... ma mère a deux visages : son visage de maison, obscur, et son visage de natation, lumineux."
Jeunes mariés de la fin de la première guerre mondiale Eugénie et Félix ont eu la chance de aprtir en vacances à Arcachon en 1936 avec leur fille Jackie, née en 1919. tombés amoureux de cette ville, ils choisirent de quitter Viroflay et de s'y installer.
Jackie avait depuis toujours la passion de la natation n'hésitant pas à plonger dans le Grand Canal de Versailles et d'y aligner quelques longueurs sous l'oeil médusé des gardiens et promeneurs ...
Elle s'installera elle aussi à Arcachon après son mariage, n'envisageant pas une seconde de vivre loin de ses parents ...
Chantal, sa fille, grandira près des plages ...
Dans ce roman, elle évoque la passion de Jackie pour l'océan, pour la natation rappelle les couleurs sombres, verdâtres de l'eau, l'écume des vagues, le sable traître pour les bateaux ...Elle se souvient de son enfance entre ville d'été et ville d'hiver avec le flux des estivants, vite repartis en rendant la plage aux vrais résidents ...
Après son veuvage, Jackie tournera la page de l'océan pour se réfugier à Menton puis à Nice, près de la mer où elle pourra enchaîner ses longueurs presque toute l'année ...
Un roman / livre de souvenirs où l'eau est toujours présente, présence rassurante dans un monde incertain ...
Un roman où j'ai aimé me plonger, me laisser bercer et revoir ces villes méconnues ...
http://leslivresdejoelle.blogspot.fr/2018/02/souvenirs-de-la-maree-basse-de-chantal_19.html
Chantal Thomas nous raconte sa mère et leur relation. Sa mère, Jackie née en 1919, avait la particularité de vouer une dévotion fanatique à la nage. Elle pratiquait un crawl élégant, seule dans l'immensité bleue de l'océan près du Bassin d'Arcachon, à une époque où seuls les hommes nageaient alors que les femmes bien élevées restaient sur le rivage "empaquetées de jupons, de robes et de châles, protégées du vent et du soleil."
C'était aussi une femme qui, jeune fille aux allures de garçon, avait eu l'audace de plonger dans le Grand Canal à Versailles pour y nager tranquillement sous les yeux ébahis des gardiens.
Jackie était obsédée par le sport mais ne pratiquait la compétition que contre elle-même, nageant avec frénésie, coachée par son père, tous deux chercheurs de l'excellence. Mais elle dépensait toute son énergie dans la nage et ne savait pas comment s'occuper en dehors de ces moments, elle n'était pas faite pour une vie de femme au foyer, rebutée par les devoirs de ménagère et vivait sa maison comme une prison.
"Ma mère a deux visages : son visage de maison, obscur, et son visage de natation, lumineux."
Chantal Thomas évoque à demi mots la dépression de sa mère sujette à des sautes d'humeur et des angoisses, elle la décrit comme une femme lunatique qui vivait dans " la bulle de son présent " et évoque son père enfermé dans son silence. Une mère indifférente à toute notion de transmission qui ne pouvait imaginer vivre ailleurs que près de ses propres parents dans le bassin d'Arcachon, lieu symbole de vacances "pour se réfugier dans une sorte de vide ou de vacuité" et qui, devenue jeune veuve, éprouvera le besoin d'autres rivages et s'installera à Cap Ferrat sur la côte d'Azur. Chantal Thomas résume bien sa mère en nous donnant sa devise : "sport, vacances, joie, soleil."
Je trouve que les mots qui définissent le mieux ce roman constitué de courts chapitres, de souvenirs non datés, sont délicatesse et élégance.
Délicatesse et élégance pour raconter les vacances, les maisons de famille, l'amour de la mer et des rivages commun à Chantal Thomas et à sa mère toutes deux reliées par un lien magique aux éléments. "Les personnes, au fond, ont un rôle secondaire. Ce sont les éléments qui nous dictent nos conduites. Le soleil ou la pluie, le vent, le sable, les marées." Délicatesse et élégance de la plume de Chantal Thomas dotée d'une certaine grâce pour nous relater ses souvenirs d'enfance et brosser un portrait de femme libre et fantaisiste.
Il ne faut s'attendre à trouver aucun règlement de comptes de l'auteure envers sa mère pourtant très défaillante voire franchement antipathique, elle fait preuve d'une discrétion totale sur ses difficultés à se construire dans ce contexte. Ce récit a été une belle occasion pour moi de découvrir cette auteure que je n'avais encore jamais lue.
Ce titre fait partie de la sélection du Prix Essai France-Télévisions 2018.
Je connaissais Chantal Thomas grâce ses romans historiques dont le dernier " L'échange des princesses " vient d'être adapté au cinéma. " Souvenirs de la marée basse " m'a tout de suite évoqué mes vacances sur la côte atlantique et ma fascination pour le phénomène des marées. Mais c'est ici à la fois un album de famille et un journal de deuil. Découpé en courts chapitres admirablement ciselés, l'auteure raconte avec beaucoup de sensibilité sa jeunesse à Arcachon, sa joie de vivre au bord de l'océan, la beauté et le mystère du Bassin, sa maman sirène, esthète du crawl, qui finira son existence sur la Côte d'Azur, plus libre que jamais, en pratiquant toujours la natation comme un art de vie. Le style de ce roman est clair et fluide. Chantal Thomas a le sens du détail qui fait mouche et nous instruit par des digressions historiques pertinentes. Ainsi, avec beaucoup d'humour et d'imagination, elle oppose la désinvolture de sa mère adolescente qui décide un jour de nager le long du Grand Canal de Versailles aux contraintes et interdits des fantômes de ce palais, qui l'observent des fenêtres avec envie ou indignation. Alors les femmes bien nées ne savaient pas nager ! L'écrivaine remercie sa maman de lui avoir donné le goût de la nature, le plaisir sensuel de l'eau, le sens de la liberté, l'envie de voyager et de faire des rencontres au hasard et d'apprendre par son corps en toute indépendance. Pourtant, à la relecture, quelques remarques rapides montrent le désarroi de la petite Chantal face à une maman " enfant", distante, égocentrique et d'humeur changeante. Plus tard la mère aimante mais superficielle et la fille trop sérieuse ne se comprendront pas plus, voire s'opposeront parfois dans leurs conversations. Bien sûr ces passages négatifs ne pouvaient qu'affleurer à peine dans ce récit nostalgique, comme certains rochers le font parfois à marée basse.
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