Que diriez-vous aujourd’hui d’un voyage dans les Etats-Unis du XIXème, plus particulièrement au moment de la ruée vers l’or, qui enflamma tant les esprits ? Dans L’or, Blaise Cendrars s’inspire de l’histoire d’un pionnier, Johann August Suter, pour nous offrir un livre des plus réussis.
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Que diriez-vous aujourd’hui d’un voyage dans les Etats-Unis du XIXème, plus particulièrement au moment de la ruée vers l’or, qui enflamma tant les esprits ? Dans L’or, Blaise Cendrars s’inspire de l’histoire d’un pionnier, Johann August Suter, pour nous offrir un livre des plus réussis.
Né en Suisse en 1887, naturalisé français en 1916 et mort en 1961, Blaise Cendrars a derrière lui une œuvre très variée, faite de poésie, romans, reportages et mémoires. Les voyages lui ont souvent servi de matériel pour écrire. C’est notamment au Brésil qu’il trouve l’inspiration finale pour écrire L’or, publié en 1925 et largement couronné de succès. Ce livre fera l’objet de 2 adaptations cinématographiques (et il est vrai que le livre s’y prête).
Quand s’ouvre le récit, le 6 mai 1834, Johann August Suter vient de laisser derrière lui femme et enfants. Né en 1803, il cherche à quitter la Suisse et l’on suit son parcours pour se rendre en Amérique. Après avoir fait mille métiers à New York et collecté beaucoup d’informations sur l’ouest, il se décide à aller en Californie :
"Durant les trois mois qu’il vient de passer à Fort Independence, Johann August Suter a mûri son plan.
Sa résolution est prise.
Il ira en Californie.
Il connaît la piste jusqu’à Fort Van Couver, le dernier, et si certains renseignements qu’il a pu se procurer ne sont pas trompeurs, il saura continuer plus loin.
La Californie n’attire pas encore l’attention ni de l’Europe, ni des Etats-Unis. C’est un pays d’une richesse incroyable. La république de Mexico s’est approprié les trésors accumulés durant des siècles dans les Missions. Il y a des terres, des prairies, des troupeaux innombrables qui sont à la merci d’un coup de main.
Il faut oser et réussir.
On peut s’en emparer.
Il est prêt."
Suter est un homme d’action, qui fait preuve d’obstination et sait louvoyer entre les différents acteurs de la région. La Californie appartient alors à la république de Mexico, mais décline, et rejoint dès 1850, l’Union. Il met en valeur des terres et devient le plus gros propriétaire terrain de l’Etat, employant une main d’œuvre importante, notamment des esclaves canaques. Paradoxalement, son « Empire » se fissure en 1848, quand l’un de ses employés découvre par hasard de l’or sur les terres de Suter. C’est le début de « la ruée vers l’or ». Il ne reçoit aucun revenu de l’or, se voit partager ses biens alors qu’il a les droits de propriété, et se lance dans un procès qui ne se termine jamais. C’est donc l’histoire d’un homme, de son ascension, de sa chute, dont il est question, le tout dans une période « anarchique » où affluent ceux à la recherche de fortune.
Ce fut pour moi une excellente lecture. D’une part, le contexte historique est très intéressant, c’est une époque de rupture pour l’ouest américain et ce livre constitue si nécessaire une « piqûre » de rappel. D’autre part, Cendrars restitue très bien le destin finalement tragique de cet homme. Enfin, c’est le style de Blaise Cendrars qui conquiert le lecteur. Il s’exprime dès les premières pages, avec une description de Suter cherchant à obtenir un passeport en Suisse, nous le décrivant comme un « étranger » : une ambiance toute particulière qui « happe » le lecteur en quelques lignes. Ses phrases courtes, incisives, notamment dans la première partie du roman, sont en phase avec la quête effrénée de Suter, avec son caractère. Il nous fait également bien ressentir la césure qui s’opère lorsque l’or est découvert et on reconnaît à peine le conquérant qu’il était.
C’est la première fois que je lisais un livre de Blaise Cendrars et assurément pas la dernière.
https://etsionbouquinait.com/2020/10/25/blaise-cendrars-lor/