"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Aimé est né au Bénin d’un père franco-vietnamien et d’une mère fille d’un fonctionnaire devenue sorcier. A l’approche de la quarantaine et ayant perdu toute sa famille, il prend conscience que son quotidien d’aide soignant au Bénin n’a plus aucun sens pour lui. Commence alors un voyage qui va le mené en Norvège, va-t-il enfin trouver un sens à sa vie ? L’auteur nous raconte l’histoire romancé d’une connaissance rencontré dans un hôpital de Norvège. J’ai eu peur au début de ma lecture car la première parti au Bénin était déroutante. Le narrateur et personnage principal raconte en vrac aussi bien des choses qui lui sont arrivés à lui ou à ses aïeux que des détails concernant une église, un centre de soin, une ambassade… Il n’y a pas de logique ni de chronologie tout est posé comme une suite de pensés, ce n’est pas une construction de récit qui m’attire même si c’est un choix pertinent pour illustrer le fait qu’Aimé ne se sent plus à sa place. Les aspects croyances traditionnelles et comment se fait un équilibre avec les « religions importées » sont chouettes mais c’était trop décousu pour moi. Dans la seconde partie, Aimé découvre la France puis la Norvège. J’ai pris plaisir à voir évoluer Aimé. Entre sa découverte de l’Europe et de ses différences avec le Bénin, son intégration et cette sensation d’être enfin arrivé à sa place, d’atteindre une harmonie on obtient un récit tranche de vie riche et fascinant. Petit bémol sur cette seconde partie, il y a beaucoup de descriptions de soins hospitaliers, aucun détail n’est épargné au lecteur et ça participe à une ambiance de lenteur qui peut déranger. Même si tout ne m’a pas convaincue, je suis contente d’avoir découvert ce titre qui sort complètement et de ce que j’imaginais et de ce que je lis habituellement.
Aujourd'hui est lancée la salve des sorties littéraires, dont les deux titres des Éditions Vivane Hamy. Celui par lequel j'ai entamé mes découvertes s'intitule Nord Bonheur et met en avant l'auteur hongrois Árpád Kun. Si l'auteur est bien d'origine magyare, le récit s'en éloigne totalement, il oscille entre Bénin et Norvège à travers son personnage Aimé Billon, franco-béninois. L'auteur le précise dans la postface, texte idéalement placé, puisqu'il nous dévoile ses intentions d'auteur en toute fin de livre, nous laissant le loisir de le découvrir par nous-même : s'il s'est inspiré d'une de ses connaissances proches, en Norvège là où il s'est installé en 2006 avec sa famille, pour construire la vie et la personnalité de ce gentil géant, il en a cependant romancé sa vie. Car Aimé est un homme exceptionnel, qui a le gout et le don des langues et des cultures étrangères, lui issu d'une union métissée entre une Béninoise et un Franco-vietnamien.
C'est un récit riche, très richement diversifié au point de vue culturel, qui s'étale sur près de cinq cents pages, qui pose ses premiers jalons à travers de ceux d'Aimé au Bénin, anciennement république du Dahomey, état d'Afrique de l'Ouest qui a subi les colonisations française et portugaise. Outre le mélange culturel dont est issu Aimé, et qui marque l'entité de ce récit, le roman s'assimile pour l'homme à un long voyage vers l'âge adulte, le Nord, en même temps que vers le bonheur. On perçoit dès les premières pages la curiosité insatiable de l'homme qui se mue en une attirance presque inextinguible vers cet ailleurs polymorphe qui prend l'image de la France, de l'Allemagne, de l'Angleterre ou de l'Espagne. L'auteur cultive la singularité d'Aimé dès le départ, avec la branche maternelle le plonge dans le monde dans l'occultisme béninois, peut-être difficilement réel, pratiquement déconnecté, pour les lecteurs très pragmatiques qui peuvent lire cette version originelle de la religion vaudoue, qui est d'abord apparue au Dahomey, avant de s'imposer en Haïti. C'est l'une de ces dimensions surprenantes qui m'a plu, découvrir les mythologies de peuples, dont j'ignorais tout, qui entretiennent avec le cosmos une relation très proche - ainsi qu'avec les animaux. En cela, c'est une vision nouvelle, plus spirituelle, plus sensible, qui s'ouvre à nous avec le récit de l'enfance d'Aimé dans sa patrie originelle.
Mais Aimé ne recèle pas qu'en lui les secrets du Bénin, son envie d'ailleurs le portera vers le nord, via une courte étape française. Si cette terre n'a rien d'un asile, c'est la Norvège qui porte en elle le futur d'Aimé, ce pays glacé qui est l'exact opposé du Bénin, tant au niveau géographique que culturel. J'ai ressenti toute l'admiration de Árpád Kun lui-aussi exilé en Norvège pour cet homme, d'une grandeur admirable par bien des côtés. Aimé Billon possède la faculté de s'intéresser profondément, et surtout de s'adapter, à tout ce qui n'est pas lui. Il est une sorte de caméléon qui porte encore en lui le langage de ses ancêtres béninois, des dieux qui hantent son histoire ainsi que celui de sa vie actuelle, il est le fruit improbable, unique, incroyable de la culture et l'intelligence, l'adaptation et l'assimilation, une gentillesse, une ouverture, hors-du-commun, sans borne. Cette admiration, Árpád Kun l'avoue d'ailleurs dans sa postface, indiquant si besoin était, la trace que laisse le franco-béninois-norvégien derrière lui, indélébile et discrète, bienfaisante et bienveillante. Aimé Billon est, à mon sens, l'un de ses esprits vaudous, avec Legba, messager des Dieux, Dieu de la réflexion. Aimé n'exerce pas non plus n'importe quelle profession, il a choisi d'être aide-soignant, de s'occuper de son semblable.
Ce roman narre la vie de ce bonhomme, au sens littéral du terme, mi-esprit mi- humain, en tout cas qui s'instaure une dimension au-dessus de ses contemporains, ni tout à fait africain ni européen, mi-béninois mi-français mi-norvégien, et il est aussi surprenant que le sujet qu'il traite. Traduit du hongrois, il porte également en lui la pensée d'un homme qui a quitté son pays d'origine ainsi que la rencontre de deux exilés en un lieu qui font d'eux, à la fois, deux parfaits étrangers, et deux proches parents qui se comprennent peut-être mieux que quiconque ne saurait le faire. Sa réaction face aux attitudes qui frôlent le racisme à son égard est aussi surprenante, comme s'il comprenait et acceptait que son apparence d'homme noir à la stature imposante ne pouvait que susciter effroi parmi les autochtones norvégiens.
C'est le premier ouvrage de l'auteur hongrois traduit en français, et rien que pour cela, cette rentrée littéraire réserve de bonnes surprises. Je remercie les Éditions Viviane Hamy qui m'ont offert la possibilité de découvrir le parcours hors du commun d'Aimé Billion et l'écriture de Árpád Kun, dont la connaissance de la France qui transparait du récit n'est alors plus surprenante dès lors qu'on sait qu'il est diplômé en lettres françaises après des études à la Sorbonne. Déjà auteur de poèmes et de nouvelles, il s'est lancé dans la fiction avec Nord Bonheur, j'espère que son second roman figure au programme des publications à venir d'auteurs hongrois.
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