Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
Un premier roman qui aborde la condition des femmes et l'abandon d'une région.
Cela se déroule dans les Appalaches. C'est une histoire de pauvreté, de désolation, d’alcool, d'emprise et de violence.
C'est aussi l'histoire d'une amitié qui brave tout.
Il y a beaucoup de noirceur dans ce récit.
Il est néanmoins difficile de s'attacher aux personnages.
Les paysages sont poétiquement décrits.
L'écriture est sombre et pesante.
Un réussite pour une première.
Dans un coin perdu des Etats-Unis, Wren est une adolescente solitaire qui vit dans une cabane délabrée avec ses parents. Vêtue de longues robes cousues à la main et maintes fois rapiécées, ses cheveux longs tressés lui descendant jusqu’à la taille, elle n’est pas scolarisée et fréquente bien peu de monde. Son entourage proche se limite à son père, un prêcheur charismatique et possessif, à sa mère Ruby qui rêvait de liberté mais s’est retrouvée coincée dans son mariage avec cet homme égocentrique, à Ivy, l’amie d’enfance de sa mère, qui subit à peu près le même sort, en y ajoutant le fait qu’elle doit s’occuper de sa ribambelle d’enfants et qu’en plus, son mari est alcoolique. Comme la plupart des hommes de la région, d’ailleurs, qui boivent, produisent ou trafiquent le « moonshine », un whisky artisanal de contrebande.
Vu ce contexte de patriarcat incurable et de conditions matérielles précaires, on pourrait croire que ce roman se situe il y a quelques siècles. Et pourtant, il s’agit d’une histoire bien contemporaine, qui se déroule dans la région Appalaches, au coeur de la tristement nommée Rust Belt, naguère prospère grâce à son activité industrielle et minière florissante, et aujourd’hui sinistrée économiquement, polluée chimiquement, abandonnée et oubliée de tous. Wren et les siens font partie d’une petite communauté vivant isolée dans les montagnes, à l’écart du progrès et du confort. Vingt ans plus tôt, cela n’a pas empêché Ruby et Ivy de vouloir s’enfuir loin de cette vie oppressante pour les femmes, juste avant que l’illusion de l’amour ne les piège pour les clouer sur place (« Etre la femme de quelqu’un, c’est la même chose qu’être la propriété de quelqu’un »). Et aujourd’hui, cela n’empêche pas Wren de rêver elle aussi d’autre chose et d’avoir envie de se révolter contre son père qui la tient enfermée dans une vie étriquée. L’étau autour d’elle est serré, et il faudra le déclencheur d’un accident tragique pour ébranler le carcan et peut-être précipiter son départ vers la liberté.
Raconté par Wren dans sa première partie, le roman remonte ensuite le temps d’une génération pour revenir sur la jeunesse de Ruby et Ivy, expliquant le passé pour éclairer rétrospectivement le présent. Il décrit l’atmosphère lourde, menaçante, mélancolique dans laquelle vivent Ruby, Ivy et Wren, au milieu des superstitions, de la pauvreté, de l’alcoolisme, de la misère intellectuelle. Il raconte le destin brisé de deux femmes et la tentative d’émancipation d’une troisième, au sein d’une curieuse petite communauté chrétienne où l’on pratique la manipulation rituelle de serpents venimeux (dont je n’avais jamais entendu parler).
Les personnages de « Les femmes n’ont pas d’histoire » sont complexes, forts, pas nécessairement attachants, et ce roman cruel mais pas entièrement désespéré est assez touchant et prenant.
J’ai bien aimé Les femmes n’ont pas d’histoire, le roman choral proposé par Amy Jo Burns.
L’ambiance, assez prenante, fait penser à celle d’Un pied au paradis de Ron Rash, car l’atmosphère y est âpre et le temps suspendu : les villageois vivent repliés sur eux-mêmes dans une enclave de Virginie-Occidentale, au fin fond des Appalaches, loin de toute trace de civilisation moderne (Internet n’y a pas droit de cité); les hommes - au mieux - travaillent à la mine, ou sont ferrailleurs (comme Arledge), ou bien encore sont prédicateurs (comme Briar Bird, le prêcheur manipulateur de serpents), ou - au pire - sont au chômage. Leurs femmes leur sont historiquement totalement dévouées, car l’Homme assure la subsistance de la famille, dans ce chemin de vie rural, tout tracé.
La foi, la superstition et les traditions, très prégnantes dans leurs existences désolées, rythment donc leurs jours…ainsi que la fabrication du whisky de contrebande qui occupe beaucoup les hommes (dit les moonshiners). Des amitiés belles ou destructrices se nouent à la vie-à la mort (Briar/Flynn, Flynn/Ruby, Ruby/Ivy).
Tout au long de ce roman, le lecteur croit donc lire une histoire d’un temps reculé, une histoire d’un XIXème siècle d’avant la Révolution Industrielle américaine. Et c’est là l’un des talents de l’écrivaine Amy Jo Burns que d’être arrivée à nous faire occulter tous les marqueurs de progrès de notre époque, apportant ainsi un certain cachet désuet.
Dans cette région de la Rust Belt où précarité et alcoolisme sévissent, deux générations de femmes vont se débattre avec leur fatum, en un huis clos rendu étouffant par une nature omniprésente, sauvage et hostile : Ruby et Ivy les deux amies, puis Wren (la fille de Briar et Ruby) vont donc tenter de reprendre leur destin en main, en essayant - chacune à leur manière - de se défaire du joug patriarcal.
Via cette fiction, Amy Jo Burns nous offre un magnifique manifeste idéologique, puisqu’il s’agit ici de redonner sa place à la Femme. Sa place, c’est à la fois un espace sociologique où la femme pourrait avoir sa propre histoire, en étant libérée des tâches domestiques et de l’enfantement à la chaîne, et à la fois un espace intellectuel où la femme pourrait exprimer ses aptitudes (aux mathématiques pour Ruby, par exemple), et enfin un lieu où la femme pourrait choisir de s’établir loin des hommes de la montagne.
La romancière nous montre subtilement que la libération de la femme, et de façon plus générale, l’ouverture à la vie, peuvent conduire à des chemins semés d’embûches, si les choix de vie ne sont pas les bons (tel que le mariage de Ruby avec Briar, ou tel que l’abandon par Ivy de son bébé Sonny). Le poids des non-dits peut également venir infléchir ou peser sur le cours d’un destin.
Amy Jo Burns montre aussi que cette conquête - par les femmes - de leur liberté peut être menée, avec l’aide indéfectible des hommes, ou plutôt de certains hommes (celle de Flynn l’ami fidèle, ou celle de Caleb le jeune homme du foyer de tante Bette).
En cela, le roman Les femmes n’ont pas d’histoire s’avère vraiment intéressant, car il donne à voir un besoin d’émancipation des femmes, sans qu’aucune vision manichéenne ne vienne entacher leur croisade féministe.
Pour finir, rendons grâce au style fluide et incandescent d’Amy Jo Burns qui nous tient en haleine, petit à petit, de révélations en révélations, jusqu’à ce que le voile soit enfin levé sur certains mystères, jusqu’à ce que la lumière de l’espoir finisse par jaillir après toute la noirceur qui aura jalonné son récit.
Les femmes n’ont pas d’histoire ? Et pourtant… Dans une région isolée des Appalaches, Wren vit avec son père et sa mère loin de tout. Lui, prêcheur, manipule les serpents devant ses fidèles, pendant que la mère et la fille vivent dans son ombre. Cependant, un accident survient, et va briser les codes établis et révéler des secrets gardés depuis des années. Le livre se lit presque à rebours, puisque pour comprendre le début, nous remontons dans le passé. On y rencontre des femmes fortes rêvant de liberté, mais assommées par la puissance des hommes. L’ambiance est âpre, et le mode de vie de la famille si archaïque que l’on oublie par moments que le récit se déroule à notre époque.
L’autrice a sans conteste un don pour nous conter des histoires. On se laisse porter le long de ces vies brisées à la recherche de réponses en tentant de comprendre ces personnages complexes. Une belle histoire de femmes dans un monde qui n’est pas fait pour elles.
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