Par l'auteur de "Là où l'histoire se termine" aux éditions Liana Lévi
Par l'auteur de "Là où l'histoire se termine" aux éditions Liana Lévi
Mensonge, lâcheté, remords et culpabilité sont au menu de « La faute ».
La faute à qui ?
Qui est coupable ? Le narrateur, coupable d’avoir changé de vie, d’avoir oublié et renié ses parents, d’avoir adopté une nouvelle famille, d’avoir troqué les dettes et les huissiers de la première pour l’opulence et le luxe de la seconde ?
Les parents qui ne parlaient pas, se querellaient et ont mal fini ?
La nouvelle famille qui efface l’ancienne ?
En définitive, ce sont bien les mensonges du narrateur, ses accommodements avec la réalité qui constituent la faute principale et le sujet de ce roman d’apprentissage.
« Mentir m'avait troublé plus que prévu. C'était comme si un nouveau moi avait étouffé le petit garçon loyal et consciencieux de toujours. Un moi social, pour ainsi dire, doté de l'habileté suffisante pour deviner que dans le monde la sincérité, l'honnêteté intellectuelle et l'auto-ironie sont des qualités beaucoup moins utiles que le charme, la simulation et la possession de certains objets coûteux. »
Et de fil en aiguille,
« Comme faire de l'épate ne coûte pas cher, le risque est d'y prendre goût. Le mensonge devient alors un habitat qui n'est que trop confortable, et vous vous retrouvez l'otage de vos balivernes comme il arrive à trop de journalistes malhonnêtes et aux rares excellents romanciers encore en circulation. Alors oui vous pouvez vous exposer à des accidents fâcheux. »
Les pages se tournent vite, avides que nous sommes de découvrir « la faute ». Mais si, comme le narrateur, nous avons pris quelques arrangements avec la réalité de notre vie, impossible d’en sortir indemne. Les mensonges enfouis remontent, les remords suivent et nous voilà prêts à plaider coupables.
En fin connaisseur de Marcel Proust auquel il a consacré deux essais, Alessandro Piperno est certainement habité par le style de son illustre prédécesseur.
Usant de longues phrases métaphoriques et sondant les états d'âme du personnage principal dans toute leur complexité, l'Italien marche en effet dans les pas de son maître.
Dans son dernier roman, le narrateur, désormais quinquagénaire, se retourne sur le parcours qui l'a mené de l'enfance à l'âge adulte. Celui qui n'a ni prénom ni nom, sauf celui qu'il prendra au mitan du récit, grandit dans une famille dysfonctionnelle. Fils unique, il observe son père, un brave type incapable de mener à bien ses projets professionnels mais que son rejeton adore pour sa bonne humeur, et sa mère, une femme secrète et énigmatique. Il assiste aussi aux scènes de ménage interminables entre ses parents dont la cause est l'accumulation des dettes. Pour le narrateur l'argent restera toujours associé à la honte originelle du manque.
Le voile va se lever en partie sur les origines juives de la mère lors d'un Seder de Pessah d'anthologie. Quittant les quartiers modestes de l'Est de la capitale italienne, le couple flanqué de l'enfant débarque dans un appartement cossu où se trouve une ribambelle de gens. Parmi elles, le flamboyant oncle Gianni qui comptera beaucoup pour l'adolescent après un événement dramatique qui fera du narrateur une espèce de traître, de menteur et d'imposteur, s'inventant une autre existence que celle qu'il a connue jusqu'alors pour oublier sa courte vie bien morne et se donner une nouvelle identité, fasciné qu'il est par les mirages de la grande bourgeoisie juive romaine.
Comme dans « La Recherche » de Proust, Alessandro Piperno raconte le parcours d'un enfant qui devient écrivain et qui nourrit son œuvre de son vécu en se transformant en personnage de roman pour toucher du doigt la vérité sur lui-même.
Portrait tout en finesse psychologique, « La Faute » est un récit intelligent, souvent drôle mais d'un humour désespéré, qui souligne combien les familles sont « des repaires de duplicités éternelles » impossibles à escamoter.
EXTRAITS
Je découvrirais qu'en matière de lâcheté sentimentale, déguisée en réserve et en ironie, j'étais imbattable.
Rien ne donnait autant de lustre à un pedigree juif que deux grands-parents trucidés par les nazis.
La fiction m'offrait la possibilité inespérée sinon de dire la vérité à tout prix du moins de cesser de ne pas la dire.
http://papivore.net/litterature-italienne/critique-la-faute-alessandro-piperno-liana-levi/
Juillet 1986. Leo Pontecorvo, brillant pédiatre-cancérologue, juif romain, marié à Rachel dont il a eu deux garçons : Filippo et Samuel (Semi), voit sa vie basculer en un instant. Camilla, âgé de douze ans, qu’il avait emmenée en vacances pour faire plaisir à Semi, l’accuse de harcèlement. Preuve à l’appui, la correspondance de l’inconscient Leo. Sauf qu’il s’agirait du contraire semble-t-il … Malheureusement l’éminent médecin, totalement sidéré par la tournure des évènements, est incapable de réagir à ce coup du sort …
Alors, vengeance d’une adolescente vexée d’avoir été éconduite ou stratégie machiavélique d’un entourage jaloux de sa réussite ?
Leo, d’ordinaire (en tout cas aux yeux des autres) charismatique, sûr de lui, protecteur, admiré par ses amis et craint par ses enfants, perd le contrôle de sa vie exemplaire et va vivre le pire, en passant par la case prison …
Un homme fort qui pourtant n’a jamais su défier sa mère. A toujours dû se montrer à la hauteur de la réussite sociale de ses hypocondriaques parents. Un mari constamment en conflit avec son épouse, qui la laisse toutefois diriger seule la bonne marche de la maison.
L’auteur nous balade dans un récit complexe, parsemé de grandes considérations philosophiques, de flash-back sur sa jeunesse, qui nous éloignent parfois du sujet. Lecture un tantinet laborieuse pour ma part, pas certaine d’avoir envie de découvrir le second volet …
C’est une addiction ! Je dois (me) l’avouer (le chemin de la guérison débutant à la prise de conscience de la maladie), après avoir été Pipernophile dès la première lecture, j’ai rejoint les rangs des Pipernodolâtres les plus virulents et aujourd’hui, les symptômes sont clairs, je suis Pipernomane dépendant. C’est stupéfiant l’effet que ses livres me font.
Prenez le dernier, celui-ci, sur lequel vous attendez peut-être un avis (qui ne vient pas, je sais). Je l’ai acheté il y a plus d’un mois. Aussitôt, je l’ai enfoui dans un tiroir pour ne plus le voir et je me suis mis à lire autre chose. Du lourd, du quatre étoiles et demi de chez Lecteurs.com, du Roth Joseph et Philip, du Rash, de l’Atkinson, du Pérez-Reverte, du Russo, du Fante, de l’Echenoz, du Munoz Molina, enfin vous voyez : de quoi réussir une cure de désintoxication. Et puis hier, le temps, l’humeur, le manque sans doute, j’ai ouvert le tiroir. Rechute immédiate !
Ne croyez pas que j’ai tout avalé en trois heures. Non, c’est tout le contraire parce je ne suis pas fou, je sais que c’est dangereux. Je n’ai pas envie de faire une overdose qui serait de très mauvais goût sur Lecteurs.com. Alors, je lis quelques pages, je note des citations à distiller au fil de ma lecture et c’est le déluge. Je n’ai pas lu les cent premières pages que j’ai déjà vingt-cinq citations à vous faire découvrir. C’est maintenant vous qui risquez l’overdose…
Trois jours plus tard, vous êtes toujours là ?
Si on parlait un peu du livre ? Revoici les frères Pontecorvo dont le père était l’objet central de Persécution (qu’on peut tout à fait lire après même si ce serait mieux de le faire avant). Vingt ans ont passé, Filippo est un dilettante, aujourd’hui on dirait un glandeur, qui ne fait pas grand-chose mais le fait avec élégance et sur lequel, sans qu’il l’ait vraiment cherché, s’abat soudain la réussite puis la célébrité et la reconnaissance médiatique.
Samuel, son frère, ex golden boy, futur ex-courtier en coton, est à peu près tout ce que son frère n’est pas (et réciproquement) mais les deux frères sont unis comme ces perroquets qu’on appelle inséparables parce qu’ils vont toujours par deux. L’un est marié à une actrice de sitcom dont il tombé amoureux devant sa télé, l’autre va se marier avec la femme qu’il fréquente depuis quinze ans sans avoir réellement consommé leur union. Au centre, il y a leur mère qui serait parfaite dans le rôle de la mère juive possessive mais qui sait limiter au minimum ses intrusions pour éviter la caricature.
On pense immédiatement au ton des comédies de Woody Allen, y compris les emballements amoureux, les hauts et les bas (surtout les bas, c’est plus amusant) de la vie conjugale ou familiale et les questions (d’aucun dirait obsessions) sexuelles. On traite ainsi de sujets sérieux voire graves avec une légèreté, une ironie et un humour enchanteurs. C’est distrayant, très bien écrit et toujours drôle. Les coups de griffe sont distribués avec élégance à un panel assez représentatif de personnages, d’institutions ou de situations qui ne l’ont pas vraiment volé. Actrices ou animateurs de télé, cuisiniers « nouvelle cuisine », architectes d’intérieur, dirigeants d’université à la recherche d’ intervenants « tendance », peu importe ce qu’ils ont à dire, businessmen vaniteux, fils à papa, réseaux sociaux « dopant l’amour comme la haine », foules hystériques, humanitaires progressistes aux convictions douteuses mais néanmoins attachants (« Il veut coopérer avec elle vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Le jour il veut l’admirer comme Mère Teresa de Calcutta, la nuit la baiser comme une star du porno »)… et puis, bien sûr, les fondamentalistes, car il semblerait qu’ils aient pris Filippo en grippe…« le plus grand don de Dieu au fondamentaliste est de l’avoir créé obtus. »
La marmite boue gentiment, l’orage va se déclencher et je ne vous dirai pas si les Inséparables y résisteront. J’adore cette histoire, la façon dont elle est racontée, la densité et les faiblesses de ses personnages et ce ton pétri d’humour qui alterne le sérieux, le burlesque et le tragique.
Vous êtes toujours là ? Toujours pas décroché(s) ?... (j’ai ajouté un « s » entre parenthèses parce que j’ai un tempérament optimiste). Mais il va falloir y penser quand même, nous allons devoir nous séparer parce que ce n’est pas moi qui vais vous livrer Inséparables. Il faut aller l’acheter, puis le lire dans la foulée (maintenant, pas demain, pas plus tard, pas dans la PAL), parce qu’à mon avis c’est le meilleur des quatre que je trouve tous formidables. Surprenez-vous, sortez de votre zone de confort habituelle et faites-moi confiance. L’été approche, il est temps de déguster sans modération un Piperno bien frais.
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