"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
En 1972, quatre jeunes universitaires prédisaient, modélisation à l'appui, l'effondrement de notre croissance exponentielle. Abel Quentin nous rappelle le message plus que jamais pertinent de ces lanceurs d'alertes, des collapsologues avant l'heure.
L'auteur, le livre (477 pages, 2024) :
Avec un peu de décalage, Abel Quentin s'empare du Rapport Meadows qui vient de fêter ses cinquante ans en 2022. Son bouquin, Cabane, a au moins le mérite de nous obliger à tapoter quelques recherches autour de ce fameux rapport et de ses auteurs qui en 1972, tirèrent (vainement) la sonnette d'alarme.
On était un tout petit peu trop jeune pour avoir entendu parler de ce rapport, mais c'est là une bien piètre excuse car il a été régulièrement actualisé depuis, tous les dix ans à peu près.
Le contexte :
Le bouquin évoque les auteurs du Rapport Meadows intitulé Les limites de la croissance, publié en 1972. Ces 4 jeunes universitaires du MIT analysaient les interactions de plusieurs “systèmes dynamiques complexes” (économie, démographie, ressources, pollution). Leurs modèles prédisaient un effondrement mondial vers 2050, en raison de notre croissance exponentielle insoutenable pour la planète.
À sa sortie, le rapport Meadows s'est vendu à des millions d'exemplaires mais ne nous inquiétons pas, il est tombé assez rapidement dans les oubliettes : aucun système politique n'est capable de faire les choix nécessaires et l'on sait aujourd'hui ce que devient notre planète.
“Les prophètes de malheur sont rarement écoutés” et généralement “on préfère foncer dans le mur en klaxonnant”.
Donc tout va bien, ce n'était qu'un rapport de plus, comme ceux du GIEC, une alarme que l'on peut oublier d'entendre en continuant de boursicoter sur des bulles spéculatives. Ouf.
Les auteurs du Rapport Meadows de 1972 (rebaptisé Rapport 21 dans le livre) étaient des Cassandre, des lanceurs d'alerte avant l'heure, des collapsologues, bien avant que tous ces mots ne soient inventés.
En 1979, quelques uns de leurs collègues vont même sortir le Rapport Charney sur le réchauffement climatique !
Toutes ces alertes ne datent donc pas d'hier mais bien d'avant-hier, il n'est pas inutile de le rappeler.
Comme ceux du GIEC, le rapport Meadows est souvent cité par ceux qui ne l'ont pas lu (moi, le premier) et le bouquin d'Abel Quentin est justement là pour vous permettre d'en parler à votre tour.
♥ On n'aime pas vraiment :
➔ La première partie du bouquin (beaucoup trop longue) s'attache aux pas des quatre universitaires du rapport, qui pour les besoins du roman, ont été redessinés et déménagés à Berkeley, la côte ouest est plus glamour et plus évocatrice des hippies. C'est un subtil mélange de bavardage intellectuel, d'ironie arrogante et d'amertume cynique : une recette qui ressemble fort aux figures imposées d'un prix qu'on court.
On a donc bien failli décrocher de ce bavardage un peu vain.
➔ Mais à mi-parcours, le bouquin change du tout au tout : Abel Quentin catapulte le lecteur en 2022, année marquant le cinquantenaire du rapport. En quelques pages, il nous résume le contexte qu'il vient de trop longuement développer et introduit un nouveau personnage : un journaliste se met à enquêter sur le quatrième larron du Rapport, le mathématicien norvégien, que l'écrivain avait pris soin de nous rendre un peu mystérieux. L'intrigue est enfin lancée.
➔ Las, la dernière partie du roman se perd dans un délire catastrophiste de survivalistes sectaires. On comprend bien que ce n'est qu'une histoire et pas la thèse d'Abel Quentin, mais paradoxalement, cela dessert dangereusement le propos initial. Le roman semblait jusqu'ici plutôt un hommage un peu ennuyeux aux auteurs du fameux Rapport Meadows mais transformer l'un des auteurs en savant fou (littéralement) n'est pas vraiment rendre service aux lanceurs d'alertes.
Avec beaucoup de mauvaise foi et un peu de méchanceté gratuite, laissons le dernier mot à Abel Quentin lui-même :
[...] Je relus à l’aube, et trouvai tout cela un peu fabriqué. C’était paresseux, sensationnel, approximatif, mais tout le monde le faisait, et il fallait bien vivre.
Le canevas :
Dans ce roman, Abel Quentin ré-invente donc le parcours des auteurs du célèbre Rapport Meadows (rebaptisé Rapport 21 dans le livre) en s'inspirant de quelques éléments de leur vie réelle pour créer ses propres personnages (il faut d'ailleurs régulièrement tapoter sur le ouèbe pour démêler le vrai du faux et de l'à peu près vrai).
Ce seront les Dundee qui vont figurer les Meadows, un couple de hippies écolos (c'était l'époque).
Dans la véritable équipe d'universitaires aux côtés des Meadows, il n'y avait pas de français mais bien un norvégien (Jørgen Randers) et un autre américain (William Behrens).
Aucun des quatre personnages d'Abel Quentin n'est vraiment sympathique : on les découvre perdus entre leurs égos, leurs déceptions (leur rapport fera beaucoup de bruit ... pour rien), leurs obsessions et leurs mesquineries. Voire leurs contradictions, puisque le personnage fr
Cabane parle du destin de quatre chercheurs, qui, en 1970 publient un rapport sur l’avenir du monde. Un rapport scientifique dont les conclusions quels que soient les scénarios sont sans appel. Il prédit l’effondrement à l’horizon 2050 de nos conditions de vie telles que nous les connaissons si l’humanité continue de se développer et à puiser dans ses ressources à cette même vitesse.
Abel Quentin s’inspire directement du rapport scientifique « Meadows » sur la limite de la croissance en 1972 pour écrire la fiction qu’il nous propose. Il met en scène les quatre scientifiques auteurs de ce rapport qu’il nomme ici « rapport 21 » et imagine leurs destins. Il aborde également le thème littéraire de l’effondrement, non pas sous la forme d’un roman post apocalyptique ou d’anticipation , mais en racontant les cinquante dernières années de ces quatre scientifiques et comment chacun appréhende cette angoisse qui va crescendo pendant les cinquante années d’une vie humaine.
L’auteur va mettre en scène un couple d’américains, Mildred et Eugène Dundee, qui, durant toute leur vie vont militer et porter le message extrêmement angoissant et terrifiant de ce rapport.
Le troisième personnage, un français, Paul Quérillot, est le plus stratégique et le plus cynique. Il refuse de se laisser emporter par le message sinistre du rapport. Il a envie de vivre et de profiter. Il tournera le dos à ce message qui critique la société industrielle et sa consommation frénétique pour profiter de tout ce que la vie peut lui apporter, en étant tout de même travailler par la mauvaise conscience.
Le dernier personnage est un norvégien, Johannes Gudsonn, jeune génie des mathématiques dont on perd la trace dans les années 1980.
En 2023, un journaliste Rudy Merlin, découvre « le rapport 21 » et va se poser la question de ce quatrième savant dont on a perdu la trace. Certains disent qu’il est devenu fou, d’autres qu’il se serait marginalisé. Il décide alors de mener l’enquête et de suivre les quelques traces qu’il a laissées.
Abel Quentin s’empare ici du réel et le décrit avec férocité afin de provoquer une prise de conscience sur l’urgence de réagir même s’il est déjà trop tard.
Cabane aborde le thème de la crise climatique sur fond de croissance industrielle et démographique qui mène l’humanité vers l’effondrement de notre monde.
Lu dans le cadre du « Prix Landerneau des Lecteurs 2024 » Je remercie les Editions « L’Observatoire » pour cet envoi.
Quel plaisir de retrouver la plume intelligente et quelque peu caustique de l’auteur dont j’avais adoré Cabane.
Autre roman, autre contexte : nous suivons Jean Roscoff, universitaire à la retraite, alcoolique et divorcé dont les heures de gloire sont derrière lui.
J’ai aimé son ex-femme, une working-woman qui veut réussir son divorce comme elle réussit sa carrière professionnelle.
J’ai eu de la peine pour Jean, 65 ans, qui n’a qu’un seul ami Max, avocat plein aux as. Jean dont le précédent roman sur les époux Rosenberg a fait un flop deux jours après sa sortie.
J’ai eu de la peine pour Jean qui ne cesse de répéter qu’il a fait la marche des beurs et le concert de la Bastille du 15 juin 1985.
Mais j’ai aimé sa passion pour le poète américain Robert Willow qui émigrera en France, fréquentera Saint-Germains-des-Prés à la haute époque et finira sa vie à Etampes à écrire des poèmes avant de décédé jeune dans un accident de voiture.
J’ai aimé que des extraits de poèmes de Willow parsèment le roman.
J’ai adoré les mouvements féministes qui apparaissent dans le roman, notamment celui du trans-exclusionary radical feminism. Pour les TERF, on est une femme si on nait avec des organes génitaux féminins. Le ressenti d’identité de genre ne compte pas. Quelle horreur et quelle exclusion dans la pensée du groupe.
J’ai découvert l’arrière-cour du mouvement SOS racisme : Harlem Désir était utilisé comme une tête de gondole par Julien Dray qui dirigeait tout, en autocrate.
J’ai également découvert le critique Alain Pacadis dont la mort signe véritablement la fin du punk ; le gin Bombay Sapphire ; le projet Venona qui a tenté de casser les codes de communication des Russes.
J’ai aimé Marc qui cite Sun Tzu à tout bout de champ et Jean qui conduit sa vieille Toyota Prius.
J’ai aimé que ce roman me parle de la haine qui monte rapidement sur les réseaux sociaux, un monde totalement étranger à Jean. Mais une haine qui passe vite, trouvant sans cesse de nouvelle cible.
J’ai aimé que ce roman mêle années de militantisme socialiste des années 80, les années 50 avec Sartre et Camus, et notre monde connecté moderne.
Un roman riche et puissant dont j’ai à peine effleuré les sujets dans ce billet.
Quelques citations :
Dans ces années-là, j’avais l’impression que les étudiants étaient de plus en plus cons. C’était, bien sûr, une illusion : le signe que ma patience et mon dévouement trouvaient plus rapidement leurs limites. (p.55)
Je comprenais avec une acuité nouvelle la révolte des vieux que leurs enfants empêchent de s’autodétruire. C’était infantilisant et hypocrite, ce genre d’ingérence trahissait l’égoïsme le plus forcené, celui des enfants qui veulent se couvrir, dormir sur leurs deux oreilles sans entendre la voix singulière du vieillard, son besoin profond de voyager quelques heures en dehors de son corps. (p.72)
L’image que je retiendrai :
Celle de la librairie le Lézard enragé dans laquelle Jean présente son livre avant la catastrophe.
https://www.alexmotamots.fr/le-voyant-detampes-quentin-abel/
Au risque de faire bondir certains lecteurs, et malgré une très jolie plume et un sujet qui ne pouvait que m’interpeller, je n’ai malheureusement pas véritablement accroché à ce roman.
J’ai du m’y reprendre à plusieurs fois pour atteindre la dernière page et je ne ressentais pas cette envie très caractéristique qui m’envahie lorsque je n’arrive pas à lâcher un livre. J’ai eu plusieurs fois envie de stopper. Mais, par respect pour l’auteur et s’agissant d’une lecture dans le cadre d’un prix littéraire, j’ai continué.
Pourquoi n’ai-je pas accroché ?
Pas le bon moment ? Pas mon style ?
A vrai dire, je ne sais pas, car la plume est agréable.
Mais, je n’ai pas été sensible à la vie de ces chercheurs, à cette fresque sociologique, psychologique et écologique. Je me suis presque ennuyée à les suivre dans leurs vies chamboulées à tout jamais par leur découverte de ce futur effondrement.
Même la deuxième partie, menée comme une enquête à la recherche du 4ème protagoniste, n’a pas su donner un sursaut à mon intérêt.
Alors bien sûr, le sujet est important et il est très agaçant de se dire que déjà dans les années 70 on connaissait l’énorme risque pris pour notre planète en continuant de vivre dans un monde consumériste. Il est aussi étonnant de découvrir les réactions de chacun face à une telle annonce.
Mais, malgré toute l’importance du débat, ce roman ne restera pas gravé dans ma mémoire.
Ce n’est que mon modeste avis et je sais que beaucoup ont eu un vrai coup de coeur pour cette lecture.
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