Un splendide récit de transmission retenu dans la première liste du Prix Renaudot
Un splendide récit de transmission retenu dans la première liste du Prix Renaudot
Pour passer le cap difficile de la maladie de sa fille, l'auteur se met à écrire. Un échange épistolaire s’instaure alors entre sa fille et lui. Le texte est un mélange de souvenirs du père, de réflexions de la fille.
Réflexion sur la maladie, le handicap, la difficulté à s’intégrer, la culpabilité d’un père vis-à-vis de la maladie (génétique) de sa fille, sont les bases de ce livre.
Le texte est bien écrit et pose les bonnes questions de la relation des parents avec un enfant malade. Et pour aller plus loin de la gestion de la maladie par les parents. Les familles qui se sont trouvées dans cette situation doivent forcément y retrouver des similitudes.
Le soin apporté à l’écriture du livre rend plus vrai le côté salvateur des mots, du récit. Celui-ci se déroule de manière fluide et délicate.
Bémols (petits), j’aurais aimé en savoir plus sur l’enfance djiboutienne du père. Les réponses de la fille faites avec des mots d’adultes ont un petit côté moralisateur. Ca enlève de la spontanéité qu’on attend chez une enfant de 7 ans.
Aden est professeur à l'université, son métier lui plaît, il est heureux en famille, et tout à coup le destin lui réserve une mauvaise surprise : Béa, sa fille tombe malade, atteinte d'une pathologie qu'on met du temps à diagnostiquer : ses articulations sont déformées douloureuses. Cette souffrance ramène Aden à sa propre enfance : au même âge que Béa il a contracté la poliomyélite et le passé remonte.
Aden doit retourner aux USA assurer ses cours tandis que son épouse Margherita reste au chevet de leur fille. La décision est prise d'un commun accord, mais cela n'empêche pas la culpabilité de faire son grand retour. Sur les conseils d'un soignant il décide d'écrire les évènements ses ressentis comme un journal intime et il viendra discuter via Skype avec Béa aussi souvent que possible.
Un soignant m'a suggéré d'assembler mes notes pour pallier les défaillances de la mémoire, darder une trace. J'aurais pu me mettre aussitôt au travail, mais je manquais d'audace. Mon corps ne disposait pas de la sève nécessaire, du moins pas au cours du mois suivant.
La maladie de Béa fait donc remonter ses souvenirs, comment la polio lui a abimé sa jambe et lui laissera une boiterie pour la vie, la moquerie des autres enfants, sa mère qui se désintéresse de lui, la difficile construction quand on est différent des autres dans son pays d'origine Djibouti. Ce retour du passé dans la mémoire lui permet au passage de renouer avec ses racines, sa culture, les croyances du pays, les souvenirs de sa grand-mère bien aimée, la sage Cochise ou son Papa la Tige et de faire connaitre à Béa la culture paternelle.
Ce récit m'a beaucoup touchée, par la réflexion sur la maladie, le handicap, la différence, mais aussi la culpabilité d'Aden qui se sent responsable génétiquement de la maladie de Béa. On comprend bien sûr qu'Aden et Abdourahman A.Waberi ne font qu'un et le pouvoir de guérison des livres qui ont accompagné l'auteur dans son enfance, tout en continuant à accentuer la différence.
En effet, on ne décèle aucune victimisation dans le récit ; dans les lettres que s'envoient Aden et Béa, il n'y a pas de plainte, de sentiment d'injustice, au contraire la maladie n'est pas là par hasard, pour obliger l'être humain à avancer. Un magnifique roman sur l'amour qui unit un père et sa fille, leur complicité, à travers la maladie !
L'écriture est belle, pleine de poésie, de légendes. J'ai retrouvé ce style particulier de l'auteur que j'avais tant aimé dans « Pourquoi tu danses quand tu marches ».
Un grand merci à NetGalley et aux éditions J. C. Lattès qui m'ont permis de découvrir ce roman et de retrouver la plume de son auteur.
#Dismoipourquijexiste #NetGalleyFrance !
coup de coeur
Lien : HTTPS://LESLIVRESDEVE.WORDPR..
Cette histoire me touche d'une manière absolue.
Certes, j'avais tellement apprécié le roman précédent "Pourquoi tu danses quand tu marches ?" que j'étais déjà un peu conquise par cette écriture pleine de poésie et d'intensité (et pourtant je plaçais forcément la barre un peu haute…).
Et puis ce texte entrait en résonance avec ma propre histoire : j'ai souffert d'une de ces maladies "rares" (un épisode que je ne peux pas vraiment oublier car j'en garde encore les stigmates aujourd'hui). Je ne m'étais jamais mise dans la peau de celle qui m'avait soutenue durant ces années d'allers-retours à l'hôpital car ma mère ne peut plus me raconter cette histoire-là malheureusement.
Alors, si longtemps après, j'ai trouvé dans ce livre un exutoire… Merci pour cela.
La fille d'Aden et Margherita vient de tomber malade et doit être hospitalisée en urgence.
Que faire face à ce désarroi qui briserait les reins de n'importe quels parents ?
Si le sujet de départ est forcément dramatique, il n'y a pas de renoncement dans ce livre, je n'y vois que des victoires !
À commencer par la puissance enveloppante de la "mamma" : je ne peux pas oublier l'image de cette mère au chevet de sa fille, dévouée à elle, s'oubliant totalement pour être entièrement tournée vers son enfant et sa guérison.
Aden a quant à lui choisi de convoquer le pouvoir guérisseur des mots car c'est ce qu'il sait faire de mieux.
À partir de là va se mettre en place une correspondance entre la fille et le père (qui est éloigné à Washington où il est professeur d'université).
Pour lutter contre ses angoisses, contre ce sentiment profond d'injustice et cette impression toxique de déjà-vu (car il a lui-même vécu la maladie durant son enfance), il va donc écrire : car les mots sont des médicaments, même s'ils sont parfois douloureux à entendre, oui les mots soulagent.
Ce sont des "mots pansements", des mots d'amour et de soutien inconditionnel.
Ainsi défile cette discussion ininterrompue, lucide (et avec quelle maturité le fait notre jeune Béa !), un fil qui se tisse intergénérationnel, ancestral, d'une beauté écorchée mais tenace.
Et toujours cette mémoire djiboutienne qui n'en finit plus de revenir pour être décortiquée dans le présent, l'expliciter, le soutenir mais avec quelle poésie encore !
Dire que j'ai aimé ce livre serait un euphémisme. Espoir : voici ce qu'il pourrait vous apporter...
Abdourahman A. Waberi m’a offert avec Dis-moi pour quoi j’existe ? un de mes premiers coups de cœur de cette rentrée littéraire 2022. Ce roman parle, bien sûr, de transmission, de cette culture multiple dont est issue cette petite fille, africaine par son père, sicilienne par sa mère et parisienne par sa naissance. Dis-moi pour quoi j’existe ? raconte aussi la maladie inconnue d’une enfant, la terreur de ses parents et l’angoisse devant ce mal que l’on ne connaît pas, avec le retour de ses propres souvenirs lorsque la polio lui a laissé une claudication immuable.
Aden a sa fille Béa, malade depuis quatre mois. Elle est clouée dans un lit d’hôpital à cause d’un mal inconnu qui l’assiège depuis quatorze semaines. Margherita et lui vivent dans la peur et l’inquiétude. Seulement, on est en septembre, la rentrée dans l’université à Washington DC s’annonce. Pour assurer le lien avec sa fille, Aden décide d’entretenir en plus de toutes les communications modernes une relation épistolaire où chacun relate son quotidien.
Aden, le double d’Abdourahman A. Waberi, ne sait qu’écrire. Alors, il se place à sa table et choisit ses mots avec tendresse, rebondissant aux réponses de sa fille, l’emmenant loin de ce lieu aseptisé qui ne sent que l’ammoniaque et la Bétadine. Il lui offre des mots sucrés qu’on lui ôte dans son alimentation. Il lui envoie des montagnes d’espoir en racontant son propre vécu de la maladie à elle qui ne cesse de crier à l’injustice.
Ici, Abdourahman A. Waberi continue à nous parler des personnages que l’on avait découvert dans son précédent roman. Papa La Tige et sa gargouille au cœur du « village des nomades » parce que la grand-mère Cochise a refusé son association pour un bar sur Paris où l’alcool vendu risquait d’envoyer toute la famille trop loin du « paradis d’Allah ».
La suite ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2022/08/19/abdourahman-a-waberi/
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