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Des confessions de Macron à l’émerveillement de Belinda Cannone : une revue de presse bien balancée pour février

Revue de presse livres du mois de février

Des confessions de Macron à l’émerveillement de Belinda Cannone : une revue de presse bien balancée pour février

En cette période élective où nous choisissons un chef d'Etat, on n’en finit plus à longueur de pages d'ausculter l'état de la France.

 

Dans L'Express, Alexis Lacroix et Baptiste Liger nous livrent une enquête revigorante intitulée "Réécrire la France", qui se propose, au travers de 4 écrivains, de regarder en face les mots qui disent les maux de la société française. "Le roman, quel qu'il soit, peut effectivement permettre de sonder le pays actuel et, parfois, de mieux le comprendre qu'un reportage ou une émission de télévision" estime le 'polardeux' Thomas Bronnec.


Les deux journalistes se penchent particulièrement sur les ouvrages d'Aurélien Bellanger, Le Grand Paris (Gallimard) et de Yann Moix, Terreur (Grasset). Le premier semble retracer les années Sarko en les décentrant vers ce fameux 9-3, territoire de Seine-Saint-Denis, devenant un laboratoire du quiétisme : " Le 9-3 n'est pas la jungle qu'on imagine quand on adhère à la vision huntingtonienne du 'grand remplacement', c'est déjà en partie le vaste jardin qu'évoque le dernier chapitre de mon livre", leur confie Bellanger. Face à la perplexité où nous laisse Bellanger, il y a Yann Moix et son essai sur la rencontre entre la France et Daech : " Nous demandons à des déracinés, nous demandons à des paumés, nous demandons à des étrangers, nous demandons à des non-intégrés, nous demandons à des marginalisés d'aimer quelque chose (la France) que nous n'aimons pas, que nous passons notre vie à conspuer."


Peut-être pourrons nous retrouver des raisons d'aimer dans le livre de Pierric BaillyL'homme des bois
(P.O.L), qui confie au journaliste : " Ce livre, je l'ai écrit aussi pour dire que la campagne française d'aujourd'hui, ce n'est pas que le racisme. Ce sont également de gens qui animent et font vivre le petit monde associatif et culturel local, qui participent à des festivals, des cafés-lecture, qu'on croise dans les manifs, dans un cours de yoga ou au cinéma d'art et d'essai du coin." L'espoir existe donc.  Mieux que cela le réel est bien plus encourageant. Et c'est en se fondant sur ce réel que Bellanger conclue : " N'oublions jamais que les fondamentaux géographiques et géopolitiques de la France sont excellents ! Cela ne peut donc pas aller durablement mal..." Que tous nos candidats à la présidentielle et Michel Onfray veuillent bien l'entendre !

 

S'il est un des candidats qui devraient entendre cet élan d'optimisme, c'est bien celui que le Nouvel Observateur a choisi de faire interviewer par son patron de la rubrique Culture, Jérôme Garcin. Comme s’il n’était pas possible de devenir présidentiel sans avoir dûment été tamponné « homme qui a des lettres dans notre beau pays de France » : Nicolas Sarkozy était obligé de nous avouer sa passion pour Belle du Seigneur d'Albert Cohen, Hollande confessait qu'il ne lisait que des essais. Jérôme Garcin a réussi à faire dire à Emmanuel Macron qu'il ne regrettait pas d'avoir raté Normale Sup et que ses bréviaires sont Les nourritures terrestres et Noces à Tipasa. « Gide me montre le chemin qui conduit du cérébral à une sensualité débordante et Camus, de la sensualité à l'intellect pur. » Tout est dans tout et son contraire, dans cette interview. Si la présidence est la fonction suprême, vous y apprendrez qu’Emmanuel Macron ne met « rien au-dessus de l'écriture. Je ne cesse d'y penser comme à un paradis perdu ». Celui qui voulait être écrivain à 18 ans, a écrit à la même époque « un roman épistolaire assez baroque ... sur la civilisation inca... C'est l'histoire imaginaire du dernier des Indiens ». Peut-être aurons-nous la chance de découvrir un écrivain s'il le publie. Peut être aussi qu’inspiré encore une fois par le général de Gaulle, Emmanuel Macron nous fera le récit de sa présidence dans d’éventuelles Mémoires d'un marcheur. Uchronie, quand tu nous tiens !

 

Si le Nouvel Observateur a choisi de faire porter à Emmanuel Macron le grand collier de la Légion d’honneur devant une bibliothèque toute reliée de cuir, le Monde des Livres a choisi de répondre par la critique littéraire à la polémique déclenchée par ses propos sur la colonisation. André Loez se penche avec érudition et bienveillance sur l'essai atypique de Guillaume Lachenal, historien des sciences, Le médecin qui voulut être roi (Seuil). En suivant le destin de Jean-Joseph David, Guillaume Lachenal illustre et dépasse le stéréotype du colon, héros de l'empire : « cet officier eut, un temps, un pouvoir démesuré, celui de soigner mais aussi de punir, de contrôler et d'administrer les populations placée sous ses ordres, dans la région médicale du Haut-Nyong, dans l'est du Cameroun, durant la seconde guerre mondiale ». Et le critique de résumer : « En tissant de tous ces fils la chronique de la vie d'un médecin tout à la fois mégalomane et énergique, ambitieux et impuissant, efficace et désastreux, roi sans royauté des confins impériaux, l'historien fait bien davantage que compléter le tableau classique de l'histoire coloniale. Il en livre une puissante clé de lecture, attentive aux devenirs inaboutis, quand l'idée même de progrès médical, si brutalement portée par Jean-Joseph David, n'est plus qu'une promesse enterrée avec bien d'autres futurs dans l'Afrique contemporaine ». No future, vraiment ?

 

Peut être faut-il se pencher sur le passé pour mieux construire le futur ? Auquel cas dans Télérama, Gilles Heuré vous conseille Les luttes et les rêves, une histoire populaire de la France de 1685 à nos jours de Michelle Zancarini-Fournel (La découverte). Avec ce titre hommage à Victor Hugo, l'auteur montre que « l'histoire de la France s'est construite par des revendications, des luttes armées ou silencieuses, de grèves, les unes souvent ignorées, les autres vaincues, écrasées dans la violence ou, plus rarement victorieuses ». (…) « Ce livre d'histoire sociale qui est aussi politique et économique, se lit comme le grand roman des gens d'en bas ».  

 

Des gens d'en bas qui deviennent des super-héros, c'est par ce biais que Xabi Molia a choisi d'ausculter les forces et les faiblesses françaises dans Les premiers. Une histoire des super-héros français (Seuil). Simon Bentalila dans le Magazine Littéraire, nous explique comment ce roman, pastichant le genre journalistique du livre-enquête, a transplanté la mythologie du super-héros dans la France des années 2000. « Ces super héros français nous ressemblent et nous font craindre le pire comme le meilleur quand le livre tourne avec brio à la politique fiction ». Preuve que ces héros nous ressemblent ? Xabi Molia écrit: « Il avait aimé l'idée d'aimer et l'état de fièvre dans lequel cette idée le mettait davantage que l'être qui les suscitait, toujours il se laissait gagner par un nouvel emportement, il ne savait pas vivre sans ». Une addiction très française.

 

Et si par désespoir ou nécessité, vous vous disiez qu'un ou deux petits verres, voire cinq ou une bouteille, ne vous feraient pas de mal, prenez plutôt une bonne grosse rasade d'expérience, avec L'Impersonne de Martine Roffinella (édition Françoise Bourin).  Dans Marie-Claire, Gilles Chenaille décortique celle qui a osé « voyager jusqu'au bout de l'alcool. Arrêter avant que le train ne déraille définitivement. Raconter son histoire sans tricher. Aller au-delà du simple récit pour en faire une œuvre d'art ». L'Impersonne c'est comme le dit l'auteur « petit à petit perdre son identité. En s'emplissent de cet alcool qui prend le pouvoir, elle perd sa personnalité, elle devient vide. A 30, puis à 40 ans, elle ne sera plus qu'un clone d'elle-même. Avec un semblant de vie et des émotions qui ne seront que des apparences d'émotion, faussement fortes ».  Depuis le 15 avril 2013, l'auteur est abstinente et redevient une personne, entière et artiste. Peut-être parce qu'elle a appris à s'émerveiller ?

 

S'émerveiller, c'est le titre de l'essai de Belinda Cannone (Stock), et peut-être la solution pour survivre à cette revue de presse, comme au reste. Dans le Figaro Littéraire, Astrid de Larminat se faufile dans les traces de Pascal, pour nous parler de cet essai : « Nous ne vivons jamais mais nous espérons de vivre » disait-il. On ne peut mieux résumer la problématique à laquelle s'est affrontée l'essayiste « lorsqu'elle a pris conscience que cette fuite en avant si bien intentionnée qu'elle soit, nous faisait passer à côté de ce qui nous est donné dès aujourd'hui, à portée de notre main et de notre amour ». L'essayiste tente alors de résoudre l'énigme de la nature de l'émerveillement, et ce dans une langue simple, et nous parle ainsi à tous. « Ce bel essai témoigne d'une prise de conscience, partagée par de nombreux Occidentaux, que notre rapport au monde, saturé d'idées et de discours, est malade, et qu'il est urgent de le réajuster. On prend son sac et on va marcher, on pratique la méditation de pleine conscience, on lit ou on écrit des haïkus pour ' habiter poétiquement le monde' : cela n'est pas qu'une effet de mode. Même si notre condition est marquée par le malheur, il y a là le pressentiment que la gratuité de certains états d'être, ces moments où l'on danse, où l'on rit, où l'on s'étreint, où l'on s'est émerveillé, sont peut être le sens de notre vie, sa destination. Le paradis ».

lecteurs.com étant gratuit, nous espérons vous avoir amené jusqu'à la porte de celui-ci.

 

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