Revue de presse livres du mois de février
Le père de Pierric Bailly est mort l'année dernière, brutalement et beaucoup trop tôt.
Ce livre est, au sens littéraire du terme, un tombeau. Si l'auteur relate les circonstances de cette mort, accidentelle probablement, mais un doute demeure qui ajoute sa profondeur à ce texte, s'il raconte comment il a tenté d'enquêter à partir de ce que lui a dit la gendarmerie, le médecin légiste, etc., et s'il détaille le parcours obligé qu'il doit suivre (faire-part, organisations des obsèques, rangement des affaires du mort, etc.) il s'attache surtout à évoquer, par touches discrètes et affectueuses, distribuée le long du récit, l'homme que fut son père et le père qu'il fut pour lui. Et c'est en cela que ce livre est bouleversant puisque à la pudeur d'un homme à la fois sociable et secret tel qu'il apparaît dans ces pages répond celle d'un fils qui dit son amour à mots couverts et tente un hommage ému, le plus précis et le plus concis à la fois. Mais ce petit livre si riche est aussi une évocation de la vie dans les campagnes françaises à notre époque, ce qui change, ce qui se transforme.
C'est l'histoire d'une émancipation, d'un destin modeste, intègre et singulier. C'est enfin le portrait, en creux, d'une génération, travailleurs sociaux, militants politiques et associatifs en milieu rural.
Revue de presse livres du mois de février
Un très bel hommage d'un fils à son père disparu brutalement. Un père " trop fou pour une petite vie à Lons-Le-Saunier, mais pas assez fou pour la vie qu'il se rêvait ". Un père qui, sans être un héros n'était pas un antihéros.
C'est digne, c'est pudique, c'est plein de tendresse.
Pierric Bailly raconte la mort de son père, retrouvé mort en forêt, chacun y va de son hypothèse, s’est-il suicidé ? L’affaire est classée en mort suite à une chute accidentelle. Il essaie de comprendre, de reconstituer les dernières heures de son père. Il brosse le portrait d’un homme mais aussi d’une région, le Jura, et d’une génération de travailleurs sociaux, de militants.
Il raconte l’organisation de l’enterrement, sachant que son père ne voulait pas de cérémonie religieuse et avait des volontés bien précises. Pierric se retrouve dans l’appartement paternel, il tri les nombreux dossiers constitués par son père. Toute une vie se trouve dans ces murs et sur ces étagères.
« En reprenant l’avis de décès pour le journal, après les fleurs des champs et des jardins, j’ai ajouté : Sans chiens ni curés. C’est sorti tout seul. J’ai envoyé le texte par mail, il a été publié le lendemain.
Les semaines suivantes, j’ai reçu plusieurs courriers de prêtres qui s’étaient interdit d’assister aux obsèques. J’apprenais aussi qu’on s’offusquait du fait que les chiens passent avant les curés. Je n’avais pas imaginé une seconde qu’on pourrait le prendre au premier degré.
Si un curé ou même un chien avait voulu assister à la cérémonie, je l’aurais accueilli bien volontiers, pensez-vous. Un labrador catholique. Toute l’arche de Noé. Un chamois musulman, une marmotte juive… Oh là là, mes aïeux, quelle affaire. »
J’ai aimé l’écriture de Pierric Bailly. Je me suis laissée portée par son récit sobre, pudique et juste, non dénué d’humour. J’avais un peu l’impression d’être en tête à tête avec lui, qu’il me raconte cet événement tragique qui le touche, confessant ses émotions, ses états d’âme et se souvenant de son enfance aux côté de cet homme. Un cheminement vers le deuil en quelque sorte. Un récit poignant dans lequel l’auteur dessine un portrait tendre et bienveillant de son père.
Il décrit très bien le Jura, ses paysages et ses habitants. On a l’impression d’y être.
Je ne peux m’empêcher de faire le rapprochement avec le roman de Thomas Flahaut, « Les nuits d’été », qui se déroule dans le Jura, plus précisément à la frontière suisse.
J’ai emprunté ce livre en attendant de pouvoir lire celui que je vois passer sans cesse sur Instagram et dont je ne lis que des éloges, « Le roman de Jim ». J’ai hâte de le lire !
Ce roman a obtenu le prix Blù Jean-Marc Roberts en 2017.
Ce n’est pas un roman, ce n’est pas une fiction, ce n’est pas un essai ni quoi que ce soit de ce type. « L’Homme des Bois », de Pierric Bailly, c’est un témoignage, ce sont les mots d’un auteur qui apprend la mort brutale et accidentelle de son père. Comme l’écriture est son métier, et sa bouée de sauvetage, alors c’est par écrit qu’il exorcise ce moment si étrange, le moment où l’on enterre l’auteur de ses jours. Il doit en même temps accepter cette disparition à laquelle il n’a pas pu se préparer, mais aussi entreprendre les démarches seul puisqu’il est enfant unique et que ses parents sont séparés. Le livre de Pierric Bailly est très court et très simple et doux à lire. Il raconte son père, la vie simple qu’il a eu, sa personnalité, ses gouts, ses engagements politiques et associatifs, les femmes de sa vie, la relation père-fils parfois délicate. Il cherche à comprendre comment et pourquoi cet homme a fait une chute accidentelle en foret, s’il s’agissait réellement d’un accident, avant de comprendre qu’il ne comprendrait jamais et qu’il fallait vivre avec cela. Une semaine dans la vie d’un homme, sur les pas de son père, à fouiller ses affaires, à contacter ses amis, à essayer de trouver les mots pour en parler. Même si cela peut effrayer, le livre n’est jamais triste, ni décousu, ni trop ceci ou pas assez cela, c’est une lecture qui apaise car c’est un livre bourré de tendresse, celle des gens simples qui ont des sentiments simples et purs. Ce petit livre, qui évoque le deuil d’un père, parle aussi du mien, et de tous les papas de la Terre, d’une certaine manière.
Je viens de le lire il est super se livre entre le père et son fils c est passionnant tres prenante l histoire merci pour cette agreable lecture et je le conseillé aux lecteurs assidus
C'est la lecture d'un beau billet de blog qui m'a rappelé que j'avais noté ce roman sur la liste de mes envies ; je ne pouvais de toute façon pas passer à côté de cette histoire qui se passe là où j'ai passé toutes mes vacances d'enfant. Chaque nom de village fait revivre des souvenirs et j'ai beaucoup aimé les pérégrinations de l'auteur dans ces lieux qui me sont aussi familiers.
Il s'agit presque d'un pèlerinage pour ce fils dont le père est mort dans les bois, la tête fracassée au pied d'une falaise alors qu'il était en balade à la recherche de champignons. Pour le narrateur, c'est plus compliqué : il ne parvient pas à se contenter des conclusions du médecin légiste et du policier chargé de l'enquête.
C'est avec beaucoup de pudeur et de tendresse qu'il nous emmène sur les traces de ce père, militant discret, amoureux de la nature, curieux (il s'intéresse à tant de choses que l'inventaire donnerait le tournis : yoga, langues étrangères, littérature, théâtre et poésie) et archiviste (l'appartement est rempli de paperasses) et en dresse un portrait réinventé grâce aux témoignages des gens qui l'ont connu : un type ordinaire et pourtant extraordinaire, hors du commun !
C'est donc un beau roman sur le deuil, un beau "double-portrait" (celui de l'auteur, en creux, derrière celui du père). Une agréable surprise !
Le père du narrateur est mort : lors d'une balade en forêt de Revigny dans le Jura, il a glissé sur une vingtaine de mètres et ne s'est jamais relevé. Peut-être est-il mort sur le coup, son fils n'en aura jamais la certitude, de même qu'il ne saura jamais si c'est vraiment un accident comme tout le porte à croire.
« … Il est mort là où il vivait, tout simplement. A la façon de ces paysans qui n'ont jamais quitté leur ferme et qui s'éteignent dans la chambre où ils ont vu le jour. »
Alors, le fils retourne sur les lieux à la recherche de quelque chose qui lui dise ce qui s'est passé. Il a besoin de réponse, d'être sûr, de comprendre. Choqué par cette fin de vie trop bête, il se saisit des petits bouts de fictions qu'on lui tend, les recherche, s'en nourrit : « Pour ne pas me laisser dévaster par le doute et l'émotion, je me raccrochais aux branches de la narration. Je tissais une toile romanesque pour me retenir à ses fils. Je n'avais guère à me forcer, j'avais même l'impression que la toile se tissait à mon insu. La toile, ou plutôt les multiples amorces. C'était en fait comme une myriade de petits fils fragiles qui se balançaient sous mes yeux et que je tentais d'attraper à la volée pour me stabiliser un minimum. » Ce peut être une femme qui lui dit qu'elle a rencontré un homme dérangé dans la forêt (peut-être son père ou un fou qui l'aurait poussé ?) ou la carte postale d'une amie demandant pardon à son père pour un rendez-vous manqué le jour où il est mort (la raison du suicide?)... Des pistes, des bribes de vies, des débuts de romans, mille histoires possibles pour compléter ce qui est resté en pointillés, en blanc...
Il arpente ces lieux du haut Jura qu'il connaît bien et que son père aimait . D'une certaine façon, aller vers ces paysages, c'est tenter de retrouver celui qui n'est plus. Il prend d'ailleurs la voiture de son père, la Seat Ibiza immatriculée 39, pour parcourir les lieux, ces paysages de « sapins, scieries, grumiers ».
Une famille originaire de Lons-le-Saunier et de Clairvaux-les-Lacs : un grand-père ouvrier dans des usines de bois ou de plastique qui a fabriqué pendant trente ans des queues de casseroles en bakélite. Les petits-enfants ont tous quitté la région pour aller au bout du monde.
« Mon père a commencé à travailler à dix-sept ans, il est mort à soixante et un an », si près de la retraite diront les gens qui le connaissaient. Ouvrier, il fabriquait des couvercles de poêles. Ensuite, il s'est formé pour travailler le bois et devenir ébéniste puis tourneur sur bois avant de s'inscrire à l'école d'infirmières de Lons et travailler finalement dans un centre de soins aux toxicomanes, aidant les autres chaque jour, donnant de lui, se rendant disponible aux autres, aux « types ravagés, aux éclopés de la vie, aux fous, aux paumés, aux rebuts de la société ». Un homme ordinaire qui, dans son petit appartement d'un immeuble HLM, a laissé des traces de son passé : des tonnes de « cahiers, carnets, pochettes, chemises, dessins, classeurs, prospectus, revues, articles de journaux, comptes rendus de conférences, cours par correspondance » sans compter les quantités d'objets, créations personnelles, souvenirs du passé, bricoles de récup'. Un homme très engagé dans la vie associative et politique qui s'intéressait un peu à tout : « Trente ans de célibat, ça laisse le temps d'essayer un paquet de trucs. »
Et, c'est ce qu'il avait fait : du théâtre, de la musique, du dessin, des mandalas, de l'anglais, de l'arabe, du japonais, des romans, de la poésie, de la lecture, du yoga - qu'il enseigne plusieurs années !- (et j'en oublie les trois quarts) : il suivait des stages, il notait, recopiait, apprenait, archivait, oubliait, curieux de tout, se cherchant encore quelque passion pour devenir un jour peut-être spécialiste de ci ou de ça, peu importait . Et puis, lassé, il passait à autre chose. « Ce n'était pas un idéologue, pas un théoricien. Ce n'était pas un littéraire ni un cinéphile, même s'il aimait lire et aller au cinéma. Il n'avait pas fait d'études. Il n'avait pas le bac. Il ne s'était pas construit de cette façon-là » (N'empêche, quand on y pense, c'est fabuleux tout ce que cet homme a fait dans sa vie. Il faudra lui dire, à Pierric Bailly, que son père, je le trouve juste incroyable, comme disent les jeunes maintenant, dans ce goût qu'il avait pour les choses de la vie, papillonnant d'un sujet à l'autre sans jamais s'arrêter, butinant ici ou là, se construisant, s'échafaudant, s'inventant, s'imaginant sans cesse autrement, nouveau, différent. Les passionnés sont des gens qui vivent longtemps. C'est un peu déplacé ce que je vais dire, mais je doute fort qu'un homme comme lui ait pu penser se suicider. Je l'imagine plutôt allant chercher des champignons, juste quelques-uns pour le repas du soir, pas la peine de changer de chaussures, trois quatre champignons pas plus: un beau un peu plus bas, un peu plus loin, les belles choses sont toujours hors d'atteinte, c'est bien connu. On tend le bras, on cale son pied comme on peut, on s'agrippe à une racine. Qui craque. Et c'est le déséquilibre. Terrible déséquilibre. Car à mon avis, il avait déjà prévu, après son repas, d'aller voir un film ou de lire une nouvelle revue sur le réchauffement de la planète ou le programme du prochain festival de jazz. Peut-être y a-t-il pensé en tombant, peut-être s'est-il dit « dommage » mais c'était trop tard. Ne m'en voulez pas de réécrire l'histoire mais c'est ainsi que je vois cela.)
Un homme qui avait aimé Ferré, Brel, Reiser, « les chansonniers, l'anarchisme, la non-violence ». (Nouvelle parenthèse : quelque chose me dit que les gens de cette génération, et j'en compte plusieurs parmi mes amis, vont terriblement nous manquer quand ils disparaîtront : ils portent encore en eux les idéaux de mai 68, ne sont pas bouffés par la société de consommation, résistent aux Facebook, Twitter et compagnie, ont échappé à bien des formatages et résistent encore ; des dinosaures presque quand j'y pense! Mais quelle bouffée d'air frais ils nous apportent avec leur anticonformisme, leur refus de la course au fric, c'est impressionnant! Je ferme la parenthèse.) « Au début je me disais que j'allais faire une ou deux découvertes, un petit trésor, quelques secrets, mais plus j'avance dans ma tâche et plus je suis frappé par la cohérence de son personnage. Tout va dans le sens de ce que je sais de lui, de l'image que j'ai de lui. Tout est en accord avec les convictions qu'il affichait. Tout lui ressemble… Le petit monde de mon père semblait avoir été envisagé précisément pour se protéger du grand monde, peut-être pas pour le combattre, disons pour s'affranchir du mieux possible des valeurs dominantes de l'époque, celle de la consommation et du capitalisme. »
L'histoire d'un homme humble, ordinaire que le narrateur ne cherche pas à transformer en héros, en surhomme, en personnage hors du commun, non, il parle de lui avec retenue, avec sobriété. Et c'est précisément cette pudeur qui m'a touchée et qui donne une telle force à son récit.
Des mots simples, des phrases brèves pour évoquer la vie d'un homme, ses amours, ses colères, ses engagements, ses occupations, ses convictions, un homme intègre qui a fait des choses à sa mesure, « à son petit niveau », qui s'en est contenté (et je ne mets rien de péjoratif derrière ce terme) et a trouvé une forme de bonheur dans ce que d'aucuns auraient peut-être jugé médiocre, insignifiant. Un homme qui appartient à une terre, à une époque, certainement un des derniers hommes de ce XXe siècle révolu.
Et puis, il y a ce fils dont la peine affleure à chaque ligne, se tisse à chaque mot, se mêle à chaque virgule et c'est aussi de son histoire qu'il s'agit, celle d'un jeune homme à la recherche d'un père parti trop tôt qu'il interroge en contemplant les paysages du Jura et en écoutant ses musiques, un père qu'il n'a pas tout à fait l'impression de connaître ( mais connaît-on les gens que l'on aime?) et à qui, peut-être, il n'a pas eu la possibilité d'en dire un peu plus parce que l'on croit toujours que l'on a le temps, que nos proches vont vivre jusqu'à cent ans et que nous-mêmes sommes éternels...
Il me vient soudain un air et quelques paroles qui me font penser à ce très beau portrait d'homme, les voici, comme elles me viennent :
Quelqu'un de bien
Le coeur à portée de main
Juste quelqu'un de bien
Sans grand destin
Un ami à qui l'on tient
Juste quelqu'un de bien
Quelqu'un de bien …
Lire au lit : http://lireaulitblogspotfr/
Pierric Bailly, l'auteur, a perdu son père récement. Une mort accidentelle affirme la police. Pierric Bailly laisse planer le doute. Serait-ce un suicide ? Il essaye de reconstituer les évènements celon les dires de la police, du médecin légiste et de l'entourage, tout en s'occupant du côté administratif du décès.
L'auteur nous emmène en promenade dans le Jura pour nous raconter son père. Au fil des paysages et des pages, on découvre le portrait d'un homme sensible, discret, engagé et parfois colérique.
J'ai beaucoup aimé ce récit plein de pudeur. La plume de l'auteur tout en simplicité et en douceur nous fait découvrir avec émotion son père et sa vie jurassienne. Et cela jamais sans tomber dans le pathos, la grande tristesse et le côté dramatique dû à l'évènement tragique.
C'est une ode à la vie.
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