"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Pourquoi et comment devient-on ethnologue ? Comment les aventures de l'explorateur et les recherches du savant s'intègrent-elles et forment-elles l'expérience propre à l'ethnologue ? C'est à ces questions que l'auteur, philosophe et moraliste autant qu'ethnographe, s'est efforcé de répondre en confrontant ses souvenirs parfois anciens, et se rapportant aussi bien à l'Asie qu'à l'Amérique.
Plus encore qu'un livre de voyage, il s'agit cette fois d'un livre sur le voyage. Sans renoncer aux détails pittoresques offerts par les sociétés indigènes du Brésil central, dont il a partagé l'existence et qui comptent parmi les plus primitives du globe, l'auteur entreprend, au cours d'une autobiographie intellectuelle, de situer celle-ci dans une perspective plus vaste : rapports entre l'Ancien et le Nouveau Monde ; place de l'homme dans la nature ; sens de la civilisation et du progrès.
Claude Lévi-Strauss souhaite ainsi renouer avec la tradition du "voyage philosophique" illustrée par la littérature depuis le XVIe siècle jusqu'au milieu du XIXe siècle, c'est-à-dire avant qu'une austérité scientifique mal comprise d'une part, le goût impudique du sensationnel de l'autre n'aient fart oublier qu'on court le monde, d'abord, à la recherche de soi.
C'est un livre de référence sur l'ethnologie. écrit avec l''empreinte de Claude LEVI STRAUU. C'est un livre majeur d'ethnologie mais avec une réflexion quasi-scientifique et psychologique de l'espèce humaine.
Un très beau regard sur l'homme, sur nous mêmes.
Quand Claude Lévi-Strauss embarque à Marseille, en 1941, avec, entre autres, André Breton, il sait ce qui l'attend s’il reste en France parce qu’il est Juif. Il part pour le Brésil où il était déjà allé avant guerre, mais ce n’est que 15 ans après, en 1954 et 1955 qu’il écrira ce qui restera un chef d’œuvre de l’ethnologie contemporaine.
Aller au Brésil, à cette époque, n’a rien de simple car il faut faire escale aux Antilles, embarquer sur un bananier suédois, débarquer à Porto Rico, y rester bloqué, être inspecté par le FBI, être enfin accepté aux USA avant de repartir de New York et arriver à Rio de Janeiro. Après avoir tenté d’expliquer sa vocation d’ethnographe, il réalise une description extraordinaire d’un coucher de soleil. Il repense à Christophe Colomb et à ses successeurs qui se demandaient si les Indiens étaient des hommes : « Il vaut mieux pour les Indiens devenir des hommes esclaves que de rester des animaux libres… »
Bien sûr, c’est avec un esprit tout autre que Claude Lévi-Strauss aborde ce pays et ses habitants. À plusieurs reprises, il compare ce qu’il observe avec ce qu’il a vu en Asie du Sud, tropicale, pauvre et surpeuplée, un continent sacrifié. L’Amérique du nord possède de vastes ressources avec une population restreinte, l’Europe a des ressources restreintes et une population élevée. En Amérique amazonienne, la pauvreté est partout et les hommes peu nombreux.
Commence alors son voyage à l’intérieur du pays à la rencontre des Indiens du Tibagy puis de plusieurs autres tribus. Consciencieusement, il observe et note tous les détails de la vie quotidienne de ces gens car il sait se faire accepter. Il ne néglige rien, relève le plan de chaque village, détaille le système social et religieux de chaque groupe avec lequel il partage la vie pendant plusieurs semaines. Il dessine aussi les objets usuels, les parures, les armes, les statuettes. Comme ces groupes sont nomades, il est amené à les suivre dans leurs pérégrinations. Il n’oublie pas de décrire la nature, souvent hostile mais à laquelle il faut bien s’adapter. La forêt primaire « semble vous immerger dans un milieu plus dense que l’air : la lumière ne perce que verdie et affaiblie et la voix ne porte pas. »
Pour finir, au retour de son séjour brésilien, il se lance dans une comparaison entre les principales religions. Si l’ethnologue doit toujours remonter aux sources, Claude Lévi-Strauss affirme que « le monde a commencé sans l’homme et s’achèvera sans lui. »
Chronique à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Je suis toujours admirative face à ces scientifiques capables de traiter de leur discipline avec un tel talent littéraire. J' ai ainsi été complètement séduite par l' oeuvre de Claude Lévi-Strauss.
" Il y a deux phases bien distinctes dans un coucher de soleil. Au début, l' astre est architecte. Ensuite seulement ( quand ses rayons parviennent réfléchis et non plus directs ) il se transforme en peintre. " ( citation que je dédie à mon ami lecteur Claude S ).
" Si la contradiction était insurmontable, l' ethnographe ne devrait pas hésiter sur le terme de l' alternative qui lui échoit : il est ethnographe et s' est voulu tel ; qu' il accepte la mutilation complémentaire à sa vocation. Il a choisi les autres et doit subir les conséquences de cette option : son rôle sera seulement de comprendre ces autres au nom desquels il ne saurait agir puisque le seul fait qu' ils sont autres l' empêche de penser, de vouloir à leur place, ce qui reviendrait à s' identifier à eux. En outre, il renoncera à l' action de sa société, de peur de prendre position vis-à-vis des valeurs qui risquent de se retrouver dans des sociétés différentes, et donc d' introduire le préjugé dans sa pensée. Seul subsistera le choix initial, pour lequel il refusera toute justification : acte pur, non motivé ; ou, s' il peut l' être, par des considérations extérieures, empruntées au caractère ou à l' histoire de chacun. "
" Chance, vitale pour la vie, de se déprendre et qui consiste - adieu sauvages ! adieu voyages ! - pendant les brefs intervalles où notre espèce supporte d' interrompre le labeur de ruche, à saisir l' essence de ce qu' elle fut et continue d' être, en deçà de la pensée et au delà de la société : dans la contemplation d' un minéral plus beau que dans toutes les oeuvres ; dans le parfum, plus savant que tous nos livres, respiré au creux d' un lis ; ou dans le clin d' oeil alourdi de patience, de sérénité et de pardon réciproque, qu' une entente involontaire permet parfois d' échanger avec un chat. "
Un livre remarquable qui bien qu’etant ecrit autour de 1955, n’est pas du tout poussiereux. Ecrit dans un style qui ferait palir nombre de romanciers (ce n’est pas pour rien que l’Academie Goncourt aurait souhaite a l’epoque lui attribuer le prix), ce livre est reelement un grand livre pour peu que l’homme et ses mysteres vous interresse. Levi Strauss etait sans aucun doute un homme d’exception et le temoignage qu’il offre dans ces “tristes tropiques” touche a “l’universalite”.
Une pure merveille tant littéraire que scientifique : beauté du fond , beauté de la forme réunis en un ouvrage sublime
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