Et si en plus de boire une bonne bière on allait fêter la Saint Patrick en lecture...
Il trahissait depuis près de vingt ans. L'Irlande qu'il aimait tant, sa lutte, ses parents, ses enfants, ses camarades, ses amis, moi. Il nous avait trahis. Chaque matin. Chaque soir... S. C.Un roman fort et transi. Jean-Marc Parisis, Le Figaro Magazine.Un livre rugueux d'une beauté terrible. Bernard Géniès, Le Nouvel Observateur.Un livre fascinant pour ce qu'il dit de l'amitié, de la solidarité. Et de leur fragilité si humaine... Delphine Peras, L'Express.
Et si en plus de boire une bonne bière on allait fêter la Saint Patrick en lecture...
J’ai découvert Sorj Chalandon avec son formidable roman « le jour d’avant » qui m’avait enthousiasmée par son âpreté et son écriture ciselée. Dès la première page de « Mon traitre » j’ai retrouvé ces éléments qui font de cet écrivain un formidable auteur. Il nous emporte en Irlande, un pays que le journaliste connait intimement puisqu’il y a couvert le conflit irlandais.
Ce récit est ainsi inspiré de la proximité qu’il a construite avec des membres de l’IRA et notamment avec Denis Donaldson. Ce dernier responsable éminent de l’IRA fut également un des conseillers les plus influents du Sinn Fein, sa branche politique et annoncera à la stupeur générale avoir été un agent britannique pendant plus de 20 ans.
Le roman s’appuie sur cette trahison qui déchira les rangs de l’IRA et plongera les irlandais dans la stupéfaction. Dans « Mon traitre », Antoine, le personnage central n’est pas journaliste mais luthier, un homme un peu paumé, taiseux et solitaire qui va se découvrir une seconde vie et une véritable famille à Belfast.
Il y est plongé dans une atmosphère balayée par les vents et la pluie, tiraillée par les affres de la pauvreté, meurtrie par les tourments d’une guerre civile qui n’épargne rien ni personne. Loin d’être rebuté Antoine va au contraire se réchauffer l’âme au contact de cette population fière et chaleureuse qui n’a rien mais lui offre le peu dont elle dispose.
Pour eux il est « le français », alors que lui se veut Irlandais au point d’en oublier son identité. Il embrassera aveuglément la cause irlandaise et son cœur ne battra plus qu’au rythme des évènements tragiques qui bouleverseront ce pays.
Ce récit d’une amitié trahie est magnifiquement narré, l’écriture est d’une précision et d’une beauté qui laisse pantois. J’ai été bluffée par cette capacité d’exprimer autant en utilisant les mots avec parcimonie et délicatesse. Nonobstant ces qualités, mon seul petit regret est que le récit m'ait apparu un peu froid et clinique. Mais ce doit etre l’algérienne en moi qui s’attendait à plus de bruit et fureur là où les Irlandais s’expriment par le silence et l’obstination
Sorj Chalandon dit qu’il ne sait pas écrire de pure fiction et qu’il s’inspire toujours de sa réalité.
En apprenant par le journal, comme n’importe quel quidam, que son meilleur ami Donaldson, frère Irlandais, est un traître il s’effondre au sens propre et au sens figuré.
Alors comment surpasser cela, comme il le fait toujours en écrivant une fiction, lui est Antoine, son traître est Tyrone.
Le lecteur voit se dérouler une histoire de coup de foudre, comme seul l’amour ou une amitié toute fraternelle et exceptionnelle peut le faire aussi.
« La première fois que j’ai vu mon traître, il m’a appris à pisser. C’était à Belfast […] le samedi 9 avril 1977. »
Le contexte historique de l’Irlande du Nord sous trois décennies 70-80-90, c’est l’IRA, ce sont 10 morts à la suite d’une grève de la faim, avec Bobby Sands en tête. Le règne inflexible de Margaret Thatcher.
Sorj Chalandon devient le luthier Antoine dans ce roman et Denis Donaldson devient Tyrone Meehan.
Dès le titre on sent le lien unique qui unit les deux hommes, un possessif accolé au mot traître, c’est juste la marque indélébile.
Dans cette période, ce pays reste accueillant, fraternel. Une rencontre de hasard fait qu’Antoine à chaque fois qu’il va en Irlande, loge chez Jim et Cathy en toute simplicité. Il épouse la cause des Irlandais, il s’identifie à ceux qui souffrent.
« Après l’hymne national, Tyrone s’est placé devant les femmes qu’il avait fait s’aligner. Sur son ordre, elles ont brusquement ouvert leurs parapluies. Toutes ensemble. Une centaine de parapluies à bout de bras. Certains levés en toit sous le ciel, d’autres tenus en paravent. »
Lorsqu’il rentre à Paris, son cœur est épris et son esprit est ailleurs.
« En marchant dans la rue, cet avril 1977. En regardant le ciel pour rien. En croisant ceux qui ne savaient pas. J’étais différent. J’étais quelqu’un en plus. J’avais un autre monde, une autre vie, d’autres espoirs. J’avais un goût de briques, un goût de guerre, un goût de tristesse et de colère aussi. »
Les événements défilent, en phrases courtes façon uppercut.
Le lecteur les vit dans sa chair, comme Antoine. L’amitié des deux hommes s’inscrit dans ce contexte en filigrane, vibrante, pulsante.
Tous les acteurs de cette sombre période resteront gravés dans notre mémoire.
L’intelligence de Sorj Chalandon est de nous faire revivre cette période et cette amitié, car comme lui on souffre ; on ne juge ni de condamne « son » traître. C’est tellement au-delà…
Une autre idée de génie est de faire d’Antoine un luthier, car ce métier requiert habileté, concentration, précision et surtout de grandes capacités sensorielles. Antoine répare les fêlures, les accidents du bois précieux, il rééquilibre…
En conclusion, ce texte est fort, bouleversant, car il est pudique, intense, fascinant et terriblement humain.
Pourtant « son traître » … « En automne 1979, quelques semaines avant qu’il ne soit arrêté de nouveau. Tyrone Meehan m’a mis en garde. Tyrone Meehan m’a protégé de lui. »
Peut-être aurait-il dû savoir ceci : « On n’oblige personne à se battre, Tyrone. Tu n’étais pas obligé de trahir pour laisser tomber. » Trahison de 25 années !
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 22 février 2020.
Le possessif employé dans le titre marque l’amitié forte qui unissent le narrateur (et auteur), Antoine, à l’ami de Belfast, Tyrone Meehan. Dans le contexte des violences des années 1970, des luttes opposant républicains et nationalistes (catholiques) aux loyalistes et unionistes (protestants), Antoine, luthier, décide de découvrir Belfast, attiré par sa passion pour la musique irlandaise. Chaleureusement accueilli par Jim et Cathy, il se lie d’amitié avec Tyrone Meelhan, un chef de l’IRA et membre du Sinn Fein, qu’il recevra à plusieurs reprises, incognito, à Paris. Une façon de s’engager dans un conflit qu’il couvre pour son journal.
Mais une vingtaine d’années plus tard, telle une déflagration, il apprend qui était véritablement Tyrone Meehan.
C’est le récit d’une blessure, d’une trahison, d’une aventure improbable dans un contexte de violence où l’amitié sincère est une valeur sûre.
Ainsi dit, ceci semble bien léger et anodin. Mais le style de l’auteur, phrases très courtes, répétées comme pour confirmer avec des mots l’exactitude des faits, procure une émotion profonde. Une écriture parfois froide et néanmoins poétique pour raconter cette longue période de conflits au cours de laquelle amitié et solidarité faisaient un bien fou. Jusqu’à la révélation. Une histoire intéressante pour le volet historique, et bouleversante pour les questions que l’on se posera encore longtemps sur la nature humaine.
Enfin, un livre magnifique !
Je ne m’expliquerai jamais pourquoi Sorj Chalandon me troue le ventre.
À chaque fois c’est pareil.
Je lis tranquille son histoire, j’avance avec plaisir, intérêt, curiosité, je me sens bien entre ses mots mais guère plus.
Je ne vois rien venir et à un moment ça me vrille les tripes.
Ça me fait mal partout, ou ça me fait du bien, je ne sais pas, mais ça déclenche en moi une émotion d’une puissance rare.
Ce moment où tout bascule, je suis bien incapable de vous dire quand il intervient. Ce n’est pas un rebondissement dans l’histoire, ce n’est pas un changement de ton. C’est un truc insidieux. Ce n’est pas une formule magique, c’est un secret de chaman.
Chalandon ne cherche pourtant pas le pathos, le sensationnel. C’est toujours pudique, intime. Presque froid. Alors, la lectrice maline que je suis pense rester à distance, que ce n’est qu’une bonne histoire bien écrite, qu’elle commence à connaître les trucs de l’auteur, qu’elle ne va pas tomber dans le panneau ce coup ci, que ce livre ne fera pas les ravages des précédents.
Erreur... je me suis encore pris une claque, je me suis faite retourner, j’en ai pris plein le cœur
Premier titre que je lis de cet auteur, aprè savoir longtemps tourné autour ...
C'est dans le sac des surprises d'été de ma médiathèque, qui avait pour thème l'Irlande, que j'ai trouvé ce roman qui décrit l'amitié d'un luthier français et d'habitants de Belfast, catholiques sympathisants de l'IRA, dont l'un s’avérera être un traître à la solde des Britanniques.
Au fil de la première partie de l'ouvrage, on découvre comment Antoine se découvre une nouvelle famille à Belfast, après avoir appris à boire de la Guinness et à décoder l'accent rocailleux des bars ...
Après la mort de Jim, il se rapproche de Tyrone, qui deviendra son père adoptif ...
La découverte de sa traîtrise, de ses 25 ans de collaboration avec l'ennemi britannique n'en sera que plus rude.
Un roman sur l'Irlande du Nord, celle de la lutte armée, sur l'amitié virile ... bien écrit, mais ce n'est pas un thème que j'affectionne particulièrement ...
Je lirai d'autres lires de cet auteur dont le style m'a cependant bien plu.
Un roman qui nous rappelle des moments douloureux pour l'Irlande du nord. Ce livre est aussi axé sur l'admiration, sans borne, qu'Antoine voue pour ce pays. Elle est renforcée par ses rencontres avec Jim et Cathy et bien sur celle de Tyrone. Cet homme est la référence pour la cause.
On vit avec lui dans son atelier parisien et on fait les voyages à Belfast où il retrouve ses nouvelles connaissances, sa nouvelle famille. On voit le cheminement de son intégration à la vie de Belfast et auprès des habitants.
L'amitié de Tyrone pour Tony était-elle aussi une trahison? Antoine n'obtient pas de réponse.
Poche
Ma chronique complète : http://vie-quotidienne-de-flaure.blogspot.fr/2012/06/mon-traitre-compte-rendu-de-lecture.html
Le personnage le plus étonnant de ce roman n'est pas le traitre mais le sympathisant de la cause catholique irlandaise qui s'attache et tente de devenir plus irlandais que ses modèles. Le fonctionnement d'une société minoritaire et sa résistance sont bien décrits à travers les yeux de ce petit français solitaire qu'on suppose être l'auteur. le traitre, son traite est devenu, bien malgré lui, son ami, son père....
Etait-il sincère semble être la seule question obsédant le trahi ? Pourquoi a t'il trahi ? Le héros ne veut pas le savoir, mais les lecteurs le sauront dans "retour à killybegs" qui est plus fort mais qu'on ne doit lire qu'à la suite
Plongé dans l'univers de l'Irlande du nord.
Découverte d'un conflit que je ne connaissais/ connais pas bien.
Force des personnages et des sentiments qui les lient.
Un livre magnifique
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